Interview / Phil Sharp : "L'hydrogène peut être le futur de la classe IMOCA"

Phil Sharp intègre le circuit IMOCA pour un projet Vendée Globe 2024. C'est à bord d'OceansLab, un plan Manuard construit par Black Pepper et doté d'une pile à hydrogène, qu'il compte promouvoir la navigation zéro émission.

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Un bateau neuf propulsé à l'hydrogène

Phil Sharp, britannique d'origine, a posé ses valises depuis 2017 à La Rochelle, évoluant d'abord en Class40, puis en Figaro Bénéteau. Depuis 2020, il est à la tête de Genevos, une entreprise de solutions d'alimentation en hydrogène. Il revient à ses premiers amours en intégrant le circuit IMOCA dès 2023, avec un projet de bateau neuf, comme il nous l'explique.

"J'ai choisi de construire un bateau neuf et innovant, doté d'une pile à hydrogène. Ce bateau neuf a du sens, car il me fallait une plateforme compétitive et innovante pour ce nouveau projet. Ma philosophie, dès mes débuts en Mini 6.50 en 2005, c'est d'être dans le match."

Lors de la Mini Transat, il avait d'ailleurs traversé l'Atlantique, en sorte de "pionnier", sans énergie fossile, avec un bateau doté de panneaux solaires. Si cet équipement permettait de remplacer son groupe électrogène défaillant, il lui apportait aussi autonomie, liberté et fiabilité.

Avec ce nouveau projet, il va plus loin dans cette démarche d'une propulsion sans émission. L'hydrogène servira à alimenter les appareils électriques du bord et à la propulsion du bateau hors des courses.

Phil Sharp détaille : "Il y a un vrai potentiel pour l'hydrogène. Ça peut être appliqué sur tous les bateaux, plaisance ou professionnels. Depuis 2015, on a lancé des études de concept et de viabilité pour un projet IMOCA. C'est un système léger, développé avec plusieurs partenaires techniques. Ce prototype a permis de développer un système clé en main pour produire de l'électricité verte. Maintenant, la fiabilité sur les océans reste à démontrer. C'est une technologie forte, silencieuse, qui évite le bruit, les vibrations et accélère la décarbonation. Il y a beaucoup d'avantages à cette transition vers l'hydrogène et le carburant vert. Ça pourrait être bien de faire adopter l'hydrogène en classe IMOCA".

Le projet d'IMOCA OceansLab
Le projet d'IMOCA OceansLab

Des discussions avec des ports en Atlantique

Pour son tour du monde en solitaire, il embarquera donc 15 kg d'hydrogène, équivalent à environ 75 litres de gasoil. Plus léger, il nécessite néanmoins des réservoirs plus lourds puisque l'hydrogène doit être comprimé à 350 bars. En complément, son bateau sera équipé de panneaux solaires, d'un hydrogénérateur et d'une éolienne, qui ne seront pas à poste tout le temps.

Phil Sharp continue : "On a développé un système pratique et on travaille sur des stations d'hydrogène pour alimenter les bateaux. OceansLab est pilote dans l'installation d'infrastructures, avec d'autres acteurs. Il y a plusieurs projets en cours dans des ports de la côte Atlantique. On veut aussi montrer une solution qui correspond bien à une réglementation. Avec OceansLab, on offre une solution pratique et très fiable en réponse aux problèmes d'énergie à bord qui sont réguliers."

Un plan Manuard et quelques optimisations

Pour son projet, Phil Sharp a choisi un plan Manuard, dont la construction est confiée au chantier Black Pepper, et dont la mise à l'eau est prévue à l'été 2023. Concernant l'installation de la pile à combustible, celle-ci n'entraînera pas de modifications structurelles du bateau. Des compartiments étanches pour la ventilation, avec des réservoirs, vont être installés de chaque côté. Un détecteur d'hydrogène pour prévenir les départs de feu sera également installé à bord.

Phil Sharp raconte : "J'ai beaucoup navigué avec des plans Manuard, dès la Mini. Ce sont des plans pragmatiques. J'aime la philosophie du bateau et l'approche de Black Pepper. C'est un bateau simple, performant, sans complexité. Il donne confiance pour le pousser en solitaire."

Bien qu'il soit issu des mêmes plans que l'ex-Occitane en Provence, actuel Bureau Vallée 3, et Initiatives-Coeur, le nouvel IMOCA présentera de nouvelles caractéristiques, comme l'explique le skipper.

"Le concept sera à peu près le même, avec des optimisations. L'étrave est plus lisse, le système de ballasts optimisé et les safrans améliorés. Les foils seront similaires à ceux d'Initiatives-Coeur. Le cahier des charges part d'une configuration en solitaire qui évoluera au fur et à mesure pour les courses en équipage, et notamment pour The Ocean Race 2027. Au niveau des foils, on a encore des choses à apprendre au niveau de l'assiette, de la stabilité."

Un système de propulsion vert
Un système de propulsion vert

Une construction avec des matériaux biosourcés

Outre l'aspect énergie verte, le monocoque de 60 pieds sera construit avec des matériaux biosourcés, comme il le détaille : "On va réutiliser du carbone, car environnementalement c'est très cher. On va aussi utiliser un système très innovant de résine recyclable pour montrer comment utiliser de la fibre recyclable dans la performance. Nous devons utiliser et démontrer la fiabilité en mer de ces évolutions technologiques d'avenir, pour montrer qu'elles peuvent être appliquées dans la plaisance et autre. Nous avons des discussions avec des chantiers pour utiliser ces nouveaux matériaux."

À travers cette démonstration, Phil Sharp souhaite aller encore plus loin dans la démarche de durabilité initiée par la classe IMOCA : "Dans les process IMOCA, on pourrait utiliser cette résine recyclable, utilisable même avec du carbone, et augmenter la circularité du bateau. L'idée est de stimuler la classe pour faire évoluer les règles et offrir encore plus d'opportunités."

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