Conrad Colman : la seule voile à corne de l'histoire des gréements de fortune !

Conrad Colman confectionne un gréement de fortune

Dans ce message, Conrad Colman nous explique comment il a réalisé ce gréement de fortune qui lui permet de progresser - doucement - Vers Les Sables d'Olonne. Le 20 février, il lui restait 350 milles à réaliser avec une météo pas facile : vents faibles et contraires…

Le 17 février, suite à son démâtage, nous avons titré : "Conrad Colman, un gréement de fortune dans les règles de l'art". En effet, le skipper nous avait envoyé 2 photos prises avec son drone de son gréement de fortune. Des photos qui montrent la maitrise de ce concurrent du Vendée Globe.

Il nous explique aujourd'hui plus en détail comment il s'y est pris pour réaliser ce gréement :

"Pour commencer, il faut revenir 8 ans en arrière, en août 2008. C'était un été particulièrement chaud sur l'île de Wight où je participais à la Cowes Week, la plus grande régate de la saison avec plus de 1000 bateaux sur l'eau. Je naviguais sur un bateau de 52 pieds appartenant à la GBR Yacht Racing Academy et au lieu d'aller au bar avec mes équipiers le soir, j'allais travailler la nuit dans une voilerie.

Medina Sail Care (le nom de la voilerie) est perchée au bord de l'eau et située au deuxième étage au-dessus d'un magasin de mécanique marine. Depuis toujours, elle est tenue par Gerry, un sympathique sud-africain, ami de tous dans cette petite communauté de Cowes, et habitué à prendre sous son aile des jeunes motivés pour apprendre les ficelles du métier.

Les clients, un peu rougis par les coups de soleil et légèrement ivres après avoir célébré leur victoire du jour, arrivaient un spi mouillé sous le bras. Plooof. La masse détrempée tombait au sol et l'inondait d'eau salée. "Est-ce que vous pouvez réparer ça pour demain matin?". On regardait alors les restes de ce qui avait été une voile à la fière allure. C'était toujours possible avec un rituel identique : rinçage à l'eau douce, séchage, nettoyage à l'acétone et collage des nouveaux tissus avec du double-face et enfin couture. Rien n'adhère sur une voile salée et mouillée.

Tout ça pour dire que pour fabriquer une nouvelle grand-voile pour mon gréement de fortune, un beau challenge m'attendait. Je n'avais pas accès à un plancher, ni à de l'eau douce, ni à des machines à coudre, ni au coup de main d'un collègue ! Parce que je ne pouvais pas fabriquer renforts dans mes coins qui auraient permis à ma voile de supporter les charges de navigation, il a fallu que je trouve dans les bouts de voile restants les éléments dont j'avais besoin.

En tournant la voile à 90 degrés, j'ai pu utiliser les renforts existants du ris 2 pour le haut et le bas de la voile contre la bôme et un autre renfort est devenu le point d'écoute. J'ai étalé le morceau de voile du mieux que j'ai pu, enlevé le sel en frottant avec des vêtements, et collé du double-face le long des coutures pour plus de sécurité. J'ai renforcé les zones par lesquelles la voile allait être attachée à la bôme. Ça a l'air simple, mais ça m'a pris une journée entière… Comme les prévisions annoncent majoritairement du vent arrière ou de travers jusqu'aux Sables, j'ai consacré un peu plus de temps à la confection d'une corne pour le haut de la voile afin d'avoir un peu plus de surface de voilure. Je crois que c'est la seule voile à corne de l'histoire des gréements de fortune !

COnrad Colman Gréement de fortune
COnrad Colman Gréement de fortune

J'ai travaillé sur une surface tellement réduite que je n'ai pas eu l'occasion de voir la grand-voile en entier avant de la hisser ! C'est aussi parce que j'ai décidé d'attacher la voile directement au mât au lieu d'utiliser une drisse pour la mettre en place. Ça a rajouté beaucoup de poids et compliqué la mise en place de la bôme à la verticale. Je ne pourrais pas l'affaler, mais je ne risque pas d'avoir à prendre un ris dans les jours qui viennent !

En comparaison, la mise en place du tourmentin a été plutôt facile : dérouler la voile, changer le câble et hisser. Cela tombe vraiment bien que la classe IMOCA impose d'avoir à bord une si petite voile (19,5 m2). Je n'ai jamais vu cette voile utilisée en dehors des cas de démâtage !

Maintenant, il ne me reste plus qu'à arriver aux Sables avant de ressembler à un squelette! Je n'ai plus grand-chose à manger hormis des soupes en sachet et des biscuits des rations de survie…"

Plus d'articles sur le thème
Réagir à cet article
José Klipfel
José Klipfel
Bravo Conrad. j habite à Strasbourg et ne suis pas marin du tout. Mais je me suis passionné pour ce Vendée Globe et pour vous en particulier. Je suis fier et fan de vous. Je vous souhaite de prendre du vent et d arriver samedi ou dimanche applaudi par des dizaines de milliers de personnes. Ciao Gold Kiwi.

Ajouter un commentaire...