Eugène Cornu, architecte naval autodidacte et figure de proue du chantier Jouët

Le Belouga

Eugène Cornu se lance dans l'architecture navale grâce au chantier Jouët. Il en fera l'excellente réputation et dessinera pour lui pendant presque 40 ans. Sont sortis de sa table à dessin des dériveurs de régate, des voiliers de course-croisière, mais aussi quelques bateaux à moteur.

De l'aviation à la navigation

Eugène-Marie Cornu nait le 26 septembre 1903 à Lorient et grandit à Nantes. C'est depuis la fenêtre de son habitation, sur les bords de La Loire, qu'il observe les bateaux tirer des bords sur le fleuve. C'est ainsi qu'il arrive à déterminer les plans les plus aboutis. Son père est mécanicien naval, mais c'est grâce à l'un de ses oncles – traceur aux Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire - qu'il apprend à tracer des coques de bateaux.

Il fait ses débuts chez Nieuport – entreprise de construction d'avions installée près de Paris et aujourd'hui disparue - en octobre 1919. Il est alors apprenti dessinateur. Après la vente de l'entreprise aéronautique, Eugène Cornu postule pour une offre d'emploi de dessinateur au sein du chantier Jouët, dont il marquera l'histoire. En guise d'entretien, le jeune dessinateur doit croquer une ligne d'arbre d'un yacht à moteur de 16 m. Il est embauché le 1er février 1923 par Paul Jouët et intègre le chantier naval de Sartrouville.

Autodidacte et détenteur d'un simple certificat d'études, il apprendra beaucoup de Paul Jouët, polytechnicien et ingénieur du Génie maritime et de Victor Brix, ancien ingénieur devenu architecte naval. Il commence par dessiner des vedettes de service de 7 et 9 m pour la Marine, rattaché au bureau d'études du chantier.

Eugène Cornu (en béquilles après une amputation d'un jambe en raison d'une polyémélite développée enfant))
Eugène Cornu (en béquilles après une amputation d'un jambe en raison d'une polyémélite développée enfant))

Premiers dessins de voiliers de course

Passionné par les voiliers de course, il étudie les séries internationales et commence à dessiner ses propres bateaux. Son premier plan est Lina, un 18 pieds de Jauge Internationale, qui paraitra dans la revue Le Yacht le 8 décembre 1923. Suivront un an plus tard Myriam, un 6 m JI puis en mai 1925 un 8 m JI, cette fois-ci signé de l'"architecte naval" Eugène Cornu. Il a 22 ans et n'est plus un simple dessinateur. En 1930, il termine 2e d'un concours de plan pour un voilier de série international des 5 m, derrière Victor Brix.

En 1936, Eugène Cornu est passé responsable du bureau d'études et du chantier bois chez Jouët. En 1942, il répond à un appel à proposition de la Fédération Française de Voile. Il dessine deux monotypes de 4,80 m et 6 m – La Licorne qui sera produite en série et récompensée par la presse pour son comportement marin.

Jusqu'en 1948, il dessine plusieurs dizaines de bateaux sous la signature du chantier Jouët, dont plusieurs grandes unités pour l'époque : un croiseur hauturier de 9,35 m ou encore Louki III, un cotre à corne à arrière norvégien de 12,30 m de long.

Plan du Caneton
Plan du Caneton

Le Belouga, la marque de fabrique d'Eugène Cornu

Mais c'est véritablement le Belouga, un dériveur lesté habitable de 6,50 m lancé en 1943 qui marque le lancement de sa carrière. Ses formes de carène s'inspirent de La Licorne, une caractéristique qui aurait sans doute incité le champion olympique Jacques Lebrun à demander ce dessin. Personne n'aurait alors pu imaginer le succès du bateau, construit pendant plus de 40 ans à plus de 1000 exemplaires.

Après-guerre, Eugène Cornu est un architecte naval reconnu. Il est un des membres fondateurs de la Société des Architectes Navals aux côtés d'Henri Dervin et André Mauric. En 1947, il devient architecte naval conseil du chantier Jouët et dessine en parallèle des plans pour son propre compte.

Cette même année, il donne vie à Jalina, un quillard de 13,80 m, un voilier de "course-croisière" qui remporta à peine mis à l'eau la Cowes-Dinard, consacrant le talent d'Eugène Cornu. Nombre de ses bateaux de cette catégorie remporteront des victoires pendant ces années.

En 1952, il dessine le premier 5,50 m JI, puis en 1954, le 9 m CR Men Cren, premier yacht de croisière construit en France selon la nouvelle jauge des "Cruisers-Racers" de l'IYRU. Ce dernier sera d'ailleurs le premier voilier construit par le chantier Pichavant. Suivront ensuite les dessins de plusieurs 12 m JI et 8 m. Il travaille à temps plein pour le chantier Jouët jusqu'en 1954, mais ses dessins sont rares, avant de le quitter en 1960. Au total, l'architecte aura collaboré avec près de quarante constructeurs différents.

Le Belouga, voilier qui lance véritablement la carrière d'Eugène Cornu
Le Belouga, voilier qui lance véritablement la carrière d'Eugène Cornu

Architecte et marin

Si ses dériveurs légers sont construits en contreplaqué, toutes les coques importantes d'Eugène Cornu sont en bois classique. Certains modèles de série comme le Belouga, le Caneton 57 ou encore le Mousse seront adaptés en polyester. Eugène Cornu n'est pas seulement un dessinateur, il est aussi marin. Il préfère néanmoins les plans d'eau intérieurs – à la mer où il teste ses bateaux – sur lesquels il navigue à bord de plusieurs de ses bateaux : Belouga, Bar, dériveur lesté de 8,20 m…

À sa mort, survenue le 23 février 1987, il demande à sa femme de détruire ses plans. Mais celle-ci préférera les confier au chantier Jouët, qui lui-même cédera près de 130 plans originaux au Musée de la Marine.

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François Moysan
François Moysan
Bonjour Bien aimé votre article sur Eugène Cornu. Je voudrais toutefois vous faire remarquer que le Bélouga est un dériveur pur, sauf à considérer sa dérive en tôle comme un lest. J'ai possédé un belouga (N° 558), l'un des peu nombreux gréés en marconi. Cordialement. F.Moysan nasyoM.F
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