Reprise de Fora Marine : La difficile question des acomptes sur les voiliers en commande

Voilier RM en construction

Depuis la reprise de Fora Marine par le groupe Grand Large, la direction du chantier naval fait face à un dossier majeur : la gestion du carnet de commandes de voiliers RM passé avec les anciens propriétaires. Entre témoignage de clients et réponse de Stéphan Constance, co-fondateur du groupe Grand Large : retour sur la situation.

De nombreux voiliers RM en commande

Si la santé financière de Fora Marine, le constructeur des voiliers RM, a nécessité son redressement judiciaire et a conduit au rachat par le groupe Grand Large, sa situation commerciale était bonne. Au moment de la cession, le carnet de commande affichait 28 bateaux et 25 clients (certains professionnels étaient en attente de plusieurs unités). "Le drame de RM, c'est son succès commercial !" explique Stéphan Constance, co-fondateur du groupe Grand Large. "C'est une situation inédite, car en général lors d'une reprise d'une société qui va mal, il n'y a presque plus de clients. Lorsque l'on a repris Garcia, il n'y a avait plus de client."

Les acomptes clients définitivement perdus

Si le groupe Grand Large a repris le chantier naval, il n'a pas repris les dettes. "Il était impossible de reprendre les contrats des clients. On l'a dit au tribunal. Cela nous aurait conduit à redéposer le bilan en quelques mois." résume Stéphan Constance. Pour autant, les acomptes versés par les clients restent eux dans l'entreprise. En fonction de l'avancement de la construction du voilier et de la négociation lors du contrat, la part versée atteint jusqu'à 50% du prix du bateau fini. Ils représentent au total 2,1 M€.

Fora Marine propose une remise sur un nouveau bateau

Pour les clients engagés avec l'ancienne direction, le chantier propose de repasser commande d'un nouveau RM dans des conditions particulières et avec une priorité sur la livraison. Une remise commerciale correspondant à un pourcentage de l'acompte versé est appliquée sur le dernier tarif publié en octobre 2019. Selon certains clients, la proposition initiale était de 22% de l'acompte. Elle est désormais de 50% de l'acompte indique Stéphan Constance. "Il faut refaire une commande car il n'y avait plus de lien juridique après la faillite. Elle se fait sur la base du dernier tarif en vigueur. La bonne nouvelle est qu'il n'y a pas d'augmentation. La mauvaise est que cela peut être plus cher que le 1er tarif signé, en fonction des remises commerciales obtenues ou de la date initiale d'achat des bateaux. Mais de notre côté, on ne peut pas assumer les prix inconséquents qui ont mené à la faillite. C'est une situation dramatique avec des clients qui ont versé de gros acomptes à quelques jours du dépôt de bilan, mais on met tout de même 1 M€ sur la table : 500 000€ correspondant au rachat des en-cours de production et 500 000€ de remises commerciales amenés par le groupe Grand Large."

Des rêves de navigation à revoir

Dans son communiqué de reprise, Grand Large indiquait accorder une importance particulière à la relation avec les clients. L'accueil de sa proposition semble très contrastée. "Cela va de "Super. Merci" à des menaces physiques. Des confirmations de commande sont en cours et d'autres situations sont humainement plus complexes. Nous avons fixé une règle qui se veut objective, sans analyse des cas particuliers, avec un effort proportionnel à la perte rencontrée", résume Stéphan Constance.

Pour les clients qui ont contacté BoatIndustry, l'analyse est plus sèche. Le forum des propriétaires a vu de nombreuses réactions et des clients étrangers s'organisent avec des avocats. "C'est une pratique légale, mais on nous demande de racheter un bateau qui nous coûtera au final pour certains 1,5 fois son prix initial. Personnellement, je pense que je vais décliner la proposition. Cela n'a pas de sens d'acheter aussi cher un bateau. Je vais peut-être réfléchir à de l'occasion" résume un client.

Un autre témoigne de la fin de son rêve : "Je vous laisse imaginer toutes les étapes qu'on traverse quand on a versé une bonne partie de ses économies dans l'acquisition d'un bateau qui était l'aboutissement d'un rêve pour notre famille. Hélas, notre tour du monde ne se concrétisera pas, les repreneurs ayant décidé d'augmenter considérablement leurs tarifs et de récupérer seulement une partie des acomptes versés. Nous ne pourrons pas suivre."

Si l'équation de la reprise est toujours complexe, espérons que les plaisanciers laissés à quai permettront réellement à Fora Marine de repartir du bon bord. Rappelons que le projet de reprise fixe un objectif de 14 bateaux pour le mois d'août 2020.

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David Bb
David Bb
Cela peut-être légal vis-a vis du tribunal, mais quand l'option est de perdre 150.000 euro sur un bateau ou de payer 80.000 de plus, cela tient a une arnaque. Cela en dit long de l'esprit "corsaire" des nouveaux patrons de RM Yachts. Avis aux navigateurs qui pensent a acheter un RM, un Alliage ou un Garcia. Les clients ne sont pas la priorité pour cette société. Qui peut confier les économies de sa vie a des gens sans scrupules?
Philippe Guillemin
Philippe Guillemin
en meme temps si pas de repreneur et fermeture apres depot de bilan ;;il n y a plus de bateaux du tout
David Bb
David Bb
Si le nouveau chantier veut avoir une bonne réputation, il n'a qu'a honorer les conditions que les acheteurs avaient lors de sa commande. Changer les règles du jeu en plein milieux des payements ce n'est point sérieux
Pascal Etienne
Pascal Etienne
cela s’appelle une faillite
Pierre Van male
Pierre Van male
Pour être passé par une expérience un peu similaire avec un autre chantier beaucoup plus amateur, je ne peux que compatir avec les clients lésés. Il me semble que ce genre de mésaventure n'est que trop courant dans le monde de la voile. N'existe-t-il pas des formes juridiques qui permettraient de prevenir ce risque. Par exemple de créer des sociétés et une compatibilites distinctes par bateau en construction, chaque client récupérant alors ce qui lui correspond en cas d'echec?
Michel Abellan
Michel Abellan
Je compatis naturellement avec les clients lésés (pour avoir également perdu des acomptes il y a 10 ans), mais aussi avec la sympathique équipe de Fora Marine qui s'est battue jusqu'au bout. Cependant, au delà des sympathies, où est l'arnaque dans cette reprise s'il y en avait une ? Il y a eu faillite et ce n'est pas la faute des repreneurs. Le chantier perdait de l'argent sur chaque commande. Dès lors, est-il moralement plus acceptable d'avoir encore accepté des acomptes de nouveaux clients tout en sachant que l'on allait bientôt déposer le bilan ou de prendre un risque industriel en rachetant un magnifique chantier et tenter de le rendre profitable? Chacun jugera. Les RM sont de magnifiques voiliers, leur coût de production est en partie lié à la technologie de construction employée et en partie dû à un manque de taille critique. Monter les prix de ces magnifiques bateaux pour les placer dans un segment premium (quitte à améliorer un peu la qualité de certains composants) me parait une évidence aux vus du positionnement unique de ces bateaux. A cela, pouvoir profiter des processus et de la force d'achat d'un plus grand groupe permettra, je l'espère d'assurer leur profitabilité. Avec tous mes voeux de succès pour les RM dans l'avenir. En espérant aussi que les clients lésés pourront, comme je l'ai fait, redimensionner leur projet et partir naviguer à la rencontre de leurs rêves.
Pierre Charriere
Pierre Charriere
La question des acomptes n'est pas à traiter avec les repreneurs, mais avec les anciens propriétaires . Jusqu'où est allée l’exploitation, s'ils se savaient condamnés . C'est la poursuite abusive de l'activité qui peut faire l'objet de poursuites à ' encontre des anciens mandataires sociaux. C 'est ce qui est arrivé lors du dépôt de bilan d'Alliaura où je suis le représentant des créanciers . Mais il ne faut pas se faire trop d'illusion, car les tribunaux de commerce sont très laxistes, surtout quand les anciens dirigeants sont des notables . C'était déjà le cas avec Alliaura. Il est certain que l'augmentation significative du prix pour les bateaux déjà commandés et donc partiellement produits avec des coûts de fabrications impayés ( fournisseurs et charges sociales ), c'est une idée peu commune. Mais cela s explique, car le client acheteur de ce genre de bateau est un client "one shot". Ce serait totalement différent si le client s'appelait Mooring ou Dream Yacht avec des achats de bateaux plus standards que les RM, pour sa flotte chaque année. Personnellement je ne souscrit pas du tout à la stratégie « premium » du propriétaire suisse ! Le prix des bateaux va déjà augmenter sensiblement pour les acheteurs européens (qui ne peuvent faire de mettre un pavillon suisse) qui vont voir passer la TVA de 10% à 20% . De plus les monocoques n’ont pas le vent en poupe.
Didier Testud
Didier Testud
Je suis sur le point d'acheter un bateau... Cette situation me fait réfléchir quant à acheter un bateau neuf par les temps qui courent... En tout cas, ce ne sera pas chez Grand Large.. Je vais revoir sérieusement mon choix.
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