Interview / Transatlantique en semi-rigide en solitaire, le point à la mi-parcours

Christophe Maupaté

Christophe Maupaté est parti le 16 juillet 2016 de Bordeaux pour traverser l'Atlantique d'est en ouest en semi-rigide. Nous l'avions rencontré à Brest, qui était sa 1re étape. Désormais, il est en stand-by pour le départ de sa 6e étape reliant Reykjavik (Islande) à Qaqortoq (Groenland). De retour en France dans l'attente d'une fenêtre météo favorable, il nous raconte son épopée à mi-parcours.

Vous avez bouclé la moitié de votre parcours et êtes de retour à Paris, pourquoi ?

J'ai fait la moitié en nombre d'étapes, mais pas en distance puisque je m'apprête à parcourir les plus longues [NDLR Reykjavik – Qaqortoq (787 mn) et Qaqortoq – St Anthony Port (649 mn)].

Si je suis retourné en France, c'est que j'ai rencontré quelqu'un qui fait de la voile en Islande et nous avons vu avec un routeur qu'il n'était pas possible de partir au Groenland pour l'instant. J'ai donc mis le bateau dans la marina avec les batteries en charge pour pouvoir repartir rapidement. Je guette une fenêtre météo favorable qui me permettrait de repartir, mais j'ai besoin de 5/6 jours vraiment favorables. Une fois passées ces deux grosses étapes, je serais moins gêné en termes de météo.

J'ai préféré rester à Reykjavik et ne pas prendre le risque de poursuivre mon périple, car je pouvais arriver le vendredi matin au Groenland et la dépression arrivait dans l'après-midi. C'était trop juste et dans tous les cas je serais resté coincé au Groenland. Or ici, j'ai pu prendre l'avion pour rejoindre la France et revenir facilement si la météo le permet lorsque je partirai pour la 6e étape. Il faut que je quitte Reykjavik au plus tard le 15 août. Après ça sera trop tard puisque je dois reprendre le travail en septembre.

Sur cette étape, je vais un peu améliorer le trajet prévu initialement en passant dans un canal – le Sound – que je n'avais pas vu avant mon départ et où je serais plus à l'abri s'il y a un peu de vent. Il va falloir aussi que je calcule l'heure de départ de Reykjavik pour la phase finale : les 10 dernières heures doivent se faire de jour pour que je puisse voir les glaçons qui flottent.

Si la fenêtre météo ne se présente pas, quel est le programme ?

Pour l'instant, la fenêtre météo n'est pas optimale et est loin de le devenir. Si jamais ça ne s'améliore pas, j'irai récupérer le bateau en Islande pour le mettre dans un container, comme je devais le faire depuis les États-Unis.

Il n'y aura pas d'autres tentatives cette année puisque c'est une traversée qui ne peut se faire que l'été. On verra donc – dans le cas où ma tentative échoue – si je la tente l'année prochaine ou si je pars sur un autre projet.

Islande

Quel est votre meilleur souvenir ?

Les levers de soleil en navigation même s'il ne fait jamais complètement de nuit puisqu'on est dans le Nord. Les nuits sont plutôt fraiches, voire très froides, les paysages et l'éclairage sont absolument magnifiques. Mes rencontres avec les dauphins sont aussi de très bons souvenirs.

Les dauphins à Thorshavn

Quel est votre plus mauvais souvenir ?

Je pense que c'est le froid, notamment sur l'étape Brest - Dublin où je n'étais pas assez équipé, je n'avais pas mis la combi de survie. C'est une opération qu'on ne peut pas faire en mer, il y a beaucoup de couches à enfiler, des chaussons, des bottes, etc. Mais en même temps, on ne peut pas la porter la journée sinon c'est le sauna, c'est une combi étanche, en néoprène. Par contre, pour les prochaines étapes je la mettrai, car en plus du chaud, c'est aussi une combinaison qui permet de tenir plus longtemps si on tombe dans l'eau glacée, car elle est étanche.

Au niveau du bateau, de votre consommation, tout se passe bien ?

Sur le plan du bateau j'ai une satisfaction complète, mais c'est lié à la préparation. Pour la consommation carburant je suis complètement dans les clous et je suis très content. Dans certaines conditions, ça va presque au-delà de mes prévisions.

Islande

C'est aussi une aventure humaine ? Vous faites de belles rencontres lors de vos étapes au port ?

J'ai noué beaucoup de contacts, les gens sont adorables et m'aident lors de mon arrivée au port. Je savais que ça n'allait pas être si facile de se ravitailler et ça a été le cas. Notamment à Kirkwall, où la pompe avait disparu depuis 4 ans. Avec des gens qui m'ont aidé, j'ai dû remplir 650 L avec des bidons de 20 L et ça m'a pris une matinée et une après-midi.

Par contre, aux îles Féroé (Thorshavn) j'ai eu une drôle de surprise. J'étais sur place les 15 et 16 juillet et je n'avais pas anticipé d'arriver juste avant le massacre des globicéphales – Grindadráp. J'ai reçu un accueil plus que froid et j'ai été surveillé tout le temps de mon séjour sur place. Le massacre avait lieu le lendemain.

Islande

Comment gérez-vous la fatigue physique ?

Je savais que ça allait être extrêmement physique, mais peut-être pas à ce point-là. La difficulté c'est surtout le froid, la nuit, car c'est très humide avec la rosée. J'ai d'ailleurs bricolé un peu ma cabine, car la rosée se colle sur les bâches en plastique. Pour l'étape entre les îles Féroé et l'Islande, j'avais mis ma combi de survie et j'ai eu beaucoup moins froid. Je me rends compte qu'il ne faut pas hésiter à s'équiper et s'adapter au fur et à mesure pour avoir chaud. De la même manière, c'est important de manger et de boire du chaud toutes les quatre heures. Il ne faut pas attendre d'être transi.

Côté sommeil, je ne dors pas beaucoup, mais ça va.

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