Le Havre : un bateau-phare sentinelle de l'histoire maritime

Bateau-feu Le Havre © Attribution-Share Alike 4.0 International Raphodon

Emblématique du port du Havre et construit à Graville en 1935, le bateau-feu Le Havre était anciennement connu sous le nom de Dyck 35, nom du banc auquel il était initialement affecté à Dunkerque. Témoin du patrimoine maritime, le bateau-feu Le Havre, désormais amarré au port du Havre, est classé au titre des Monuments historiques depuis 2017. Il est l'un des plus anciens bateaux-feux à coque rivetée toujours conservés en France et témoigne de ces navires hors-norme.

Écoutez cet article

Construit en 1935 par les Forges et Chantiers de la Méditerranée à Graville, le Dyck 35 fut le premier d'une nouvelle génération de bateaux-feux à coque large, fond plat et moteurs puissants. D'abord mouillé aux abords de Dunkerque, il sort rescapé de la Seconde Guerre mondiale et revient au Havre. Rebaptisé Le Havre et remis en service en 1950, il effectue avec ses membres d'équipage une longue carrière afin d'assurer la sécurité en mer jusqu'en 1981, date à laquelle il est désarmé.

Les bateaux-feux assuraient la sûreté maritime

Les bateaux-feux, complémentaires des phares terrestres, avaient pour mission essentielle d'assurer la sécurité de la navigation. Ces bâtiments flottants, équipés d'un mât tubulaire portant un phare, étaient mouillés à proximité des hauts-fonds en mer grâce à une ancre spéciale, permettant ainsi de signaler leur présence aux marins. Certains servaient également pour marquer les chenaux navigables. Leur mode de fonctionnement variait, nécessitant parfois un équipage pour leur manœuvre, tandis que d'autres étaient automatisés, fonctionnant de manière similaire à des bouées. Les bateaux-feux ont été déployés dans de nombreux pays d'Europe du Nord, ainsi qu'en Amérique du Nord. En France, le Service des Phares et Balises s'est inspiré de la pratique anglaise pour concevoir ces navires.

Le Havre, un des pionniers automoteurs doté d'un équipement de sécurité optimal

Le Havre est un bateau-feu unique en son genre. Il a été le premier à être équipé de moteurs diesel couplés à des alternateurs, ce qui permettait une propulsion électrique. Cette mobilité lui évitait, à l'inverse de ses prédécesseurs, de recourir aux remorqueurs. Dès son installation, sous le nom de Dyck 35, il se dote d'éléments témoignant de son engagement à assurer une sécurité optimale pour les navigants :

  • une sirène de brume à air comprimé constituée par 4 pavillons fixés à un immense réservoir à air servant de régulateur.
  • un émetteur de sons sous-marins fait d'un vibrateur descendu au moyen d'une chaîne de mouillage dans un cylindre, traversant le navire par sa hauteur. Les vibrations avaient une portée de 17 milles environ.
  • un radiophare, aussi appelé phare hertzien, émettant des ondes électriques recueillies par l'antenne des navires.
  • une station météorologique.
  • une lentille de Fresnel avec une portée de 17 miles.
Lentille de Fresnel © Attribution-Share Alike 3.0 Unported Myrabella
Lentille de Fresnel © Attribution-Share Alike 3.0 Unported Myrabella
Corne de brume © Attribution-Share Alike 4.0 International Nitronae
Corne de brume © Attribution-Share Alike 4.0 International Nitronae

Deux petits groupes diesel-dynamos, de 10 kW chacun, produisaient l'énergie nécessaire à l'éclairage du bord, au fonctionnement du phare et à la manœuvre du guindeau. Afin d'accroître la sécurité, tout le matériel mécanique était en double et l'éclairage électrique était jumelé à une installation au gaz. En raison du roulis, le phare était pourvu d'un dispositif spécial monté sur cadran, avec des contrepoids d'équilibrage assurant une projection horizontale au niveau de la mer.

À bord, un équipage de huit personnes, à savoir un capitaine, un chef mécanicien, deux graisseurs, un lieutenant, deux matelots et un opérateur radio, travaillait douze heures par jour et était relevé tous les quinze jours. Leur mission consistait à effectuer des relevés météorologiques toutes les trois heures, à assurer l'entretien du bateau et à veiller au bon fonctionnement de la signalisation et de l'équipement radiophonique.

De navire de guerre à gardien de la mer

Pendant la période de guerre en 1942, le Service des Phares et Balises met le bateau-feu à l'abri, mais il est rapidement réquisitionné par les Allemands. Le Dyck 35, peint aux couleurs militaires, est utilisé comme batterie anti-aérienne. Pour augmenter ses effectifs, la soute à voile à l'arrière du bateau est transformée en poste d'équipage. À la fin de la guerre, il est retrouvé échoué et abandonné dans un canal près d'Ostende, en région flamande. Le Service des Phares et Balises décide de le mettre en cale sèche pour être révisé et remis aux normes.

En 1948, le bateau est affecté au port du Havre. Un remorqueur le prend en charge depuis Dunkerque en 1949, puis, en 1950, il reprend du service au Havre, port dans lequel il prend alors son nom actuel. Il effectue ses missions de prévention et de communication en binôme avec un autre navire. À partir de 1970, Le Havre est repeint en rouge et blanc, comme les autres bateaux-feux, afin d'être mieux repérable de nuit. En plus de servir de signalisation, il effectue des relevés pour l'Administration de la météorologie nationale. Durant toute sa période de navire stationnaire, il est exploité par le service des Phares et Balises des Ponts et Chaussées qui veille à son bon fonctionnement. Il sert dans le même temps d'atelier pour la maintenance des bouées-phares automatiques, avant d'être désarmé en 1981 et définitivement remplacé par une bouée de signalement lumineuse automatique.

Le bateau Le Havre à quai © Attribution-Share Alike 4.0 International Nitronae
Le bateau Le Havre à quai © Attribution-Share Alike 4.0 International Nitronae

Sauvé de la destruction

En 1986, la Ville du Havre fait l'acquisition du bateau auprès du service des Phares et Balises, agissant ainsi pour le sauver de la menace imminente de destruction. Dans un geste de préservation du patrimoine maritime, la Ville cède ensuite la propriété du navire à l'Association du musée maritime et portuaire, qui s'engage dans plusieurs campagnes de restauration.

Le Havre est destiné à devenir une pièce maîtresse du patrimoine maritime local. En 1999, lors de de la Transat Jacques Vabre, il est mis en lumière et indique l'entrée du village de la course. En 2005, la Ville du Havre renouvelle son soutien à l'association en contribuant à une opération de carénage du bateau-feu. Cette opération vise à vérifier l'épaisseur des tôles et la protection de la coque du navire, assurant ainsi sa présence lors de la prochaine édition de la Transat Jacques Vabre.

Classé monument historique en 2017, ce premier bateau-feu automoteur est aujourd'hui amarré quai Renaud au port du Havre, devenant ainsi témoin d'un passé révolu marquant les prémices de la sécurité en mer. Malgré la quasi-disparition de leur utilité avec l'avènement des balises automatiques et des technologies de navigation modernes, ces bateaux-feux demeurent des gardiens du patrimoine maritime français. Actuellement, seuls quatre autres subsistent encore sur le territoire. L'un d'eux, amarré sur la Seine à Paris, a été réhabilité en lieu festif de musiques alternatives et underground, connu sous le nom de Batofar. Deux autres, le Scarweather à Douarnenez et le Sandettié à Dunkerque, peuvent être visités, et enfin, le Roquerols à Sète.

Coupe longitudinale © Attribution-Share Alike 4.0 International Nitronae
Coupe longitudinale © Attribution-Share Alike 4.0 International Nitronae
Coupe longitudinale © Attribution-Share Alike 4.0 International Nitronae
Coupe longitudinale © Attribution-Share Alike 4.0 International Nitronae

Fiche technique

  • Longueur : 42.5 m
  • Largeur : 6.90 m
  • Largeur à la flottaison : 6.35 m
  • Tirant d'eau : 4.68 m
  • Déplacement : 770 tonnes
  • Propulsion : Autonome par moteur électrique de 100 CV
  • Moteurs : 2 moteurs Sulzer couplés à deux générateurs de 10 KW et 2 compresseurs B.P
  • Deux ancres parapluie
  • Deux chaînes de 300 m de longueur
  • Voilure : 154 m2

Aménagements intérieurs

  • Cinq cabines individuelles
  • Poste d'équipage avec quatre couchages hamacs
  • Carré des officiers
  • Carré d'équipage
  • Cuisine
  • Passerelle
  • Salle du radio phare
  • Salle des machines
  • Compartiments à réservoir d'air
  • Compartiment à puits aux chaînes avant
  • Compartiment à gasoil
  • Local atelier avant
  • Cale
Plus d'articles sur le thème
Pour aller plus loin
Le Havre Plaisance Le port de plaisance
80Place visiteur sur ponton
45.00 mLongueur maximum
4.50 mTirant d'eau maximum
Voir le guide marine complet
Réagir à cet article
Ajouter un commentaire...