Découverte / Comment est né le Phare d'Eckmühl, symbole de Penmar'ch dans le Finistère ?

Le phare d'Eckmühl

Construit sur la pointe de Penmarc'h au sud du Finistère, le phare d'Eckmühl a été érigé grâce à une cascade d'imprévus et aurait même pu se trouver sur l'Ile Vierge. Comment ? On vous raconte cette histoire passionnante !

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Le phare d'Eckmühl, qui domine la pointe de Penmarc'h dans le Finistère, porte un nom qui n'évoque pas la Bretagne, mais une lointaine bataille de l'Empire. Ce nom lui a été donné en hommage au maréchal Davout, qui s'illustra lors de la victoire de Napoléon sur les Autrichiens le 22 avril 1809 à Eckmühl, un village de Bavière. Cette bataille, qui fit suite à la traversée du Danube par les Français, fut l'une des plus brillantes du maréchal, qui commandait le troisième corps de la Grande Armée. Avec 36 000 hommes, il affronta et repoussa 75 000 Autrichiens, leur infligeant de lourdes pertes et leur prenant 18 canons. Napoléon lui décerna le titre de prince d'Eckmühl en reconnaissance de son exploit.

Modernisation des phares du littoral

Le 3 avril 1882, la loi française, suite à la proposition effectuée par Emile Allard, directeur des Phares et Balises, impose l'électrification des phares du littoral. Quarante-six phares sont concernés par cette modernisation. En 1886, quatre ans plus tard, le programme de conversion s'essouffle, notamment en raison du changement des routes de navigation des bateaux. Face à ce constat, il sera décidé que seulement treize phares pourront être modernisés. Parmi eux, celui de Penmarc'h dans le Finistère Sud, dont la construction date de 1835.

D'une hauteur de 40 mètres, il doit donc être rehaussé de 20 mètres afin d'atteindre les 60 mètres de hauteur prescrits par les nouvelles dispositions. L'ingénieur chargé de l'étude arriva à la conclusion qu'il était techniquement impossible d'effectuer ce genre de travaux et conseilla plutôt la construction d'un nouveau phare. Les plans et études de ce nouvel édifice furent approuvés en mai 1892, et les travaux pouvaient commencer, avant que des "circonstances spéciales" mettent en pause le projet en décembre 1892.

Fab Lentz
©Fab Lentz

Un leg généreux

En effet, au même moment, un testament de 300 000 francs est en cours d'étude par le ministre des Travaux Publics. Ce testament provient d'Adelaïde-Louise d'Eckmühl de Blocqueville, décédée le 7 octobre 1892 à Paris, dans lequel elle écrit : "Ma première et ma plus chère volonté est qu'il soit élevé un phare sur un point dangereux des côtes de France, non miné par la mer. Mon vieil ami, le baron Baude, m'a souvent dit que bien des anses des côtes bretonnes restaient obscures et dangereuses. J'aimerais que le phare d'Eckmühl fût élevé là ; mais sur quelque terrain solide, granitique, car je veux que ce noble nom demeure longtemps béni."

Son but sera double : faire vivre éternellement un nom dans un édifice de pierre de kersanton impérissable et compenser les morts du champ de bataille d'Eckmühl par les vies épargnées grâce au phare. " Ainsi, les pleurs causés par la fatalité des guerres que j'abhorre et redoute plus que tout seront compensés par les vies préservées de la tempête. "

Elle souhaite que le phare prenne le nom d'Eckmühl, en mémoire de son père, le maréchal Louis-Nicolas Davout, prince d'Eckmühl. Après plusieurs semaines d'étude, l'offre est jugée intéressante et deux sites sont proposés : l'Ile Vierge et Penmarc'h, qui remporta la majorité des suffrages.

La construction du Phare d'Eckmühl démarra en septembre 1893. Selon la volonté de la marquise d'Eckmühl, la tour sera entièrement composée de pierre de Kersanton et de matériaux inaltérables à l'air salin océanique. Le phare est inauguré en octobre 1897, après quatre années de travaux. Il est alimenté par deux chaudières à vapeur, avant d'être raccordé au réseau électrique en 1930.

Inauguration du phare d'Eckmühl, Le Petit Parisien
Inauguration du phare d'Eckmühl, Le Petit Parisien

 

La construction du phare d'Eckmühl

Pour atteindre le sommet, il faut monter les 272 marches de l'escalier en spirale. La rampe d'escalier en bronze poli mesure 71,70 mètres de long et a demandé 2,6 tonnes de bronze pour la réaliser. Les marches sont en kersanton. Mais qu'est-ce que le kersanton ? C'est une pierre d'origine volcanique. Elle a l'avantage d'être facile à tailler et d'être très durable face au temps et aux éléments. Elle vient des carrières de l'Hôpital-Camfrout, une petite commune au sud de Brest. Curieusement, cette pierre porte le nom du hameau de Kersanton où elle était extraite.

L'intérieur de la tour est cylindrique, alors que l'extérieur est octogonal. Les murs sont recouverts de plaques d'opaline. Ce revêtement a plusieurs atouts : sa couleur bleutée favorise la diffusion de la lumière, son nettoyage est aisé et il ne garde pas l'humidité.

En haut des marches, la salle d'honneur du phare, aussi nommée salle de veille, est le lieu où le gardien veillait la nuit sur le fonctionnement du système d'éclairage, mais aussi sur la côte. Il notait sur son carnet de bord les signaux lumineux alentours, les incidents éventuels, les conditions météo de la nuit. La pièce est horné de chêne de France et de Hongrie, le lambris témoigne de la qualité des matériaux.

La statue en bronze du maréchal Davout en tenue d'apparat trône sur son socle en porphyre
La statue en bronze du maréchal Davout en tenue d'apparat trône sur son socle en porphyre

Sur le côté, une 1ère porte latérale dissimule les 17 dernières marches qui permettent aux techniciens des Phares et Balises de rejoindre le système d'éclairage. La seconde porte donnait autrefois accès au système électrique de la corne de brume, située côté sud-ouest, à l'extérieur. En service jusqu'en 1976, cette corne émettait un son semblable à un mugissement d'où son surnom de la « vache d'Eckmühl », qui aidait les navires à se situer par rapport à la côte.

Sur le plafond, une forme de culot d'ampoule, qui cache la dernière partie technique de l'axe de rotation du plateau portant les lentilles
Sur le plafond, une forme de culot d'ampoule, qui cache la dernière partie technique de l'axe de rotation du plateau portant les lentilles

La lanterne mesure 4 mètres de diamètre et 9,50 mètres de hauteur. Elle est surmontée d'une coupole en cuivre et ornée d'un chéneau avec des gargouilles en tête de lion et des feuilles d'acanthe, qui lui donnent un aspect majestueux. Elle abrite l'appareil optique, composé de deux optiques de Fresnel. Chacune contient une lampe halogène de 70 W, qui projette un feu blanc. Ces optiques sont posées sur un plateau en fonte, qui repose sur un flotteur plongé dans une cuve à mercure. Ce métal liquide a la particularité d'avoir une densité très élevée, qui permet de faire flotter des poids importants sur un faible volume.

Le rythme des éclats est dû à la rotation des optiques, entraînée par un petit moteur. Celui-ci fait un tour complet toutes les 20 secondes, créant ainsi la signature lumineuse du phare d'Eckmühl : un éclat blanc toutes les 5 secondes.

Et après ?

Durant la Seconde Guerre Mondiale, le phare sera occupé par l'armée allemande. Les sept soldats résidant à l'intérieur placeront des explosifs dans le phare et dans la salle des machines, sans toutefois mettre leurs menaces à exécution. En 2011, le phare est classé aux Monuments Historiques. Depuis 2007 ont lieu chaque année les "Championnats du monde de l'ascension du phare d'Eckmühl", dont le record de la montée des 307 marches est de 46 secondes 45 ! Avis aux sportifs !

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