Interview / Francis Joyon : "Garder les bateaux performants à long terme, c'est peut-être ça la modernité"

© Jean-Marie Liot / Alea

Francis Joyon, tenant du titre de la Route du Rhum et auteur du meilleur temps de course, en 7 jours, prendra le départ de sa 8ème transatlantique à bord d'Idec Sport, son trimaran Ultim. S'il est le plus âgé de tous les bateaux, lancé en 2006, Francis Joyon compte sur des conditions favorables pour obtenir une petite chance de réussir.

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Francis Joyon est le dernier vainqueur de la Route du Rhum, en 2018, s'offrant même un record de 7 jours, au terme d'une bataille épique avec François Gabart. Il revient sur ce même bateau, et compte bien rivaliser avec des bateaux plus récents que le sien et surtout bien plus protégés.

Ce sera votre 8e participation à la Route du Rhum, qu'est-ce qui vous donne envie d'y retourner ?

Simplement l'envie de naviguer. C'est une belle course, avec un beau parcours. Ça reste une aventure, où il y a encore un peu de surprise. L'inconnu c'est surtout la météo parce que la route, on la connait. La découverte est omniprésente. Il y a toujours des choses à apprendre.

En tant que tenant du titre en Ultim, quel est votre objectif sur cette course ?

J'ai de multiples objectifs. Essayer de faire une course la plus propre possible, emmener le bateau au maximum de son potentiel, en fonction des éléments. Si les conditions sont favorables pour le bateau, alors j'aurai une petite chance de réussite aussi.

Remise à l'eau du trimaran Idec Sport © Jean-Marie Liot/Alea/Idec
Remise à l'eau du trimaran Idec Sport © Jean-Marie Liot/Alea/Idec

Le directeur de course, Francis Le Goff, estime que le record, aujourd'hui de 7 jours, peut passer sous la barre des 6 jours. Quel est votre avis ?

Si la météo est comme sur la Jacques Vabre d'il y a deux ans, avec des conditions de vents de travers, c'est certain, le record sera battu. Il y a des éditions avec des conditions de vent contraire, et c'est assez dur. Dans ces conditions, les bateaux les plus rapides pourront mettre jusqu'à 9 jours. Je dirais donc entre 6 jours avec des conditions favorables et jusqu'à 9 jours si elles sont défavorables.

Comment évaluez-vous la concurrence et le niveau sur ce circuit Ultim ? Quelles sont vos chances avec un bateau de 2006 ?

C'est un bateau plus dur parce qu'il n'est pas protégé. Toutes les manœuvres se déroulent à l'extérieur, sous des paquets de mer. Les autres concurrents ont des bateaux protégés. Je ne suis pas jaloux, parce que je suis un peu claustrophobe. Je suis content de vivre la course de l'extérieur.

Certains bateaux, dans certaines conditions, peuvent être plus rapides. Ce sont la météo et la mer qui vont distribuer les cartes. C'est ce qui est vraiment intéressant. Est-ce qu'un bateau moins rapide dans des vents moyens pourraient quand même l'emporter ? Si j'avais refusé de participer, je n'aurais pas eu de réponse, et j'espère bien l'avoir !

Comment avez-vous préparé Idec Sport, vainqueur des trois dernières Route du Rhum ? Peut-il encore être question d'optimisation ?

On peut optimiser dans des détails, sur un poids de cordage, de voile… Il a été tellement optimisé par de nombreuses équipes que l'on ne peut plus faire grand-chose. Ce n'est pas utile, car il a un très bon impact carbone. Il existe depuis 16 ans. Si on changeait les flotteurs ou les foils, ça aurait un impact important.

Le bateau part sans aucune évolution technologique. Mais c'est peut-être ça la modernité, de garder les bateaux à un bon niveau de performance sur le long terme. On voit les efforts qui commencent à être fait, notamment sur cette édition avec le catamaran de Roland Jourdain ou l'Ultim Use it Again de Romain Pilliard. Je pense que ça sera d'autant plus le cas sur les prochaines Route du Rhum.

Francis Joyon sur l'Ultim Idec Sport © Jean-Marie Liot/Alea/Idec
Francis Joyon sur l'Ultim Idec Sport © Jean-Marie Liot/Alea/Idec

Comment vous êtes-vous préparé pour cette course sans intégrer le circuit Ultim ?

On est entré dans la classe Ultim le 6 octobre 2022 pour pouvoir participer à la Route du Rhum. On n'avait pas le droit de participer aux courses de la classe avant. Il y a deux ans, on a fait l'Asian Tour, avec de nombreux records et navigations. Ça correspond à un tour du monde à peu près en termes de navigation. Je me souviens notamment du record entre Hong-Kong et Londres, avec un départ dans une chaleur étouffante et une arrivée dans le froid brumeux.

J'ai aussi fait de petites navigations et participé à l'Armen Race. On a pu être au contact des concurrents avec des conditions d'été. A certains moments on était en tête, à certains autres, derrière. J'ai pris des repères sur les concurrents. C'était intéressant.

Est-ce qu'il y a des évolutions sur le routage et la route à suivre d'éditions en éditions ?

La météo a fait des progrès sensibles. Le routage a évolué dans les grosses équipes. Nous aurons un routage classique pour le bulletin météo avec Christian Dumard et Bernard Stamm.

Dans les grosses équipes, il y a un suivi en temps réel sur tout… La forme des voiles, les instruments… Est-ce que c'est bien ? Je suis pour la voile basique. Le routage étant autorisé, on ne se le refuse pas, mais de là à réaliser une assistance sur la performance… C'est peut-être excessif à mes yeux.

L'Ultim Idec Sport © Jean-Marie Liot/Alea/Idec
L'Ultim Idec Sport © Jean-Marie Liot/Alea/Idec

Quelle sera la suite du programme ?

On a un programme de printemps mais c'est trop tôt pour en parler.

Que pensez-vous de l'avenir de la Classe Ultim ?

Si ça arrête d'être une classe de propriétaire et qu'ils souhaitent plutôt promouvoir leur bateau, comme dans d'autres classes, ça évoluera positivement. Si ça ne reste que quelques personnes qui décident et où personne ne peut rien dire, ça reste compliqué.

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