La fibre de lin, le matériau qui va remplacer la fibre de verre dans la construction nautique ?

© Robin Christol

Dès 2013, Roland Jourdain et ses équipes de Kaïros Environnement utilisaient de la fibre de lin en remplacement de la fibre de verre pour construire le petit trimaran de 7 m Gwalaz. Essayée sur d'autres supports, la fibre de lin est aujourd'hui utilisée à plus grande échelle dans le nautisme même si les débuts sont encore balbutiants… Terre de Lin, leader sur le marché nous en explique les avantages.

Des essais dans la construction de plaisance

Pour courir la Route du Rhum 2022, Roland Jourdain fait construire un Outremer 5X de 60 pieds fabriqué pour au moins 50 % à partir de fibre de lin.

"La fibre de lin présente beaucoup d'avantages. Elle est produite en circuit court, a des propriétés proches de celles de la fibre de verre et est beaucoup moins énergivore à produire" résume Roland Jourdain. La plus grande pièce jamais fabriquée en lin est d'ailleurs le pont du catamaran long de 18 m et large de 9 m.

Après des essais sur des surfs, des paddles, ou des bateaux de petite taille, le lin est désormais utilisé sur de plus grandes unités. Le chantier breton IDB Marine a d'ailleurs fabriqué deux modèles à partir de ce matériau, un Virgin Mojito de 9 m et un autre de son scow de 6.50 m.

"Il y a deux ans, nous avons travaillé avec IDB Marine pour développer un de leur modèle en lin. La fibre de verre a été remplacée par de la fibre de lin. On les a accompagnés dans la sélection des matières premières, de la conception du fil et du tissu, en partenariat avec Kaïros. Ça a été le premier exemple dans le nautisme en plaisance de série, qui vient à la base du souhait d'un client d'avoir un bateau eco-responsable, local et durable. L'aspect technique a aussi été respecté avec les standards recherchés sur ce type de bateau. Nous sommes convaincus que l'on peut atteindre les mêmes résistances techniques que celles de la fibre de verre pour des projets en plaisance" explique Laurent Cazenave, responsable de la communication chez Terre de Lin.

Des retours positifs pour la construction en série

"Le matériau se travaille bien et c'est vraiment différent au niveau des poussières. Les fibres sont naturelles et quand tu meules, ça n'est pas allergisant" confiait Denis Bourbigot, dirigeant d'IDB Marine dans les colonnes de BoatIndustry.fr. À noter cependant une légère différence de poids – 150 kg en plus (+ 6 %) par rapport au modèle en polyester et un tarif total plus élevé de 3 %, un différentiel assez faible. IDB Marine propose d'ailleurs en option la construction en biocomposite de ces modèles.

Démoulage du Virgin Mojito 6.50 © IDB Marine
Démoulage du Virgin Mojito 6.50 © IDB Marine

Terre de Lin, leader dans la production de fibre de lin

Terre de Lin est la plus importante coopérative agricole de culture et transformation de lin en Europe, voir du monde. La plus grande concentration de fabrication de lin est située entre Caen et Amsterdam et couvre 90 % du marché mondial pour le textile. Basée en Seine-Maritime, elle fournit le lin que les entreprises nautiques utilisent dans la construction de leurs bateaux.

Spécialisée dans le textile, elle a investi depuis quelques années dans la R&D pour le composite. Il y a 10 ans TDLT (Terre de Lin Technique) créait un renfort de fibre de lin et de carbone pour les skis de la marque Salomon. Depuis 5 ans, plusieurs réussites industrielles lui ont permis de se faire connaitre dans le monde du composite. Même si les volumes sont encore modestes par rapport au textile.

Une fibre idéale pour remplacer la fibre de verre

"La fibre de lin s'intègre bien dans le composite. Elle a une densité relativement légère, une bonne gestion du vibratoire et une résistance aux chocs, aux cisaillements, aux phénomènes de fatigue. Elle assure une durabilité dans le temps aux matériaux. Elle a un réel atout éco-responsable contrairement à la fibre de verre ou au carbone, et a des caractéristiques mécaniques proches de celles de la fibre de verre, en dehors d'un aspect esthétique intéressant. Tous ces avantages ont suscité l'intérêt des industriels du composite. Autre avantage, le lin s'intègre dans les techniques de mise en œuvre du composite classique. C'était une clé nécessaire pour que les acteurs du composite puissent conserver leur méthode traditionnelle" détaille Laurent Cazenave.

Pourtant, il a aussi fallu les rassurer pendant de longues années sur l'aspect qualitatif de ce matériau, comme nous l'explique le responsable de communication.

"Le lin est naturel, donc il y a un phénomène de millésime. Mais le standard qualitatif ne bouge pas et la quantité est toujours suffisante. On approvisionne régulièrement le marché des composites" continue le responsable de la communication.

Avec la construction du pont de We Explore, c'est encore une étape de franchie pour la construction en fibre de lin.

"We Explore c'est une démarche éco-responsable très forte. C'est une pièce d'envergure, la plus grande pièce jamais réalisée en fibre de lin pour ce catamaran de 60 pieds. C'est un défi technologique supplémentaire relevé et un démonstrateur à grande échelle de la capacité du lin à intégrer ce genre de projet. Ce qui nous semble le plus important, c'est d'intégrer la fibre de lin dans le projet dès le départ. Il est plus difficile de remplacer une pièce en fibre de verre par une pièce en fibre de lin. Nous sommes confiants sur l'avenir de cette fibre dans la construction nautique", conclut Laurent Cazenave.

Le trimaran Gwalaz construit en 2013 en fibre de lin
Le trimaran Gwalaz construit en 2013 en fibre de lin

Le lin, le futur de la construction des bateaux ?

Alors le lin est-il le futur matériau de construction des bateaux de plaisance ?

"C'est le but, mais il faut savoir à quelle échéance", explique Xavier Desmaret, à la tête du chantier Outremer.

"We Explore est une plateforme expérimentale. Avec Roland, il va être testé dans des conditions exigeantes, souvent plus dures que ce que peut rencontrer un plaisancier. On va donc avoir des retours intéressants sur le vieillissement du matériau, mais on ne va pas mettre la charrue avant les bœufs. Ce qui est sûr, c'est que si l'on arrive à le faire sur nos bateaux, les applications sur des bateaux plus petits seront possibles. Si ça fonctionne pour nous, ça fonctionnera pour beaucoup de monde", conclut le directeur d'Outremer.

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Dominique Renouf
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