Portrait / Vincent Lauriot-Prévost, une carrière d'architecte naval dédiée à la course au large

© ODD Design - VPLP

Vincent Lauriot-Prévost est à la tête du cabinet d'architecture navale VPLP, qu'il a cofondé en 1983 avec son ami Marc Van Peteghem. L'agence s'est imposée au fil du temps comme l'une des plus influentes dans le milieu, à l'origine de nombreux bateaux de course et de plaisance.

La naissance de VPLP

"C'est un héritage familial. Le nautisme était assez pratiqué par mes grands-parents et parents. J'ai commencé à faire du bateau assez jeune. Plutôt parisien, on naviguait pendant les vacances."

Après son bac, Vincent Lauriot-Prévost décide de se lancer dans des études d'architecte naval. Il intègre l'école de Southampton, en Angleterre. C'est alors qu'il rencontre Marc Van Peteghem, avec qui il se lie d'amitié.

"On s'est mis en colocation et on a suivi un peu cette scolarité ensemble. La dernière année a été écourtée puisque nous n'avons pas passé notre diplôme. J'ai été embauché dans un chantier et lui chez un architecte naval. Au lieu de passer les 6 derniers mois à l'école, on les a passés sur le terrain."

Les deux hommes se perdent de vue pendant quelques années. Quatre ans plus tard – on est en 1983, à Marseille – Marc fait appel à Vincent pour dessiner les plans d'un bateau. C'est ainsi que naissait VPLP et que démarrait l'activité d'architecture navale du cabinet.

"On a lancé notre activité en dessinant ce premier bateau. On aimait bien cette approche du métier. On avait lancé de business, mais il fallait faire perdurer l'activité."

Leur premier bateau est un trimaran de 15 m pour une transat en solitaire. Ensuite, des Espagnols leur confient la conception d'un catamaran de 14 m pour faire la Route de la Découverte. Olivier de Kersauson leur confiera également le dessin des plans de son trimaran Poulain.

4 ans plus tard, les deux hommes s'attaquent à leur premier bateau de croisière. Un catamaran de 16 m pour le chantier Lagoon. Suivent un 2e et un 3e bateau… C'est ainsi que naissait une série, puis d'autres modèles de différentes tailles suivirent pour finalement devenir une gamme.

Si au départ, les deux architectes pensent pouvoir travailler sur plusieurs domaines en même temps – la course et la croisière – ils s'avèrent que la situation a rapidement évolué.

"Le pacte que l'on avait au début était celui de doux rêveurs. On pensait être interchangeables, alterner de la plaisance à la course, naviguer à des fins personnelles pendant que l'autre continuait à travailler. Mais petit à petit, on s'est professionnalisé et il a fallu changer. Je me suis installé à Vannes pour gérer l'activité course et Marc à Paris pour les marchés de la plaisance, du yachting et de la série, pour être au contact des propriétaires et des industriels. Nos chemins nous ont permis de nous spécialiser."

Marc Van Peteghem et Vincent Lauriot-Prévost © Thierry Martinez
Marc Van Peteghem et Vincent Lauriot-Prévost © Thierry Martinez

Le travail d'architecte

Pour travailler, le cabinet suit deux directions. Ils sont directement contactés par les chantiers ou les teams ou ce sont eux qui vont à la rencontre de possibles clients.

"On est présents sur certains salons pour présenter des concepts. C'est une démarche proactive, mais pour la plus grande partie, on répond aux cahiers des charges de chantiers et clients."

En fonction des demandes, ils sont plus ou moins force de proposition. Si certains clients ont des idées bien tranchées sur leurs envies et besoins, d'autres sont à l'écoute de solutions nouvelles. Pour la partie croisière, les chantiers ont des cahiers des charges bien précis, formulés par des revendeurs ou des clients. D'autres chantiers sont plus à l'écoute, ont envie d'innover et de suivre les tendances.

"Quand on discute avec des propriétaires de yacht, certains savent ce qu'ils veulent alors que d'autres nous parlent d'un esprit. On échange, on propose, on obtient des réactions qui entrainent une évolution des propositions."

Pour le monde de la course, c'est un peu différent.

"On vient nous voir pour faire un bateau qui gagne. C'est ce qui est difficile quand on n'a pas fait ses preuves, avoir la confiance de quelqu'un qui va se dire qu'en travaillant ensemble on va gagner des courses. La confiance est importante. Si on commence à instaurer une relation avec une équipe, comme ça a été le cas pour Banque populaire, Groupama ou encore Macif, on en vient à créer plusieurs bateaux.

Après la conception du premier bateau, la réflexion se fait plutôt en interne, chez les clients, avec les teams. Le 2e bateau est plus directif. On se doit d'être force de proposition et innovant, mais on se doit d'être à l'écoute, de bien interpréter les demandes pour les transformer en plans et faire des études nécessaires pour prendre les décisions au niveau des choix, etc."

S'il n'y a donc pas vraiment de modèles, le piège à éviter dans le monde de la course c'est de s'endormir sur ses acquis, de ne pas réussir à se renouveler.

"Si on n'est pas dans le progrès, on a tendance à régresser. On peut avoir cette sensation d'être sur la brèche, entre ce que l'on a fait, le développement des outils, les retours d'expérience, l'analyse critique de ce que l'on a fait, l'observation des autres faits. Mais finalement, c'est une passion, ce n'est pas très grave."

Groupama 3 © VPLP
Groupama 3 © VPLP

Un métier de passion qui fait vibrer

"Il y a plein de choses qui me font vibrer. Être en relation avec des gens. Une personne qui réfléchit à un bateau, ça génère des échanges qui sont forts.

Quand on travaille avec des marins qui font de la compétition à haut niveau, ils ont toujours des caractères affirmés et tranchés. C'est agréable de travailler avec des gens qui ont de fortes personnalités.

Quand on travaille avec des clients qui sont plus dans des projets de vie personnels, pouvoir les aider à réaliser ces choses-là et rentrer dans leur rêve, c'est passionnant. Quand on travaille avec un industriel sur un bateau de série, on ne cherche pas à résoudre une équation de vitesse, mais plutôt la manière de concevoir le meilleur bateau pour répondre à la demande en bonne intelligence.

Quand on travaille avec 10 personnes, arriver à réaliser de belles choses en équipe c'est génial.

C'est assez vaste. Il y a une motivation qui existe aussi. Un bateau qui prend le départ d'une course, qui atteint ses objectifs et qui gagne, ça a un côté grisant."

Définir les tendances de demain

"Définir les tendances de demain, c'est le côté visionnaire de l'architecte. Doter un bateau de course d'une aile rigide pour la performance nous amène à nous demander si elle peut avoir d'autres applications par exemple."

C'est ainsi que l'aile rigide du trimaran de BMW Oracle conçue par VPLP en 2010 les a amenés à trouver une nouvelle tendance pour équiper les transports maritimes de ces ailes.

"Le principe est le même sauf que dans ce cas, on chercher une réduction de la consommation."

"De la même manière, on fait des bateaux à foils pour gagner des courses. Dans quelle mesure pourrait-on dessiner des bateaux à foils grand public pour gagner en confort ?

La transversalité de la course, la croisière et le transport maritime est un pan très important que l'on peut exploiter, car on a la fois un pied dans la course et dans l'utilisation grand public. Cette transversalité des deux mondes est passionnante.

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