Interview / Charlie Dalin : "J'aborde cette Transat Jacques Vabre 2019 de manière plutôt sereine"

Charlie Dalin © MxHorlaville / disobey./ APIVIA

Charlie Dalin vient d'intégrer le circuit IMOCA et a fait construire un IMOCA foiler flambant neuf, Apivia. Récemment mis à l'eau, le bateau est encore en phase de fiabilisation. Néanmoins, le skipper originaire du Havre espère terminer sur le podium de la Transat Jacques Vabre.

Des bords en Optimist à des études d'architectures navales

Charlie Dalin a 35 ans et vient d'intégrer la classe IMOCA avec le flambant neuf Apivia, un plan Verdier équipé de foils. C'est lors de vacances en Bretagne, à l'âge de 6 ans, qu'il découvre la voile, lors d'un stage d'Optimist. Dans sa famille, il n'y a aucun marin mais l'expérience lui plait. "J'ai découvert la voile par hasard. Ça m'a plu et je n'ai plus jamais arrêté depuis."

Après quelques années d'Optimist, il passe rapidement en 420 en école de sport. "L'Optimist, ça n'allait pas assez vite, le 420 c'était plus fun." Pendant 3 ans, il suit un programme classique de filière Espoir en dériveur double.

Après un cursus scientifique au lycée, il songe à s'orienter vers des études d'architecture navale. Ce n'est autre que Marc Lombard qui lui recommande d'intégrer l'université de Southampton. Pendant quatre ans — le cursus est réduit d'un an par rapport à la France — il n'en oublie pas pour autant la régate. "Je ne naviguais plus en dériveur mais sur des bateaux habitables." Il s'entraine dans le Solent et participe à plusieurs régates comme le Tour de l'île de Wight, navigue en Far 52 et prend part à quelques courses du circuit Mini et au Tour de France à la voile lors de ses vacances en France.

Un bagage d'architecte bienvenu

Cette formation d'architecte navale lui est aujourd'hui bien utile, au vu du niveau technologique de la voile d'aujourd'hui.

"Après le lycée, j'avais envie de faire des études dans le domaine de la voile. Je voulais progresser dans ma connaissance des bateaux, voir comment ça fonctionnait, les dessiner et les construire et je ne pensais pas si bien faire à ce moment-là. La voile est devenue très technologique. Ce bagage me sert au quotidien. »

S'il a pu transposer ses connaissances en Figaro, circuit qu'il a fréquenté pendant plusieurs années, grâce à ses études, elles lui ont aussi été très utiles pour la construction de son bateau. "Je parlais le même langage que Guillaume Verdier et j'ai pu avoir un avis en ce qui concerne la construction. Mes études sont aussi utiles dans mon quotidien sportif pour l'utilisation des outils, les stratégies météo, les raisonnements.

©MxHorlaville / disobey./ APIVIA

Un boulot pour financer les courses

À la fin de ses études, il alterne projets d'architecture navale et projets de course. Il finance d'ailleurs ses bateaux grâce à son activité professionnelle. Il participe notamment à la construction du trimaran Oman Air de Sidney Gavignet ou encore à celle des deux voiliers Ericsson de la Volvo Ocean Race 2008/20009.

"Ça m'a permis d'acheter un Pogo 2 en copropriété en 2007 et de financer ma saison jusqu'à la Mini Transat 2009. Cette course me faisait rêver depuis longtemps et elle était accessible financièrement sur fonds propre."

La révélation

Cette course lui confirme aussi ce qu'il ressentait profondément ancré en lui, il est fait pour la course au large. "Tant que l'on ne fait pas de grandes courses, on ne sait jamais si l'on est véritablement fait pour ça. J'ai eu ma réponse après deux semaines de course, sur la 2e étape. Je me demandais déjà quelle course j'allais faire après. J'avais en tête de participer à la Route du Rhum 2010."

Faute de financement, il renonce à la mythique transatlantique. Mais alors qu'il se balade sur les pontons à Saint-Malo, il fait la rencontre du team Brit Air, sponsor de l'IMOCA d'Armel le Cléac'h. L'équipe cherche du personnel pour son bureau d'étude.

"C'est comme ça que je me suis retrouvé à Port La Forêt pour rejoindre l'équipe d'Armel en 2010. Mon job c'était de participer aux modifications du bateau pour le Vendée Globe 2012 mais le projet n'a jamais vu le jour, Brit Air a stoppé son sponsoring."

©MxHorlaville / disobey./ APIVIA

Une carrière de course au large en Figaro

Finalement, il se lance dans un programme Figaro sponsorisé par Keopsys (NDLR Aujourd'hui Lumibird). Sa carrière de course au large est lancée. Il intègre le pôle Finistère Course au Large pour deux saisons en Figaro, enchaine avec une Transat AG2R avec Gildas Morvan en 2012 avant de naviguer en équipage avec Nicolas Troussel sur son projet de Tour de France à la Voile.

En 2014, il trouve un nouveau partenaire — Normandy Elite Team — qui lui finance une saison supplémentaire en Figaro. "J'ai fait une super saison et le podium des 3 épreuves du Championnat de France, ce qui m'a permis de décrocher le titre de champion de France de course au large en solitaire."

Fin 2014, il remporte la Sélection Skipper Macif et embarque pour quatre saisons, toujours en Figaro. "Je me suis réalisé et j'ai gagné pas mal d'épreuves. J'ai vraiment percé et j'ai fait 4 nouveaux podiums sur la Solitaire du Figaro."

La découverte de l'IMOCA

En parallèle, il découvre l'IMOCA grâce à Yann Eliès, avec qui il collabore sur la Route du Rhum 2014, que le skipper briochin court en MOD70. À la fin de la transatlantique, Yann Eliès passe en monocoque de 60 pieds avec Queguiner et propose à Charlie d'embarquer avec lui pour la Transat Jacques Vabre.

"Il m'a fait confiance et m'a proposé de partager avec lui ma première expérience de l'IMOCA."

©MxHorlaville / disobey./ APIVIA

Le partenariat avec Apivia

À la fin de ses saisons en Figaro nait son partenariat avec Apivia. "C'est une marque jeune, en quête de notoriété, qui, au vu des résultats du sponsoring voile de Macif, a décidé de se lancer dans l'aventure." Car Apivia Mutuelle fait partie intégrante du Groupe Macif.

"J'ai vraiment de la chance avec leur super engagement. C'est un projet sur la durée avec en point d'orgue une Route du Rhum 2022 et la construction d'un bateau neuf. Sur ce projet, on ne pouvait rêver de meilleures conditions pour un premier Vendée Globe."

Pour construire Apivia, l'équipe technique a beaucoup étudié les bateaux d'ancienne génération, même s'ils étaient réversibles, et pensé à la base pour accepter des dérives droites en termes de forme de carène.

"On a racheté les plans du Super 60 dessiné par Guillaume Verdier pour la Volvo Ocean Race. C'était l'opportunité de faire évoluer un bateau déjà dessiné et de voir le projet dans son intégralité. Quand on construit un bateau, habituellement, les éléments viennent les uns après les autres."

En collaboration avec l'architecte, Charlie et son équipe ont fait évoluer la forme de coque, de pont, la structure générale, le cockpit ou encore le roof. "J'ai aussi poussé pour concevoir un cockpit fermé. Les bateaux sont de plus en plus rapides et sollicitant mais l'homme évolue moins vite. Il faut réussir à trouver des solutions pour aller plus vite plus longtemps et tenir le choc."

Naviguer au sec

Le skipper d'Apivia évoque un parallèle architectural avec l'automobile ou l'aviation. "Ce qui se passe en IMOCA, c'est une révolution déjà vécue dans différents domaines. Les voitures étaient assez ouvertes à l'époque, sans pare-brise et lorsque la vitesse est apparue, on a commencé à travailler sur la protection des passagers. C'était pareil pour les avions. On volait la tête au vent avec de simples lunettes. Avec la vitesse, il a fallu protéger le pilote. Aujourd'hui, ça a du sens — pratique et aérodynamique — dans la course au large de protéger le marin."

Charlie confie d'ailleurs qu'il avait retenu le concept découvert sur l'IMOCA Hugo Boss. "On a beaucoup étudié avec l'équipe la solution d'Alex Thomson. J'avais proposé un cockpit intérieur avec les winchs au pied de mât mais au final on a essayé de partir sur un compromis, qui permet de barrer de manière classique la tête hors du bateau."

©JM Liot / disobey. / ALéA / Apivia

Une collaboration avec Mer Concept

Le projet est hébergé chez Mer Concept, l'écurie de course au large montée par François Gabart. "Il y a une synergie, et une transversalité dans les projets. On se tire l'un et l'autre vers le haut. Il y a un savoir-faire très fort chez Mer Concept. J'ai l'impression qu'on a fait un bon bateau, bien né. Nous n'avons rencontré aucun problème de structures et les performances ont l'air plutôt bonnes. On est vraiment content du bateau, de l'équipe et du travail réalisé."

Depuis la mise à l'eau, Charlie et son équipe ont beaucoup navigué. "On est en phase de fiabilisation. Après le convoyage vers le Havre, nous aurons navigué 3 000 milles, soit l'équivalent d'un Brest — New York. C'est pas mal pour un bateau mis à l'eau récemment. J'aborde cette Transat Jacques Vabre de manière plutôt sereine. Il faudra attendre la fin de la course pour valider les capacités du bateau."

Un bateau polyvalent

"J'ai l'impression qu'on a bateau assez polyvalent. Il n'est jamais lent, avec un fond de vitesse assez facile à trouver. Même s'il est toujours possible d'aller plus vite en affinant les réglages, je trouve qu'on arrive assez rapidement à avoir une bonne vitesse. Étant donné la récente mise à l'eau du bateau, c'est assez prometteur.

En ce qui concerne les autres foilers, je ne les ai pas tous vus naviguer pour l'instant. Par rapport aux autres, il y a des conditions où l'on est mieux et d'autres où c'est moins bien."

Un podium pour confirmer les performances

"La Transat Jacques Vabre est importante dans le programme et indispensable à terminer pour la suite."

Si le jeune skipper souhaite finir au minimum sur le podium pour satisfaire ses ambitions sportives, il sait qu'Apivia sera encore en période de fiabilisation. "On va découvrir plein de choses pendant la course. Si tout se passe bien, on a la capacité d'aller chercher de bons résultats et pourquoi pas la victoire."

L'objectif reste néanmoins de faire naviguer le bateau correctement et d'arriver à traverser l'Atlantique pour rejoindre le Brésil. Cette étape marquera la fin de la période de fiabilisation avant le début de la prochaine saison.

©JM Liot / disobey. / ALéA / Apivia

Un coskipper en béton

Sur la Transat Jacques Vabre 2019, Charlie sera accompagné de Yann Eliès avec qui il a travaillé presque tous les ans depuis 2014. "J'ai été son skipper remplaçant, je l'ai suivi sur ses campagnes de Route du Rhum 2014 et 2018 et j'ai participé à la Transat Jacques Vabre 2015. On s'entend très bien et on est complémentaires en termes de compétences. La répartition des tâches se fait très naturellement. C'était vraiment l'équipier logique puisqu'on a déjà traversé l'Atlantique ensemble et terminé sur un podium. Yann c'est une personne qui termine ces courses. Il termine d'ailleurs souvent très bien placé et il a gagné plusieurs fois la Transat Jacques Vabre."

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