La lentille de Fresnel : une révolution pour les phares du monde entier


Au 18e siècle naît la première grande avancée technique du Service des Phares et Balises, façonnant l'avenir mondial de la sécurité en navigation. Cette innovation signée Fresnel propulsera la France au sommet de l'ingénierie maritime.

Lorsque la Commission des Phares a décidé de mailler le littoral français de phares, elle a jeté les bases de l'innovation technique qui allait redéfinir la signalisation maritime. La lentille de Fresnel fut alors la première grande avancée du Service des Phares et Balises. Fruit de l'ingéniosité d'Augustin Fresnel, elle devint le modèle standard pour la construction des phares, propulsant la France au rang de leader dans ce domaine.

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Création d'une Commission des phares

Au 18e siècle, les phares sont rares en France, à peine une quinzaine éparpillés sur les côtes. La gestion de ces points de signalisation lumineux cruciaux pour la navigation se partage entre deux instances. D'une part, la Marine, veille sur les grands ports stratégiques comme Rochefort avec le phare de Chassiron sur l'île d'Oléron ou celui des Baleines sur l'île de Ré. D'autre part, les Chambres de Commerce ont également leur mot à dire, à l'instar de la Normandie, qui érige le phare de la Hève et celui de Gatteville.

Ancien phare des Baleines transformé en musée consacré aux phares et balises  © CC BY-SA 4.0 Patrick Despoix
Ancien phare des Baleines transformé en musée consacré aux phares et balises  © CC BY-SA 4.0 Patrick Despoix

De l'autre côté de la Manche, l'Angleterre luit de 35 phares, affichant sa puissance maritime et une signalisation élaborée. La situation prend un tournant majeur à la suite des guerres napoléoniennes, lorsque Napoléon confie la gestion exclusive des phares au ministère de l'Intérieur et aux ingénieurs des Ponts et Chaussées. La France, affaiblie par les conflits, voit ses budgets grevés, ses ports délaissés, et sa flotte militaire presque inexistante, tandis que l'Angleterre trône comme une puissance maritime dominante.

En 1814, naît la Commission des phares, rassemblant marins, ingénieurs, administrateurs et scientifiques. Cette coalition hétéroclite est chargée de repenser intégralement le paysage de la signalisation maritime française. C'est le début d'une nouvelle ère pour les phares français, symbolisant une renaissance dans leur gestion et marquant un chapitre prometteur dans l'histoire de la navigation hexagonale.

Découverte de la théorie ondulatoire de la lumière

Fresnel, ingénieur émérite issu de l'École polytechnique et des Ponts et Chaussées, a marqué l'histoire grâce à son développement de la théorie ondulatoire de la lumière. En démontrant que la lumière se comporte comme une onde lorsqu'elle passe à travers des ouvertures très étroites, il bouscule les idées préconçues de la théorie classique de Newton.

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Dès 1815, Fresnel attire l'attention des éminents savants de l'Académie des Sciences. Résidant alors en Bretagne en tant qu'ingénieur des Ponts et Chaussées, il sollicite de poursuivre ses travaux à Paris. Sa destinée prend un tournant décisif lorsqu'il est désigné secrétaire à la Commission des Phares, se voyant confier la responsabilité d'expérimenter sur les dispositifs produisant de la lumière.

S'inspirant des travaux précurseurs du comte de Buffon, Fresnel explore la focalisation de la lumière à travers divers types de lentilles, dont les lentilles à échelon.

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En collaboration avec l'opticien Soleil, il concrétise des panneaux de lentilles expérimentaux. Le point d'orgue de ses efforts survient en 1822, lorsque Fresnel présente à l'Académie des Sciences son Mémoire sur un nouveau système d'éclairage des phares, mettant en lumière ces innovants appareils lenticulaires.

Création du Service des Phares

Après le décès d'Augustin Fresnel en 1827, son frère Léonor prend les rênes en tant que secrétaire à la Commission des phares. Poursuivant l'œuvre de son fraternel, ce dernier se lance dans le développement de divers appareils. Il supervise la construction de phares pour les abriter et crée littéralement le Service des Phares, jusqu'à ce qu'il transmette sa direction à l'ingénieur Léonce Reynaud. Durant près de deux décennies, Léonor se dévoue à la compilation des écrits de son frère, perpétuant ainsi l'héritage de Fresnel.

Une lentille à échelons

Fresnel a révolutionné la conception des lentilles utilisées pour concentrer la lumière des phares. Plutôt que d'opter pour une lentille bombée et lourde, il eut une idée pour réduire son épaisseur, facilitant ainsi son utilisation, son transport et son installation.

Par rapport à une lentille simple, la lentille de Fresnel réduit la quantité de verre à utiliser en la découpant en un ensemble d'anneaux concentriques de section prismatique. Pour chacune de ces zones géométriques, l'épaisseur est diminuée, ce qui fait que la surface globale de la lentille n'est plus lisse mais se compose de plusieurs surfaces de même courbure, séparées par des discontinuités. La lentille de Fresnel se distingue ainsi par ses échelons qui redirigent le faisceau lumineux extrait de la lampe vers l'horizon.

Principe de fonctionnement d'une lentille de Fresnel par rapport à une lentille classique
Principe de fonctionnement d'une lentille de Fresnel par rapport à une lentille classique

Aujourd'hui, dans le domaine des phares et balises, la technique de Fresnel est toujours d'actualité, mais la méthode de production de la lumière a quant à elle évolué. Si les premières lampes utilisaient des huiles, suivies de lampes au gaz puis l'électricité à filaments avec une durée de vie d'environ 6 mois, nous sommes désormais passés aux LED, offrant une possibilité d'éclairage de 10 ans.

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Diffusion au monde

À l'époque, un phare utilisant du charbon était visible à une distance de 17 à 20 km. Grâce à la lentille de Fresnel, l'éclairage pouvait atteindre jusqu'à 40 km.

En 1823, l'ingénieur introduit sa première lentille à échelon sur le phare de Cordouan, situé à l'embouchure de l'estuaire de la Gironde. Il est le prototype du système annoncé par la Commission des phares. Cette pièce novatrice a été préservée, et est actuellement exposée au musée des Phares de l'île d'Ouessant, dans le Finistère.

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L'impact de cette innovation, doublant la portée d'éclairage par rapport aux connaissances antérieures, a été mondial.

Sri Lanka, phare de Dondra Head © SGMer
Sri Lanka, phare de Dondra Head © SGMer
Norvège, phare d'Andenes © SGMer
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USA, phare d'Heceta Head © SGMer
USA, phare d'Heceta Head © SGMer
Brésil, phare de Santa Marta © SGMer
Brésil, phare de Santa Marta © SGMer

Trois entreprises ont dès lors rayonné, produisant 80 % des lentilles installées dans les phares jusqu'aux années 1930 : Henry-Lepaute ; Barbier, Bénard et Turenne ; ainsi que Louis Sautter.

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Si la lentille de Fresnel a révolutionné les phares mondiaux en remodelant les normes de balisage océanique, elle a ainsi permit une navigation plus sûre à travers les océans du globe. Aujourd'hui, le Cerema conserve une habitude ancienne dans le domaine des Phares et Balises. S'attachant à perpétuer l'héritage de Fresnel, il continue d'innover pour développer de nouvelles sources à LED.

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