Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce : penser la société à travers la navigation

Corinne Morel Darleux mène tout au long de son essai "Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce" une réflexion à propos de la société moderne et de son rapport au Vivant, au temps, à la consommation et à la montée de l'individualisme face au collectivisme, en puisant dans des références comme "La longue route" de Bernard Moitessier. Une invitation à contempler les navigations sous un autre oeil.

A travers divers ouvrages, nous nous penchons sur les apports de la navigation et de la vie en mer sur la philosophie. Dans ce premier volet, Corinne Morel Darleux et son essai "Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce", nous amène à penser le vivant et la consommation.

Réfléchir au Vivant

L'essai invite à réfléchir au monde dans lequel nous vivons, de la déconnexion à la nature, au Vivant. Dans sa démarche philosophico-militante, elle avance que seul ne peut être bien défendu que "ce qu'on appris à aimer, appréhendé par l'esprit et intégré par les sens" et s'appuie sur des illustrations de marins. Pour elle, la définition que Bernard Moitessier réalise de la solitude en mer, représente "une participation à l'univers en entier", car le marin la définit comme suit dans la Longue Route : "On est à la fois un atome et un dieu en réalité". Et c'est cela qui est nécessaire pour reconnecter au vivant. En effet, selon l'autrice, pour pouvoir avoir cette conception de l'univers, il faut en avoir été "affecté". C'est cela qui permet de comprendre, de considérer, que l'on fait partie de quelque chose de plus grand, et donc de pouvoir interagir avec notre environnement différemment, avec une autre conscience, en quelque sorte.

Comme l'indique Corinne Morel, tous les carnets de bord qu'elle a consultés, reflètent "ces moments de communion, d'émerveillement face aux cycles naturels de la mer, au comportement de ses habitants, aux repères célestes qui guident et au sentiment de plénitude qui prend le petit bouchon flottant à se sentir faire partie d'un vaste géant". Suite à cela, elle indique comme cette connexion, cette relation au vivant est rendue impossible dans les villes, où le vivant est tout simplement absent, enfoui sous le béton, sous la hauteur des immeubles…

Quelle chance avons-nous navigatrices et navigateurs d'avoir cette porte qui s'ouvre sur l'univers lorsque nous prenons la mer !

Réfléchir à la société moderne, le monstre, comme s'y réfère Moitessier

Dans son ouvrage, l'autrice souligne particulièrement la décision du navigateur d'abandonner le Golden Globe Challenge et de continuer son chemin. Comme l'indique l'autrice, pour lui "abandonner aurait été renoncer à sa voix intérieure et continuer la course".

L'abandon abordé depuis cette perspective, la porte à réaliser toute une réflexion sur la réussite et le refus de parvenir, le temps, la consommation et ce que ces éléments représentent dans notre monde moderne, qualifié de Monstre par Moitessier. Le refus de parvenir permet, selon l'autrice, de "dépasser le statut de payeur-consommateur auquel est réduit l'individu et qui détermine son statut social à l'aune de ses possessions". C'est, pourrait-on dire, cette connexion à l'univers qui permet, d'une certaine manière de prendre ses distances par rapport aux injonctions consommatrices, de s'approprier ce refus à parvenir. En mer, les sensibilités, les besoins se situent en d'autres endroits. Tout prend une autre dimension. Une autre dimension du vivant, de nous en tant qu'être vivant, s'ouvre à nous. En ce sens, il amène les personnes éprises par la mer, mais aussi quiconque réfléchissant à la notion de liberté à s'arrêter à penser. Elle affirme "Le refus de parvenir ne peut être réduit au critère matériel. Il relève avant tout de la capacité à exercer une intention propre, à effectuer des choix en conscience."

La dimension de l'essentiel en mer et à terre

La lecture de "La Longue route" amène également l'autrice à mettre en avant les technologies en leur dimension de solutionisme et de les questionner. Effectivement, comme elle l'avance, ne pas avoir emporter certaines choses qualifiées de "nécessités convenues" comme, entre autre, un émetteur radio bien lourd à l'époque, lui a permis d'emmener avec lui, d'autres éléments plus "émotionnels" comme un livre, sa bouteille de champagne bue au passage du Cap Horn, sa cargaison de tabac et de café. Tous ces éléments qui, comme l'indique l'autrice, sont des "trésors ô combien précieux pour accompagner tout ce qu'implique la solitude, en mer comme sur terre"

Oú se situe alors la notion de besoin ? Sur le court terme et sur le long terme ? Comment se définit la survie du Vivant, de la navigatrice ou du navigateur, dans cette notion de nécessité ? Quelle place occupe le sensible dans cette définition ?

Et vous, comment est-ce que la nature, le Vivant résonne en vous lorsque vous êtes en mer ? Et à terre ? Si vous ne vous êtes jamais arrêté à y penser, faites-le : des merveilles en surgissent.

Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce - Corinne Morel Darleux

  • Editions Libertalia
  • 10,8 x 17,8 cm
  • 101 pages
  • 10,00 €
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