Interview / Armel le Cléac'h explique les choix de conception du Maxi Banque Populaire XI

© BPCE / Yvan Zedda

Armel le Cléac'h mettre à l'eau son tout nouveau trimaran Ultim Banque Populaire XI le 27 avril 2021. Il nous explique les choix de conception de son nouveau bolide.

Vous êtes-vous inspiré de l'ancien Ultim Banque Populaire IX pour créer ce nouveau trimaran ?

Il y a pas mal de choses de l'ancien Ultim Banque Populaire IX qui ont servies pour dessiner et concevoir ce nouveau bateau. Les flotteurs sont quasiment les mêmes. On a utilisé les mêmes moules de flotteurs, qui sont notre propriété. Entre-temps, ils avaient servi pour la construction de Sodebo Ultim' 3. Ça permet de faire des économies d'échelle et c'est un outillage qui nous convenait tout à fait.

On a réutilisé l'expérience du précédent bateau pour améliorer le nouveau. Par exemple, le bras qui avait cassé sur la Route du Rhum 2018, a été complètement revu dans sa structure et sa géométrie. Sans cette expérience, on n'en serait pas à faire ce type de bras.

On a aussi beaucoup travaillé sur la partie appendice. C'est aujourd'hui le moteur du bateau. Ce sont des éléments qui évoluent en permanence avec les foils et les plans porteurs.

En quatre ans ça a vraiment changé. La taille des foils et des plans porteurs sur la dérive et les safrans ont grandi pour apporter stabilité et performance. On n'est pas reparti de zéro, mais de ce que l'on avait fait en 2018. Par rapport au précédent bateau, on a quasiment doublé la taille des foils. C'est énorme.

Comme sur tous nos bateaux, les foils se remontent. C'était déjà le cas sur l'ancien Ultim et sur l'IMOCA avec lequel j'ai gagné le Vendée Globe 2016. On a toujours eu cette volonté de gérer le potentiel de leur puissance.

Cette capacité de pouvoir les relever permet d'avoir uniquement le tip dans l'eau et de revenir en mode archimédien, avec le flotteur posé sur l'eau. Ce nouveau bateau a été conçu pour faire le tour du monde et adapté pour être polyvalent dans toutes les conditions. L'idée de pouvoir relever les foils c'est pour ne pas avoir un bateau ingérable dans des conditions difficiles. Une fois relevés, les foils dépassent de très haut au-dessus du flotteur.

Le dernier élément important, c'est la partie aérodynamisme. On a beaucoup travaillé sur le dessus du bateau pour que l'air s'écoule le mieux possible à haute vitesse. Il a de plus en plus de carénage pour l'optimiser. C'est très visuel.

Construction du Maxi Banque Populaire XI © Yvan Zedda / BPCE
Construction du Maxi Banque Populaire XI © Yvan Zedda / BPCE

Comment avez-vous anticipé la casse potentielle, comme ça a été le cas sur la Brest Atlantiques ?

On a suivi la Brest Atlantique, certaines avaries étaient liées à des chocs avec des OFNI. On a travaillé pour comprendre la structure des appendices qui sont souvent mis en défaut avec les chocs. On a évolué et progressé dans ce domaine.

Structurellement, nos appendices sont prévus pour une certaine vitesse de choc avec un OFNI. Pour résister et éviter que ça casse, comme sur la Brest Atlantique ou le Vendée Globe. Ce n'est pas seulement lié aux Ultims, c'est le cas pour des bateaux qui vont de plus en vite. La majorité des abandons sont liés à des chocs avec des OFNI, qui engendrent des casses de safrans et de foils.

On a gardé cette capacité aussi à se dire que le bateau, même endommagé sur un des appendices peut continuer sa course. On a pu le voir sur le Vendée Globe. Apivia, à qui il manquait un foil a terminé en premier.

Il faudra aussi dans le futur, savoir prendre en compte qu'on peut terminer, même gagner, en ayant un bateau qui ne soit pas 100 % entier. Si on casse un safran ou un foil, le bateau peut continuer à naviguer, même si la structure est abimée, dès l'instant qu'il n'y a pas de voie d'eau.

En parallèle, les systèmes pour essayer de détecter les OFNI en mer progressent, comme Oscar sur le Vendée Globe. Il y a différents moyens en cours de développement et de fiabilisation. Ça permet de diminuer le risque de choc et d'avoir encore moins d'avaries.

Construction du Maxi Banque Populaire XI © Yvan Zedda / BPCE
Construction du Maxi Banque Populaire XI © Yvan Zedda / BPCE

Vous avez opté pour une cellule de vie plutôt conventionnelle. Pourquoi ce choix ?

On a fait le choix d'une cellule de vie en position conventionnelle, en arrière du bras arrière comme sur tous les bateaux qui existent à part Sodebo. La cellule de vie est quasiment protégée et fermée.

On n'est pas dans l'extrême comme François Gabart avec une cellule de vie fermée intégrée dans la coque centrale, un peu comme l'IMOCA Hugo Boss.

C'est un choix intermédiaire entre ce que l'on avait avant et la version extrême de François. L'évolution notable sur notre bateau c'est l'optimisation du carénage et de l'aéro entre l'étrave de la coque centrale et le tableau arrière de la coque centrale. Il y a une continuité de l'écoulement de l'air, pour un meilleur aérodynamisme et surtout pour un effet de plaque. On va venir coller le bas des voiles au niveau du pont. C'est ce que l'on a vu sur la Coupe de l'Amercia, avec des bateaux carénés, très profilés, pour un gain de performance. Cet aérodynamisme du pont de la coque centrale c'est nouveau.

Construction du Maxi Banque Populaire XI © Yvan Zedda / BPCE
Construction du Maxi Banque Populaire XI © Yvan Zedda / BPCE

Comment as-tu "gardé la main" sans navigation en Ultim depuis deux ans ?

Pendant deux ans j'ai participé au circuit Figaro pour rester affuté sportivement, et dans la compétition. C'est un des meilleurs circuits qui existe. J'étais dans une réelle démarche de compétition. J'avais envie de rester à la bagarre. C'était vraiment chouette et c'était super de remporter la Solitaire du Figaro.

Pour le multicoque, on va reprendre les navigations au fur et à mesure. En équipage, puis en équipage réduit. Cette année, l'objectif c'est du double. La version solitaire ce sera l'année prochaine, en 2022. On va reprendre les choses par étapes. On ne part pas d'une page blanche, on a gardé les données des deux années passées sur le précédent Ultim.

On a également acquis un simulateur. Ce n'est pas pour manœuvrer ou naviguer, mais pour comprendre le mode d'emploi du bateau, des réglages des appendices, des voiles… Trouver les meilleurs réglages pour avoir une vitesse rapide, un vol stable dans différentes conditions. On travaille avec depuis un an.

C'est un super outil qui nous a fait gagner du temps. Ça va nous permettre dès les premières nav d'avoir les clés pour être tout de suite sur les bons réglages. On ne pas perdre du temps sur des essais qui peuvent être long et partir dans l'inconnu. Ça va nous permettre de prendre en main le bateau rapidement.

La Transat Jacques Vabre va arriver rapidement et nous n'avons pas beaucoup de temps pour comprendre le bateau. Pour ça, le simulateur est top. On a acheté une licence auprès de Team New Zealand il y a 2 ans, développée pour notre bateau. On a beaucoup navigué avec et fait énormément de runs pour le comprendre.

Armel le Cléac'h et Kevin Escoffier © BPCE / Yvan Zedda
Armel le Cléac'h et Kevin Escoffier © BPCE / Yvan Zedda

En parlant de Jacques Vabre, pourquoi le choix de Kevin Escoffier ?

C'est quelqu'un que je connais bien. Il a fait partie du Team Banque Pop pendant une dizaine année. Il a participé à la conception de ce bateau, et de celui du Vendée Globe 2016. Il a la fois une casquette d'ingénieur technique et un profil de marin expérimenté. Il a navigué sur beaucoup de support, monocoque, multicoques, en équipage… Il a beaucoup de cartes en main.

Suite à son Vendée Globe qui s'est terminé difficilement, il était disponible. Quand je lui ai proposé, il était motivé à fond. Il va m'aider à comprendre au mieux ce bateau. L'objectif c'est d'abord de terminer cette Jacques Vabre. Ensuite je pourrais me lancer dans les meilleures conditions pour la Route du Rhum 2022 qui est un objectif très important. En 2023, ce sera ensuite le Tour du monde en solitaire, la Brest Oceans.

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