Rétrospective sur l'évolution du vêtement de plongée sous-marine

© BNF Gallica

Depuis l'Antiquité, l'homme, guidé par une curiosité intrépide, s'est aventuré dans les profondeurs nautiques. Des premières cloches de plongée à l'émergence du scaphandre autonome, cet article retraces les épisodes de l'exploration sous-marine.

Curieux par nature, l'être humain a constamment aspiré à sonder les milieux naturels, se penchant invariablement vers l'exploration des profondeurs sous-marines. Cette quête incessante a conduit à des innovations remarquables. C'est dans des eaux sûres et de faible profondeur que furent effectuées les premières tentatives.

Au 4e siècle av. J.-C.

Depuis l'Antiquité, l'homme tente d'explorer les fonds marins à l'aide de diverses astuces, à l'instar du tonneau d'Alexandre le Grand, appelé "Colympha", construit par l'architecte marin Diognétus au 4e siècle av. J.-C.. Mesurant 4 mètres de long et 2,5 mètres de haut dans sa partie médiane, cet engin rudimentaire équipé d'orifices fermés par des plaques de verre aurait permis à Alexandre et à son bras droit Néarque d'atteindre les profondeurs jusqu'à -10 mètres. À cette époque, aucun système d'air ne semblait les connecter à la surface, mais les plongeurs parvenaient à respirer grâce à un système de bulle d'air emprisonnée. Des enluminures datant du Moyen Âge illustrent ce procédé.

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Bien que des groupes de plongeurs aient existé chez les Grecs et les Assyriens, c'est aux Romains qu'on attribue la création, au 4e siècle avant J.-C., de la première unité militaire exclusivement dédiée aux opérations sous-marines, composée des ''urinatores''. L'historien Titus Tite-Live raconte comment au 2e siècle avant JC. le roi Persée jeta son trésor à la mer pour éviter qu'il ne tombe entre les mains de l'ennemi, puis le récupéra grâce à ces plongeurs entraînés. Pline l'Ancien relate dans son ''Histoire naturelle'' comment ces plongeurs débutaient leur immersion en se lestant de pierres et en insérant une éponge imbibée d'huile dans leur bouche, qu'ils pressaient en descendant. Cette technique avait pour objectif de créer un film devant leurs yeux, améliorant ainsi leur vision, car l'indice de réfraction de l'huile dans l'eau est similaire à celui de l'œil humain.

Des gourdes d'air

Dans les récits de la conquête de Tyr  par les troupes d'Alexandre le Grand en route vers l'Égypte, il est dit que les Grecs embarquèrent des plongeurs à bord de leurs navires et que, grâce à ce soutien, ils réussirent à détruire les défenses sous-marines des Phéniciens. À propos de ce même fait, l'historien Quintus Qurcio écrit que les Phéniciens, pour résister au siège de sept mois des troupes d'Alexandre le Grand, durent également recevoir l'aide de plongeurs qui leur fournissaient de la nourriture et des armes. Ceux-ci étaient équipés de gourdes, probablement en cuir, fournissant l'air essentiel pour leurs missions.

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Jusqu'à la Renaissance, de nombreux récits documentent l'utilisation de diverses méthodes pour permettre aux individus de respirer sous l'eau.

La cloche au 17e siècle

Au 18e siècle, l'astronome Halley conçoit une cloche de plongée, faite de bois et doublée de plomb. Cette innovation est présentée au 19e siècle par Auguste Demmin dans son "Encyclopédie historique". La partie supérieure de la cloche est équipée d'un épais verre pour laisser passer la lumière, et un tuyau permet l'évacuation de l'air vicié. L'appareil, de forme conique tronquée (A, B, C, D), est en bois doublé de plomb, avec une plate-forme suspendue (G, H) par trois cordes. Un robinet (R), fixé en haut, assure l'évacuation de l'air vicié. Lors du premier essai, Halley plonge avec quatre autres hommes pendant plus d'une heure, atteignant une profondeur d'environ 50 pieds (environ 15 m).

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Au 17e siècle, Hans Treileben, marchand d'armes, introduit en Suède la cloche à plongeurs. En 2023, l'équipe scientifique du Musée du Vasa en Suède reproduit le système de la cloche selon les plans d'époque et teste la méthode avec Lars Gustafsson, se glissant dans la peau d'un plongeur de l'époque.

© FACTSTORY / SEPPIA 2023
© FACTSTORY / SEPPIA 2023

"Le bateau homme"

Mais c'est au 18e siècle qu'est inventé le mot scaphandre, du grec ''skaphé'', nacelle et ''andros'', homme par  Jean-Baptiste de la Chapelle. Le mathématicien entame des recherches théoriques puis des essais pratiques dès 1765 sur un habit de liège destiné à flotter sur l'eau sans nager. Il présente son invention dix ans après dans son ''Traité de la construction théorique et pratique du scaphandre, ou du bateau de l'homme'' approuvé par l'Académie des sciences. L'ouvrage est réédité avec des ajouts, notamment sur l'utilisation militaire possible de ses recherches. Une démonstration est organisée devant le roi en 1768 : ''M. L'abbé de La Chapelle briguait depuis longtemps l'honneur de faire en présence du roi l'essai de son scaphandre ou pourpoint de liège (…) Monsieur de la Chapelle s'est jeté à l'eau mais ne s'étant pas porté assez haut, il a dérivé et le roi n'a pu le voir que de loin. Il a effectué ces différentes opérations comme de boire, de manger, de tirer un coup de pistolet.''

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Le scaphandre

Les inventions s'enchaînent : en  1772, Fréminet met au point le premier casque de plongée rigide en cuivre relié à une réserve d'air tirée derrière lui par le plongeur, appelé machine ''hydrostatergatique''.

En 1797, en Allemagne, un certain Klingert inventa le premier prototype de scaphandre. Composé d'un cylindre en fer-blanc enveloppant la tête et le torse du plongeur, il laissait les bras. Le plongeur portait une jaquette à manches et un caleçon de cuir pouvant résister à la pression jusqu'à 6 ou 7 mètres de profondeur. Toutes les pièces étaient étanches, avec des ouvertures pour les yeux et des tuyaux pour l'air frais et vicié. Une sorte de réservoir recevait l'eau qui, à la longue, s'introduisait dans ce tuyau et aurait nui à la respiration. Deux poids en plomb, suspendus au cylindre contre les hanches du plongeur le mettaient dans un état d'équilibre stable. Enfin, Le 23 juin 1797, en présence d'un grand nombre de curieux, un certain Frédéric Joachim se jeta dans l'Oder revêtu de cet appareil et alla scier un tronc d'arbre au fond du fleuve. Cette invention, en raison des défauts qu'elle comprenait, ne fit pas fortune mais elle inspira d'autres sur la voie d'expériences.

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Des semelles de plomb

En 1837, un scaphandre véritablement étanche est mis au point par Augustus Siebe de Londres, relié à une pompe d'air en surface. Les chaussures sont à semelles de plomb. Jusqu'en 1857, monsieur Siebe jouit du privilège de fournir des appareils à plongeurs à la marine militaire française.

À cette époque, monsieur Cabirol, fabricant de caoutchouc à Paris, dépose en 1855 un brevet pour un scaphandre qu'il présente à l'Exposition universelle de Paris aux côtés d'autres scaphandres comme celui de Siebe. Il introduit des nouveautés telles que le manomètre qui indique au plongeur la pression et la profondeur, ainsi qu'un robinet de secours qui lui permet, en sortant de l'eau, de respirer rapidement. Fort de son succès, Cabirol dépose un nouveau brevet en 1860 et poursuit ses démonstrations.  L'un d'elles consiste à envoyer un forçat à 40 mètres de profondeur pour promouvoir la maniabilité de son appareil, alimenté par une pompe à air.

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Le système Rouquayrol et Denayrouze

Cabirol reste le fournisseur de la marine impériale jusque 1866, date à laquelle son scaphandre est supplanté par le système Rouquayrol et Denayrouze, plus aboutit.

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Le défi technique n'est pas le seul objectif de ces inventeurs. Le scaphandre répond très vite à de nombreux besoins. Ainsi, il permet la réparation des bateaux comme celle de l'hélice du paquebot transatlantique Vera Cruz, en 1863. Il facilite la pêche des coraux et éponges ; le renflouage des navires comme le Magenta en baie de Toulon, en 1875 ; ou l'aide aux sous-marins comme le Farfadet, en 1905.

Renflouage du Magenta © BNF Gallica
Renflouage du Magenta © BNF Gallica
Renflouage du Farfadet © BNF Gallica
Renflouage du Farfadet © BNF Gallica

La recherche des épaves ou des vestiges fait également partie des possibilités ouvrant la voie à des rêves de trésors et de cités enfouis dont s'emparent vite la presse et les revues de vulgarisation scientifique comme la Science illustrée.

Espadon attaquant un scaphandrier © BNF Gallica
Espadon attaquant un scaphandrier © BNF Gallica

Les œuvres fictionnelles ne sont pas en reste, à l'image d'Atlantis d'André Laurie,ou de Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne. Les archéologues comprennent vite l'apport de ce nouveau matériel. Le Congrès scientifique de France fait ainsi état de l'utilisation en 1863 de scaphandres pour sonder les fonds de la baie de Grésine, sur le lac du Bourget pour extraire poteries et hache de bronze. Il faut cependant attendre d'autres outils comme la photographie sous-marine pour compléter les équipements d'exploration.

Portrait instantané d'un scaphandrier, Boutan Louis (1859-1934) © BNF Gallica
Portrait instantané d'un scaphandrier, Boutan Louis (1859-1934) © BNF Gallica

1926, le scaphandre autonome

Mais tous les systèmes ont l'inconvénient d'être peu autonomes, le réservoir d'air est peu efficace et l'envoi d'air par une pompe depuis la surface empêche la pleine mobilité du plongeur. Le scaphandre moderne du 20e siècle, doté d'une bouteille d'air comprimé, est mis au point en 1926 par Maurice Fernez et Yves Le Prieur. Les essais ont lieu à Paris dans la piscine des Tourelles. L'air est respirable grâce à un détendeur que le plongeur doit actionner et la bouteille est transportable. L'autonomie reste encore limitée à une dizaine de minutes.

Le Prieur muni de son scaphandre, Agence Rol. © BNF Gallica
Le Prieur muni de son scaphandre, Agence Rol. © BNF Gallica

Le scaphandre autonome est ensuite perfectionné en 1943 par Émile Gagnan et Jacques-Yves Cousteau avec l'ajout d'un détendeur automatique. Commercialisé en 1946, cette invention connaît rapidement un grand succès et permet à des milliers de personnes d'avoir enfin un accès au monde sous-marin.

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Toujours de nouvelles innovations

En 2023, de nouvelles innovations continuent d'émerger, telles que les mini-bouteilles de plongée, offrant une autonomie de 7 à 20 minutes, avec une profondeur maximale de 3 mètres pour les débutants. Ces équipements visent à rendre la plongée accessible à un public plus large, offrant une variété d'utilisations telles que le snorkeling ou encore la réalisation d'opérations de carénage. Une pompe manuelle permet de recharger cette mini bouteille de plongée de façon autonome n'importe où. Ce type de matériel nécessite toutefois la connaissance des règles primaires de plongée sous-marine.

© Smaco
© Smaco

De l'Antiquité à nos jours, l'exploration sous-marine a traversé des époques d'évolution technique et de diversification des motivations. Des récits d'Alexandre le Grand aux dernières innovations contemporaines, cette quête des profondeurs marines souligne l'ingéniosité humaine face à l'inexploré.

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