Interview / Alexia Barrier : "Je sais que je ne vais pas gagner le Vendée Globe, mais je veux terminer"

© Antoine Beysens

Alexia Barrier à la compétition dans la peau ! Tirant ses premiers bords dès son plus jeune âge, elle a toujours navigué, sur de nombreux supports. Aujourd'hui, elle prend le départ de son premier Vendée Globe sur le plus vieux bateau de la flotte et compte bien terminer la course !

Compétitrice dans l'âme

Née à Paris, Alexia déménage à Nice à 3 ans avec ses parents. Propriétaires d'un voilier de 6m, ils lui font découvrir la voile lors de balades dans la baie, et Alexia tire ses premiers bords dès son plus jeune âge.

Grande compétitrice, le sport a toujours fait partie de son quotidien. D'abord en équipe régionale de baseball puis plus tard, en fac, dans l'équipe de France d'apnée.

"À l'âge de 15 ans, j'ai voulu me lancer dans la compétition de voile. J'ai intégré l'équipe de Laser, mais je n'avais pas le gabarit pour performer. Je ne dépassais la 4e place. À 20 ans, j'ai donc intégré l'équipe de France de match racing féminin. On faisait partie des meilleures mondiales, avec une 4e place."

Si Alexia est motivée par la compétition, les autres filles de son équipe le sont moins. "J'étais la plus jeune, elles avaient d'autres ambitions, le travail, la famille."

Elle décide donc de continuer la compétition, mais en solo. En 2005, elle est sponsorisée par Roxy pour sa première Mini Transat. Elle enchaine ensuite sur une carrière de navigatrice à haut niveau : solitaire, double, équipage… Elle navigue en Figaro, en Class40, mais aussi en multicoque et avec de grands skippers comme Florence Arthaud ou Dennis Conner.

Alexia Barrier © A.Beyssens
Alexia Barrier © A.Beyssens

Un projet Vendée Globe sans sponsor

En 2017, après la Solitaire du Figaro, elle est contactée par un sponsor pour un projet Vendée Globe. Accompagnée par Vincent Riou pour se préparer, le sponsor se désiste finalement.

"Pour moi, c'était finalement une évidence de faire le Vendée globe. Mon premier souvenir de cette course remonte à mes 12 ans. J'étais devant la télévision pour le départ et ça m'avait donné des frissons. Je m'étais dit qu'un jour, moi aussi j'y participerais."

Alexia décide alors de se lancer sans sponsor dans l'achat d'un vieil IMOCA. Après des démarches auprès de trois banques pour obtenir un financement, elle décide de contacter des connaissances qui pourraient l'aider dans ses démarches.

"J'ai beaucoup navigué sur des superyachts et je connais des propriétaires. J'en ai donc contacté un qui m'a dit banco. Il m'a permis d'acheter le Pingouin en 2018, l'ancien bateau de Romain Attanasio. J'ai ensuite pu participer à toutes les courses de la classe, à l'exception de la Fastnet et de la Vendée Arctique."

Participer à une course mythique

Au-delà de la réalisation d'un rêve de petite fille, Alexia s'inscrit dans la continuité de son programme de navigation à haut niveau avec ce Vendée Globe 2020.

"C'est la continuité de ce que j'aime faire. En 2010, je suis partie naviguer 5 mois sur un IMOCA en solitaire, hors course. Depuis cette tentative, je sais que je suis capable de manier un tel engin en solitaire. C'est une course mythique, tant au niveau de la compétition que de l'aventure. C'est une aventure unique. Une des dernières aventures humaines à vivre, à la voile, dans un milieu où les éléments me sont chers. C'est l'endroit où je me sens le mieux, en mer, sur un bateau."

Consciente d'avoir le bateau le plus vieux de la flotte, Alexia s'est fixé des ambitions à la hauteur de son projet. "Mon challenge, c'est de terminer la course et de m'amuser. Environ 1/3 de la flotte n'y arrive pas. Sportivement, le record de mon bateau sur le Vendée Globe, c'est 98 jours, j'aimerais passer sous cette barre. Je sais que je ne vais pas gagner, mais je veux vraiment terminer."

Alexia Barrier © A.Beyssens
Alexia Barrier © A.Beyssens

Un engagement associatif en environnemental fort

Outre l'ambition sportive, Alexia porte des valeurs fortes d'engagement pour la planète et de belles valeurs associatives. Avec 4MyPlanet, elle travaille depuis 10 ans des scientifiques pour collecter des données sur les océans. Elle est également engagée auprès de 185 écoles et associations d'enfants défavorisés en France, comme à l'étranger.

"Je souhaite partager et contribuer à ce challenge global de préserver les océans. Et je le fais également avec les enfants, qui en sont très conscients. J'ai envie de leur montrer qu'on a tous un héros en nous, et, quel que soit son statut social, on peut y arriver dès l'instant qu'on à la motivation."

Avec un budget de fonctionnement de moins de 200 000 €/an depuis deux ans, Alexia revendique le fait de pouvoir participer au Vendée Globe même avec de minces budgets.

"Le fait d'être 33 bateaux au départ cette année, c'est incroyable. Il y a une véritable émulation, différents types de bateaux avec des projets différents – gagner, performer, vivre une aventure tout en se battant pour laisser quelques bateaux derrière. Il y a différents niveaux de projet, ce n'est pas une course élitiste réservée à de gros budgets.

J'ai un club qui a permis à une quarantaine de sociétés de s'investir dans le projet. Je voulais montrer qu'il n'y a pas besoin d'être grand et fort pour participer au Vendée Globe, avec une entrée à 3 000 € pour être sponsor."

Pour autant, Alexia peut souffler un peu plus aujourd'hui grâce à l'investissement de TSE, nouveau partenaire qui lui a permis de fiabiliser son bateau.

l'IMOCA TSE - 4MyPlanet © A.Beyssens
l'IMOCA TSE - 4MyPlanet © A.Beyssens

Un bateau qui connait la route

"C'est un bateau de 1998, créé pour Catherine Chabaud et qui a déjà fait 6 fois le tour du monde. C'est un bateau de légende. Nous n'avons pas fait de gros travaux ni de grosses modifications. C'est un vieux bateau et on ne transforme pas une 2CV en Ferrari du jour au lendemain. On a fiabilisé le matériel et les systèmes existants : pilote automatique, bouts, voiles qui avaient déjà utilisé sur les deux précédents tours du monde… On a fiabilisé tout ce qui permet mécaniquement d'être en sécurité, ce qui n'aura pas été possible sans mon partenaire titre. Or avec du vieux matériel, j'avais beaucoup moins de chance de terminer la course."

Si la navigatrice connait bien l'océan Atlantique, l'ayant traversé 17 fois, elle a hâte de découvrir le Pacifique. Elle est pourtant bien consciente des difficultés qu'elle aura à surpasser.

"Je pense que j'ai le bateau le plus dur physiquement de la flotte. Un vieux bateau, pour lui faire prendre un nœud de vitesse, il faut être tout le temps dessus à effectuer les moindres réglages. Certes, les bateaux à foils tapent et font du bruit, mais ont aussi beaucoup plus de facilité d'accélération que les bateaux anciens."

Pour autant, en tant qu'"ancien", son bateau a aussi certains avantages. Il est costaud et connait bien la route. "Il a connu des déboires au fil des années, mais on a eu plus de temps d'optimisation que les bateaux récents. On n'a pas de foils, donc logiquement, moins de risque de casse, même s'il est possible de casser une dérive ou un safran. Il est à la fois costaud et fiable, mais assez simple. Il prévient quand il part au tas, on le sent venir."

Alexia pourra compter sur son expérience de navigatrice, sa détermination et son optimisme pour boucler son tour du monde. "J'ai la chance de ne pas m'inquiéter trop facilement tout en gardant les pieds sur terre. Même si des fois j'ai peur, notamment quand les éléments sont déchainés. Je n'ai jamais perdu le contrôle du bateau et j'ai toujours terminé mes courses. Le fait d'avoir aussi des challenges avec 4 My planet, enfants et scientifiques qui attendent des résultats de ma part, c'est une source forte de motivation."

Avec Stéphane Le Diraison
Avec Stéphane Le Diraison

Se remettre dans le bain

Avec une saison de course perturbée par le Covid-19, Alexia est heureuse d'avoir son bateau depuis 2018 et d'avoir pu prendre part à plusieurs courses ces années passées.

"Cette année, on n'a pas beaucoup navigué. Ma plus longue nav', ça a dû être mon convoyage de Marseille en Bretagne. Ce n'est pas une année simple, mais j'ai profité du confinement pour la préparation physique, la météo et la préparation mentale. C'est sûr que c'est assez déroutant par rapport à une année classique où l'on fait au moins un transat pour s'entrainer.

Sur le début de la course, je vais me remettre dans le bain. Il va me falloir un petit temps de chauffe, avant de retrouver le rythme de sommeil, la gestion de la fatigue. Je ne partirais pas sur les chapeaux de roue, car la route est longue et je dois reprendre en main ma machine."

Partager son aventure avec ses fans et les enfants

Très engagée auprès de ses projets associatifs, Alexia partagera son aventure avec ses fans et son public, mais surtout les enfants qui la suivent.

"J'ai à cœur de partage un maximum ma course. Chaque jour, j'enverrais une vidéo et une lettre aux enfants. Ils l'attendent chaque matin avec impatience. Des fois, je suis fatiguée, c'est plus dur qu'à d'autres moments, mais mon équipe me relance et j'y tiens vraiment."

En amont de la course, elle réalisera également des visioconférences, des Lives Facebook et Instagram pour faire vivre la préparation du bateau, notamment à tous ceux qui ne pourront pas être présents sur le village du départ.

Son pronostic ?

"J'espère que Samantha va gagner. C'est la navigatrice de la flotte qui a le plus d'expérience. Elle n'a pas le bateau le plus rapide, mais elle est celle qui le manie le mieux. Ensuite Alex Thomson et après j'hésite entre Jérémie Beyou et Thomas Ruyant."

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