Cap Martinique : La découverte des joies d'une transat en course pour des amateurs

© Bertrand Fourmond

Alors que les arrivées de la Cap Martinique s'enchaînent à Fort de France, les témoignages des marins rappellent les incontournables d'une course transatlantique en course. Une expérience forte pour ces marins amateurs.

De la Trinité-sur-Mer à Fort de France, la Cap Martinique fait emprunter aux amateurs la route bien connu des skippers professionnels, reliant la Bretagne aux Antilles. En 2024 encore, ces marins néanmoins aguerris ont pu découvrir les joies d'une telle navigation entre sargasses et alizés parfois instables. Des souvenirs teintés d'une tristresse inévitable avec la disparition en début de course de Philippe Benoiton, rappelant les risques d'une telle entreprise.

Une course en deux actes

La traversée, débutée depuis les côtes de Bretagne, a été complexe, obligeant les marins à passer le Golfe de Gascogne et à contourner le très venté Cap Finisterre, au nord-est de l'Espagne. Oscar et Victor Gerin-Planète Urgence y ont fait état d'une mer creuse et courte de 4 m avec parfois 35 nœuds établis et des rafales à plus de 40 nœuds : ''Les déferlantes nous recouvraient, on ne faisait pas les fiers sur notre petit bateau… Les manœuvres se faisaient attachés et à 4 pattes.'' Les vents portants de Nord-Est ont ensuite propulsé les voiliers à une allure soutenue d'environ 10-15 nœuds, les faisant filer à vive allure le long de la côte espagnole et portugaise. Les conditions météorologiques, idéales, ont alors offert aux équipages des nuits étoilées, une mer d'huile et une visibilité parfaite, créant un tableau de rêve pour la suite de ce premier tronçon.

Après avoir franchi Madère, les participants ont attendu avec impatience l'arrivée des alizés, ces vents portants censés les propulser vers la ligne d'arrivée en Martinique. Cette attente a été marquée par une série d'empannages successifs, dictée par les oscillations capricieuses du vent. Chaque équipage a dû ajuster finement ses écoutes et barrer en permanence pour naviguer hors de cette zone de molle. Passer du temps devant l'ordinateur est devenu une routine pour chacun, afin de bien comprendre les subtilités des variations du vent. À l'approche d'une dépression, les vents se sont enfin faits plus soutenus et des stratégies se sont mises en place. Pour Jérôme Apolda et Stéphane Ayrault-Echo Mer, il s'agissait de jouer avec l'enroulement du vent dans sa partie nord, car il n'y avait pas d'alizés au sud, en allant chercher la courbure de la dépression du côté tribord. Les premiers à bénéficier de ces conditions favorables ont pu prendre un avantage décisif sur la suite de la course.

Jérôme Apolda et Stéphane Ayrault-Echo Mer © Cap Martinique
Jérôme Apolda et Stéphane Ayrault-Echo Mer © Cap Martinique

Pour les suivants, cela a été l'occasion de donner le maximum en jonglant au plus précis des réglages selon les conditions météorologiques changeantes. Pierre-Henri Almaric et Bruno Salle de Chou-Papa au Rhum pour L'envol expliquent avoir adopté une ''stratégie offensive en cherchant à dépasser les autres concurrents un par un, tout en conservant une attitude amicale envers leurs camarades de course''. Le changement de leur cap vers le deuxième quart de la boussole a ainsi marqué le moment idéal pour utiliser leur spi symétrique dont ils maîtrisent parfaitement la manœuvre. Leur détermination a été récompensée par une progression constante, avec un gain de cinq places en seulement 24 heures, les propulsant à la 16e place à mi-course.

Les derniers jours ont permis à chacun de grappiller de précieux milles, malgré la fatigue et l'énergie dépensée à manœuvrer dans les grains et la pétole.

Le problème des sargasses

Après Madère, la plupart des concurrents ont été confrontés aux sargasses en nombre surprenant, ces algues marines qui s'accrochent aux dérives et aux safrans, ralentissant la progression des voiliers.

Malgré ces obstacles, les navigateurs sont restés déterminés et organisés. Des routines se sont établies : chargement des fichiers GRIB, analyses météorologiques, suivi des concurrents, ajustements du bateau, et nettoyage de la quille et des safrans face à cette invasion inattendue. Ludovic Gérard-Pure Ocean, très surpris d'avoir trouvé des sargasses en banc très dense dans une mer avoisinant déjà une température de 19.5°C après le passage des îles Canaries, nous alerte sur l'ampleur du problème : ''Qu'en est il de la vie sous marine dans de telles conditions ? Quid du plancton qui joue un rôle essentiel dans la régulation du climat ? 30 % du CO2 produit est absorbé par les espèces planctoniques, qui jouent donc un rôle essentiel pour la stabilité du climat. Je suis ambassadeur depuis 4 ans de la fondation Pure Ocean. La fondation cherche à mieux faire connaître la cause de la préservation des océans auprès du grand public, et finance chaque année des projets de recherche dans le monde entier. Ces projets sont sélectionnés par un comité scientifique rigoureux, le plancton est au cœur du projet Microcean : les scientifiques vont séquencer le génome des espèces planctoniques pour mieux comprendre leur interactions avec notre environnement''.

Ludovic Gérard-Pure Ocean © Cap Martinique
Ludovic Gérard-Pure Ocean © Cap Martinique

Pour chacun, il a fallu se résoudre à nettoyer les appendices de son bateau selon ses propres techniques afin de poursuivre la course dans de bonnes conditions. Regis Vian-École Jules Verne du Mans qui a lui aussi dû faire face à des paquets épars de sargasses, explique avoir dû mettre en place un rituel de nettoyage en utilisant une corde à nœuds à passer sous la quille et une canne à algues recourbée pour les safrans, en plus d'avoir installé une caméra dans la coque pour surveiller l'état de la quille.

Des abandons successifs et un drame

Avant d'entamer la dernière ligne droite de la transatlantique, 7 bateaux sur les 60 au départ ont signé leur abandon. Le Trophée Estuaire Rose, skippé par Alexandre Ozon, a dû renoncer à Porto en raison d'un problème de gréement, avec une potence cassée. Le bateau SL Energies France Renouvelables, avec les skippers Laurent Charmy et Pierrick Letouzé, a abandonné à La Corogne à cause d'un problème de safran. Tanjomoha, dirigé par Laurent Bory Cabaud, a rencontré un problème de gréement à Vigo, entraînant son abandon. De même, Shaka, mené par le skipper Quentin Froment, a été contraint à l'abandon à Cascais à cause d'un gréement endommagé, avec une voile déchirée. Pour Ferdinand, navigué par les skippers Olivier et Vincent Lunven, a dû renoncer à Porto en raison d'un problème d'énergie. L'Opale À Chacun Son Everest, sous la direction de Yann Gindre et Michel Foucart, a également dû abandonner à Porto après que sa bôme ait été cassée. Enfin, Adrien Kuttel du Sentinel Ocean Alliance a été contraint à l'abandon à Madère en raison d'une avarie de pilote automatique.

L'équipe de la rédaction félicite tous les skippers amateurs pour avoir osé relever ce défi et pour avoir continué à naviguer avec persévérance, malgré la tragique disparition de Philippe Benoiton, retrouvé en mer. Cette perte rappelle à quel point la traversée de l'Atlantique n'est pas anodine. ''Cela nous pousse à être encore plus prudents dans nos manœuvres, et à être constamment attachés. Les corps, les esprits et le bateau ont été soumis à rude épreuve'' rapellent Éric Bastard et Alexandre Castelnau-Ishsha pour L'arche la Belle Porte. En mer, la beauté de certains instants a permis à certains comme Paolo Mangione-Mon Bonheur à moi, de s'octroyer un instant de réconfort face à leur immense tristesse, avant de poursuivre la route.

Pour Philippe, ''La communauté des marins continue de te faire naviguer…'' © Paolo Mangione-Mon Bonheur à moi
Pour Philippe, ''La communauté des marins continue de te faire naviguer…'' © Paolo Mangione-Mon Bonheur à moi
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