Spindrift 2, du solo à l'équipage

Spindrfit 2 © Eloi Stichelbaut

En juin 2013, Spindrift Racing, l'écurie dirigée par Yann Guichard et sa compagne Dona Bertaralli, rachète le maxi trimaran Banque Populaire V. L'objectif est de s'attaquer aux records majeurs et notamment d'améliorer le chrono du Trophée Jules Verne.

En novembre 2013, les marins de Spindrift Racing améliorent le record de la Route de la Découverte (Cadix – San Salvador) de 20 heures avec une traversée de l'Atlantique effectuée en 6 jours, 14 heures, à la vitesse de 24,50 nœuds.

L'année 2014 est marquée par un double objectif : s'attaquer durant l'été au record de l'Atlantique Nord en équipage (New York-Cap Lizard) et prendre le départ de la Route du Rhum à l'automne, dans la catégorie Ultimes.

Un gros travail de chantier pour adapter le trimaran à la navigation en solitaire

Pour ce faire, le trimaran entre en chantier 4 mois à Lorient, afin d'être adapté à la navigation en solitaire. En tout, 20 personnes vont participer à la transformation du bateau.

"Cette année, nous faisons de l'équipage et du solo. Nous avons fait des choix pour être performants sur les deux terrains. Cela nous permet aussi d'explorer des pistes d'innovation pour le Trophée Jules Verne, l'objectif phare de notre campagne avec Spindrift 2.

Un mât 6 m plus court pour le solo

La principale modification concerne le mât, raccourci de six mètres pour rendre notamment le bateau plus manœuvrant en solitaire. Avec 20 % de voilure en moins, Spindrift 2 sera aussi plus léger cette saison tout en restant performant. Cela implique aussi de changer la façon dont le mât est accroché au bateau. Certaines cadènes sont supprimées et une nouvelle est créée, celle de l'étai de trinquette, une pièce très structurelle qui tient le mât" explique Antoine Carraz, responsable technique et navigant de Spindrift racing en 2014.

En effet, au nombre de trois, ces cadènes sont des pièces de carbone solidaires du pont qui fixent les câbles qui portent les voiles, autrement dit, ces pièces accrochent le moteur du bateau (mât/voiles) au châssis (plateforme). "La cadène principale supporte une force de travail de 35 tonnes", précise cet ingénieur mécanique et structure, "Actuellement, nous avons deux personnes qui travaillent pendant trois mois uniquement sur cette zone complexe du bateau."

Moins de voiles

En réduisant le gréement, l'équipe de Spindrift racing gagne non seulement du poids dans les hauts, mais réduit aussi le jeu de voiles. "La légèreté est le nerf de la guerre du multicoque," poursuit-il. "Supprimer le grand gennaker qui n'est pas manœuvrant en solo et trop grand pour la force de vent recherchée sur l'Atlantique Nord, nous fait gagner 200 kilos. Idem pour le Solent où l'on économise encore 300 kilos. Nous avons aussi supprimé la bascule de mât. Ce système permet d'anguler le gréement d'un bord sur l'autre lorsque le trimaran gîte. En solo, tu navigues avec la coque centrale dans l'eau. C'est donc un équipement lourd avec un gain en performance très faible en solitaire. Pour l'Atlantique Nord qui se fait sur un seul bord en équipage, nous avons la possibilité de basculer le mât au départ de façon fixe. Nous avons donc décidé de déposer les vérins ainsi que la centrale hydraulique, soit un nouveau gain de 400 kilos."

Des appendices simplifiés

Pas de grand changement en revanche sur les safrans et les foils qui restent identiques, seule la dérive sera neuve. "À la conception du bateau et dans l'idée de faire des courses autour du monde, la dérive d'origine avait un trimmer (volet arrière comme sur une aile d'avion qui permet de mieux remonter au près). En Atlantique comme sur le Jules Verne, nos parcours seront très majoritairement au portant où l'on navigue dérive relevée. Nous aurons donc une nouvelle pièce sans trimmer, plus légère de 200 kilos, optimisée en structure et en forme pour la glisse."

Un vélo pour travailler avec les jambes

Malgré les mensurations pharaoniques de Spindrift 2, Yann Guichard a deux bras et deux jambes pour le contrôler en solo. Border plusieurs centaines de mètres carrés de grand-voile, prendre/lâcher un ris, dérouler/rouler une voile d'avant, des minutes douloureuses même pour six wincheurs qui moulinent sur les trois colonnes du cockpit en version équipage. Pour la Route du Rhum, Yann garde deux moulins, un par bord, et ajoute aussi un vélo pour utiliser la force du bas du corps comme l'a fait Franck Cammas lors de sa victoire en 2010.

Malgré tout, un coup d'œil suffit pour se rendre compte qu'à la barre, il est difficile pour Yann Guichard de garder en main les écoutes de ses voiles. Les pilotes automatiques constituent donc la pierre angulaire de cette transat en solo. La solution trouvée par Spindrift racing est ingénieuse comme l'explique Antoine. "Le bateau est trop gros pour utiliser des vérins hydrauliques. Comme il est très grand, il est aussi très stable donc il y a peu de corrections de barre à donner. Du coup, nous utilisons des moteurs de pilotes de bateaux de plaisance avec un système inventé par l'équipe. Nous avons déjà testé le dispositif sur le convoyage retour de Miami l'an dernier et ça marche très bien."

Enfin, les dimensions du trimaran dictent là encore leurs lois au skipper qui, par mesure de sécurité et souci de performance, restera en veille permanente sur le pont. "Nous installons la cellule de vie de Yann dehors, à l'abri sous la casquette. Il aura ses écrans d'ordinateur, ses commandes de pilote, tous les bouts à portée de main si besoin et sa bannette pour se reposer dès qu'il le pourra."

Des kilos gagnés partout

Enfin, des dizaines de détails qui n'en sont pas sur ces bateaux contribuent à ce cercle vertueux du délestage maximal. Des kilos avaient déjà été gagnés l'an dernier sur les filets en spectra, les bannettes et la cuisine seront démontées avant le Rhum et une nouvelle table à cartes plus légère est aussi en fabrication. "Nous réfléchissons sur chaque pièce qui a été démontée pour gagner le moindre gramme. Nous pesons tout au remontage pour faire le point. Au total, si nous arrivons à gagner deux tonnes, c'est 10 % du poids du bateau, ce qui est énorme."

En juin, Spindrift 2 entre en stand-by à Newport dans l'attente d'un créneau météo favorable pour s'élancer sur l'Atlantique, mais aucune fenêtre ne s'ouvre durant l'été. Le trimaran rentre en France. En novembre 2014, Yann Guichard participe à la Route du Rhum et décroche la 2e place.

Repasser en mode équipage pour le Trophée Jules Verne

Puis à son retour de la course, le trimaran entre de nouveau en chantier pour repasser en mode équipage. Le chantier sera réalisé chez Multiplast, à Vannes, durant l'hiver 2014.

L'optimisation majeure concerne le mât de 42 m, spécialement conçu par le Spindrift racing design team et GSea Design pour le Trophée Jules Verne et construit chez CDK à Port-la-Forêt. Il aura demandé un an et demi de design et de construction. Le projet mené par Spindrift racing a permis de gagner 1 demi-tonne, soit un 1/4 du poids total de l'espar d'origine. Le mât qui bascule en latéral pour plus de puissance est posé sur une rotule qui peut supporter 80 tonnes de charge.

Banettes, cuisine, table à cartes, rangements : l'équipement intérieur a été allégé, sans faire de concession sur le minimum de confort nécessaire pour vivre à 14 marins dans 20m2.

La zone de manœuvres de Spindrift 2 a été en partie remaniée avec un plan de pont simplifié et une casquette rallongée pour le gain aérodynamique et une meilleure protection des embruns dans la grosse mer.

Au portant, Spindrift 2 peut porter 1230 m2 de voiles : grand-voile, gennaker et trinquette.

Voir le détail des travaux réalisés sur Spindrift 2


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