Concentré de technologie pour le Mini 6.50 Arkema 3

Mât aile, foils orientables, étai pivotant… Arkema 3 est un mini qui innove comme aucun autre Mini ne l'a fait jusque là. Découverte de toutes ces inventions.

Arkema 3 vient d'être mis à l'eau. Ce mini transat dessiné par Romaric Neyhousser innove dans de nombreux domaines. Construit par l'équipe de Lalou Roucayrol, ce prototype innove déjà par l'utilisation – une première ! – d'une résine entièrement recyclable (voir notre sujet sur l'explication de ce composite).

Mais ce bateau apporte aussi beaucoup d'innovations architecturales.

Il utilise le principe de la carène Scow, avec une étrave arrondie dont on sait aujourd'hui l'intérêt qu'elle procure en termes de puissance et de vitesse. "Le fait d'avoir accès aux foils nous a tout de même fait beaucoup réfléchir sur le choix de cette carène. Fallait-il tout cumuler ? La surpuissance de la carène et celle engendrée par les foils ? Au départ nous n'en étions pas vraiment convaincus", confie Romaric Neyhousser. "Mais en dessinant la carène, il est apparu qu'une étrave ronde constituerait la meilleure solution : nous avons pris conscience des problématiques de désaxage de carène que connaissent ces bateaux-là, qui ont des ratios largeurs / longueur inédits."

Comme sur tous les Minis prototypes, la quille est pendulaire pour augmenter le couple de rappel.

Une aile souple comme gréement

Le Mini 6.50 Arkema 3 est équipé d'une voile en tissu épais à deux éléments, à l'image des ailes des Class C ou des voiliers de la Coupe America, mais non rigide. Contrairement aux voiliers qui naviguent en baie, il fallait pouvoir réduire la toile sur le Mini 6.50 (prendre des ris et affaler complètement la voile). Le système devant être fiable et gérable par un skipper en solitaire dans les conditions océaniques.

Romaric Neyhousser : "Nous avons conçu une aile à deux éléments : un élément avant, autour du mât, et un élément arrière. Le deuxième est articulé sur le premier avec un axe de rotation déporté en avant de la chute pour créer un gap, une fente, entre les deux éléments. Toute la difficulté a résidé dans le fait de pouvoir tendre le tissu. Nous avons mis en place un système avec des profils qui permettent d'obtenir cette "allure" d'aile épaisse. Des formes en carbone, qui coulissent le long du mât, donnent un intrados et un extrados à l'aile."

César Dohy, maître voilier chez Incidence Sails, explique : "L'entoilage de l'aile s'est fait à partir de matériaux souples pour que le marin puisse faire varier la hauteur de la voile. Nous avons utilisé un tissu conventionnel, car nous étions bloqués par la jauge qui n'autorise que le polyester".

L'ensemble est donc articulé autour du mât, qui n'est pas apparent une fois la voile hissée. Encastré entre le fond de coque et le pont du bateau, le mât est partiellement autoporté sans haubans pour le maintenir. Seuls un étai pour porter la voile d'avant et des bastaques servent à le stabiliser.

"La fente apparaissant entre les deux éléments de l'aile permet d'augmenter les coefficients de portance et de retarder les angles de décrochage", avance Lalou Roucayrol. "Sur le papier, ce concept est potentiellement très intéressant, mais nous restons prudents. C'est une première sur ce type de bateau. Il va falloir attendre les premières navigations pour commencer à obtenir des éléments de réponse. L'aile est en elle-même un prototype, elle devra faire l'objet sans aucun doute de développement à l'issue de ces premiers essais."

Des foils orientables

La jauge de la classe Mini a évolué permettant d'envisager l'utilisation des foils. Dans la précédente jauge, la largeur des bateaux, en course, ne devait pas excéder 3 mètres, appendices compris. Pas question donc de déployer des foils plus larges que le bateau. Avant la mise à l'eau d'Arkema 3, un seul bateau (le n° 888 de Simon Koster) a été équipé de foils, qui se déploient vers l'intérieur, sous la coque, pour respecter la largeur maximale autorisée.Une option qui n'a pour l'instant pas donné de résultats probants.

La nouvelle jauge maintient cette limite des 3 mètres au port et au départ des courses. Mais d'après le texte, "les appendices peuvent augmenter la largeur de 3 mètres une fois le départ pris sans toutefois qu'elle excède 6,50 mètres dans la plus mauvaise configuration." Désormais, les skippers peuvent donc rétracter le foil au moment du départ puis le déployer dès que la ligne est franchie. Vus de loin, les foils du Mini ressemblent à ceux des IMOCA (les 60 pieds du Vendée Globe). Ils sont composés de deux parties : un shaft (partie droite qui se rétracte dans le puits) et un tip (sorte d'ailette perpendiculaire au shaft).

En IMOCA, les skippers peuvent seulement rétracter ou déployer le foil en navigation. La jauge, restrictive, interdit en revanche tout autre réglage dynamique, comme l'incidence du tip. En Mini, la jauge est plus ouverte et il n'y a pas de restriction sur les réglages : "il nous a semblé qu'il ne fallait pas rester dans le compromis défini par la classe IMOCA, afin de bénéficier d'une meilleure polyvalence", souligne Romaric Neyhousser. Ainsi les foils d'Arkema 3 sont montés sur une olive et peuvent pivoter pour modifier leur incidence, tout comme la quille.

Un étai qui pivote et un bout-dehors rétractable

Habituellement, sur les Mini 6.50, on trouve un étai dont la base est fixée sur le pont à l'étrave. À la base de cet étai fixe, s'articule un bout-dehors qui se replie sur le côté du bateau quand il n'est pas utilisé, au près par exemple.

Mais sur Arkema 3 la largeur de l'étrave ronde permet une autre installation. L'étai est fixé sur un rail. Ainsi, il coulisse en latéral sur un chariot. Le bout-dehors lié à ce chariot, pivote en même temps que l'étai. Lalou Roucayrol explique le principe : "La manœuvre de l'étai pour l'emmener à bâbord ou à tribord permet aussi d'anguler le bout-dehors. On peut envoyer la voile d'avant au vent (en remontant l'étai au vent) – ou sous le vent dans certaines configurations."

Une mise au point qui risque d'être laborieuse

Reste maintenant au skipper Quentin Vlamynck à prendre en main son voilier. Et cela ne va pas être une mince affaire comme le souligne l'architecte Romaric Neyhousser : "Il faut noter que la multiplicité des innovations du Mini 6.50 Arkema 3 ne simplifie pas la prise en main par le skipper. Il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte et la rigueur devra être nécessaire pour faire avancer le bateau, notamment dans l'acquisition de données, mais une chose est sûre : notre démarche a été passionnante."

Vivement les premiers retours de navigation et les premières confrontations en course pour voir si ce laboratoire flottant est aussi prometteur que souhaité.

Arkema 3

  • Mini 6.50
  • Architecte : Romaric Neyhousser
  • Année de construction : 2016
  • Longueur de coque : 6.50 m
  • Largeur de coque : 3.00 m
  • Longueur de flottaison : 5.60 m
  • Type d'appendice : quille pendulaire et foils
  • Matériau sandwich : carbone Elium
  • Tirant d'eau : 2.00 m
  • Voilure au portant : 107 m²
  • Voilure au près : 44 m²
  • Tirant d'air : 11.40 m
  • Type de gréement : mât aile autoporté
  • Lest : 350 kg
  • Déplacement lège : 800 kg
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