Le regard de Jean-Luc Van den Heede sur le Vendée Globe 2020

Jean-Luc Van den Heede a participé à 2 Vendée Globe, le premier et le second de l'histoire de la course (1989 et 1992). Les évolutions, les bateaux et les difficultés des navigateurs, il nous parle de sa vision de la course des IMOCA, depuis la terre.

Jean-Luc Van den Heede : professeur de mathématiques, conférencier, moniteur de voile aux Glénans, chanteur dans un groupe de rock. Un homme avec un grand H, qui aime son prochain et qui vit sa vie de famille, dans le calme des Sables d'Olonne, loin du tumulte de l'actualité parisienne. Jean-Luc est de ces bonshommes que fait la mer, simple et captivant, abordable et juste. Lumineux aussi. Chevalier de la Légion d'honneur depuis 2004, Monsieur Van den Heede est de ces hommes à priori inaccessibles au commun des mortels. Puis, au premier mot échangé, il a la capacité que seuls les grands possèdent, il considère tous les humains sur un pied d'égalité.

Parce qu'on ne revient jamais tout à fait d'une course comme le Vendée Globe, nous avons voulu échanger avec celui qu'on surnomme VDH, les sensations de l'ancien participant.

"Les premiers Vendée Globe étaient des courses d'aventuriers"

Pour un navigateur avec un palmarès comme le sien, que peut raisonnablement représenter une course telle que le Vendée Globe, dont il a été aligné au départ par deux fois ? "De quel Vendée Globe parlons-nous ? Les premiers, tels que ceux que j'ai vécus, étaient peuplés de copains qui avaient quasiment tous des bateaux assez semblables en termes techniques au moins les uns aux autres. C'étaient des bateaux sages. L'objectif n'était pas d'aller à toute allure, mais d'arriver. À terre, tout le monde nous traitait de fous. Accomplir un tel tour du monde, en solitaire, avec des bateaux tels que ceux-là semblait représenter une gageure. Il y avait une certaine équité dans la course alors, pour preuve, les 5 premiers sommes arrivés à 5 jours de suite, autant dire que le vrai discriminant était dans la stratégie des skippers, pas dans les capacités intrinsèques des bateaux. Les premiers Vendée Globe étaient des courses d'aventuriers, sans doute un peu fous. Certains ont cumulé les galères, comme Alain Gautier ou Jean-François Coste, et sont arrivés un peu plus tard que nous. Mais tous sont revenus à terre, malgré les abandons [NDLR 6 abandons sur 13 partants], sans qu'il n'y ait eu trop de casse. C'est le plus important."

Évolutions permanentes des voiliers

Sur l'évolution des bateaux, le navigateur explique "L'homme éprouve le besoin d'évoluer, en tout. Il veut aller plus vite, plus haut ou plus loin. Il en va de même avec la course au large. Le carbone est apparu. Les ketch totalement ont disparu. De même pour les haubans en acier. Puis les quilles basculantes, les foils. La course est devenue l'apanage de ceux qui ont les moyens financiers de construire le bateau le plus technologique. Les têtes pensantes des bateaux, c'est des techniciens, des ingénieurs, des gens qui ont des capteurs, des ordinateurs. Heureusement restent les jambes, les navigateurs, à bord, secoués et malmenés comme toujours. Et même de plus en plus, plus ça va vite, plus c'est inconfortable."

Sur les bateaux en eux-mêmes et sur l'esprit de la course ?

"Les bateaux sont radicalement différents, il ne faut pas comparer. Une chose a changé, mais c'est dans l'ordre logique. Il n'y a plus le piment de l'inconnu de la première édition. On sait ce que représente le budget nécessaire pour être classé. Le reste, c'est une question de maniement de l'outil qu'est le voilier par son ouvrier."

Le financement, nerf de la course

L'argent, nerf de la compétition, nous explique VDH : "Aujourd'hui, je suis chagriné par le fait que l'argent fasse la course. Le résultat dépend de l'argent qu'on a trouvé. Rien n'est jamais écrit d'avance, tout peut arriver en cours de route. Mais la course à proprement parler commence nettement avant la mi-novembre, dans les bureaux des banquiers, par la recherche des financements énormes nécessaires à la fabrication de ces bateaux. On ne peut pas plafonner les budgets alloués aux bateaux. Ça n'aurait pas de sens, car la valeur d'un bateau change au fur et à mesure du temps, peu importe la technologie. Je ne veux pas et ne peux pas donner de conseil aux organisateurs."

La prise de risques existe et a toujours existé "Les coureurs prennent des risques énormes, de plus en plus grands, les yeux rivés sur des écrans d'ordinateur qui rapportent des mesures, des pressions ou des contraintes venant de plus de 300 capteurs [NDLR Comme sur Hugo Boss]. Ces écrans ou ces indicateurs ne minimisent pas les risques que prennent les humains à bord des voiliers, la course reste belle et impressionnante. Il faut savoir propulser son bateau avec une main de fer dans un gant de velours."

Plus d'articles sur le thème
Réagir à cet article
Ajouter un commentaire...