Interview / Louis Burton : "On continuera à chercher des géométries coûteuses pour faire voler les IMOCA"

Bureau Vallée volant avec ses plans porteurs © Stéphane Morel BE Racing

Alors que la classe IMOCA a voté contre l'installation de plans porteurs sur les safrans des monocoques du Vendée Globe, nous avons interrogé Louis Burton, seul skipper à avoir testé leur utilisation, sur cette décision et son retour d'expérience technique et économique de leur usage.

Un consensus mais des motivations diverses

La Classe IMOCA a voté le 20 octobre 2023 une résolution interdisant l'usage de plans porteurs sur les safrans de leurs voiliers, au moins jusqu'en 2028. Depuis que les voiliers du Vendée Globe ont été dotés de foils latéraux, le débat ne cesse de revenir sur la table, d'autant plus depuis que ces derniers s'approchent du vol et ne se contentent plus d'un simple ajout de moment de redressement comme dans les 1ères versions de foils. Si les votes contre les plans porteurs ont largement dominé le vote, totalisant 86 votes contre 32 pour les partisans, les raisons en sont variées. Nous avons souhaité interroger Louis Burton, seul skipper à avoir testé l'utilisation de plans porteurs sur les safrans de son IMOCA Bureau Vallée à l'été 2021.

Louis Burton © Benjamin Sellier – Wind4production
Louis Burton © Benjamin Sellier – Wind4production

"Il y a plusieurs points de vue et analyses qui ont conduit les gens à voter contre, mais pas pour les mêmes raisons, tandis que ceux qui les soutenaient avaient un vrai consensus. Nos bateaux volent déjà sur 3 points : le foil sous le vent, la quille et l'arrière de la coque. Le plan porteur est plus un stabilisateur de vol, et une solution simple sans coût important ni besoin de renforts structurels importants, d'après notre expérience. On ne va pas plus vite en pointe, par contre la vitesse moyenne augmente, mais on retombe moins, avec moins d'impact et d'efforts dans le gréement."

Des solutions alternatives complexes et coûteuses

Pour Louis Burton, la voie choisie ne résout pas la question économique, ouvrant la voie, pour les projets à gros budgets à des solutions complexes : "Avant le vote sur les plans porteurs, il y a eu un consensus pour dire que l'usage des safrans ne devait pas être limité à la gestion du lacet. Ils peuvent donc être utilisés pour la sustentation, comme l'a déjà essayé Charal. On va donc continuer à chercher des géométries pour mieux voler, qui seront plus chères. Le plan porteur sur Bureau Vallée ne faisait que 0,12 m2 et poussait 200 kg, ce qui est très peu. Il n'aurait pas été très compliqué, comme cela l'avait été évoqué à une époque de trouver un système en partie monotype pour les gérer, en laissant la surface adaptée à chaque bateau. L'argument économique ne tient pas."

Essai de vol (© Stéphane Morel BE Racing)
Essai de vol (© Stéphane Morel BE Racing)

Un argument de fiabilité qui s'entend

Pour autant, Louis Burton considère que certains arguments peuvent se justifier, notamment liés à l'image de la classe et de sa fiabilité après la série de démâtages. "Le mât monotype avait permis après plusieurs années d'atteindre un taux de finishers sur le Vendée inédit. Après les quelques démâtages, il a été décidé de pouvoir renforcer les mâts et de le structurer plus pour la période 2025+2029. Certains voulaient retrouver cette sérénité, avant d'essayer les plans porteurs."

Malgré tout le skipper malouin estime en conclusion que le choix des plans porteurs permettra à terme des bateaux plus confortables sans être néanmoins plus dangereux : "Avec la multiplication des impacts, la fatigue humaine et structurelle a atteint des niveaux très élevés. Pouvoir voler de manière stable et diminuer de 85 % les impacts est énorme. Le Vendée Globe se gagne par la polyvalence et il faut pouvoir naviguer en archimédien, ce qui fait que même avec les plans porteurs, on ne verra pas arriver des bateaux trop typés uniquement pour le vol. Il faut pouvoir freiner, mais on sait le faire en rentrant le foil."

Plus d'articles sur le thème
Réagir à cet article
Daniel Rio
Daniel Rio
Louis Burton à raison. La jauge actuelle est bancale. Soit on interdit toute sustentation (retour aux dérives droites, et bateau économiques), soit on autorise les safrans porteurs. A mon avis, il faut autoriser les plans porteurs... quitte à créer une nouvelle classe économique sans foil (et pourquoi pas des Class 50, à l'image des class 40, avec des normes de structure adaptées au vendée globe).
Ajouter un commentaire...