Quand sont apparus les canots et sociétés de sauvetage ?

Au fil des siècles, l'histoire maritime a été jalonnée de tragédies maritimes, faisant écho aux défis constants de la survie en mer. Ces épreuves ont été le catalyseur d'innovations ingénieuses visant à prévenir les pertes humaines et à améliorer les secours en mer.

Depuis des siècles, plaisanciers et marins bravent les mers, mais les naufrages sont une réalité omniprésente. L'histoire des canots et des sociétés de sauvetage remonte au 18e siècle, lorsque des esprits ingénieux ont commencé à concevoir des embarcations destinées à sauver des vies en péril.

L' ''Unimmergible boat'', un canot expérimental

Lionel Lukin, inventeur anglais, commence en 1784 à expérimenter, sur un yawl norvégien de 6,1 m, une technique pour le rendre insubmersible. Il incorpore des poches d'air dans des cloisons étanches en utilisant du liège et d'autres matériaux légers dans la structure. Une quille en fer vient ajouter du poids et aider à maintenir la stabilité. Après avoir testé ses altérations dans la Tamise, il brevette sa méthode de construction de petits bateaux qui ne coulent pas, même lorsqu'ils sont remplis d'eau.

L''Unimmergible boat'' de Lukin
L''Unimmergible boat'' de Lukin

La tragédie comme moteur d'innovation

Depuis 1785, dans les postes de douanes près des ports et cours d'eau, seules des boites dites fumigatoires, servent à réanimer les naufragés asphyxiés. Un livre d'époque nous apprend le contenu d'une boite fumigatoire : ''Cette boite doit contenir les objets suivants : deux frottoirs de flanelle ; un bonnet de laine ; une couverture de laine ; deux bouteilles d'eau-de-vie camphrée, animée avec de l'alcali fluor, ou esprit volatil de sel ammoniac ; un gobelet d'étain ; une canule à bouche, avec son tuyau de peau ; une petite cuiller de fer étamé ; un flacon d'alcali fluor ; une boite contenant plusieurs paquets d'émétique, de trois grains chacun ; le corps de la machine fumigatoire ; un soufflet à une âme, pour être adapté à la machine ; quatre rouleaux de tabac à fumer, de quinze décagrammes (demi-once) chacun ; de l'amadou, un briquet et une boite d'allumettes ; des plumes pour chatouiller le dedans du nez et de la gorge ; deux bandes à saigner.'' Cette invention médicale visant à sauver les noyés à l'aide d'un soufflet et d'un peu de tabac insérés dans le rectum du mourant, ferait alors office de défibrillateur. À l'époque, des médecins respectés comme René-Antoine de Réaumur croient dur comme fer à cette méthode.

Réanimation d'un noyé de la Seine
Réanimation d'un noyé de la Seine

Face à des moyens de secours quelque peu douteux et à la recrudescence de naufrages dévastateurs, une prise de conscience a vu le jour quant à la nécessité d'investir dans des moyens de secours maritimes plus efficaces.

Après le naufrage du navire Adventure en 1789, où tout l'équipage périt, un concours d'engins de sauvetage est instauré. En 1790, Henry Greathead présente son Original, un modèle qui se révèle plus efficace que celui de Lukin. Mesurant 8,5 mètres de long, l'Original peut accueillir douze personnes, pour lesquels des vestes en liège sont fournies. Sa principale qualité réside dans son caractère insubmersible, grâce à un doublage intérieur en liège et l'adjonction d'une ceinture de défense également en liège. Cette conception augmente considérablement la flottabilité du bateau, lui permettant de se redresser rapidement après un renversement. L'Original possède une quille incurvée et une silhouette plus haute à l'avant qu'à l'arrière, ce qui le rend très manœuvrable autour de son centre. Lorsqu'il est plein d'eau, un tiers de chaque extrémité reste hors de l'eau, ce qui lui permet de continuer sa route sans couler. Il est propulsé par dix rames courtes, plus adaptées à la navigation en mer agitée que des rames longues. Dirigé par rame plutôt que par gouvernail, il peut ainsi avancer dans les deux sens. Après avoir fait ses preuves sur la Tyne en Angleterre, l'Original est désigné comme premier bateau spécialisé de sauvetage. Trente-et-une autres répliques sont construites.

Les canots autoredressables

En parallèle, William Wouldhave, un autre inventeur, participe au concours de conception d'engin de sauvetage aux côtés d'Henry Greathead. Son idée est de créer un bateau à redressement automatique, construit en cuivre, avec du liège pour la flottabilité. Son modèle n'est pas approuvé par le comité de jugement.

William Shouldhave développant son modèle de canot de sauvetage pour le concours © Tyne & Wear
William Shouldhave développant son modèle de canot de sauvetage pour le concours © Tyne & Wear

Au milieu du 18e siècle, plusieurs villes du Royaume-Uni disposaient de différents modèles de canots de sauvetage. Certains d'entre eux étaient dotés d'un mécanisme de redressement automatique, et tous étaient équipés de rames. En 1850, le duc de Northumberland a organisé un concours visant à concevoir un canot de sauvetage capable d'utiliser des voiles en plus des rames, pour étendre sa portée. Pas moins de 280 candidatures ont été soumises, parmi lesquelles celle de James Beeching, jugée comme la meilleure. Ainsi en 1851, aidé de James Peake, il conçoit le canot de sauvetage Beeching-Peake SR, autoredressable, qui devient le modèle standard exploité par la Royal National Lifeboat Institution autour des côtes du Royaume-Uni et de l'Irlande, entre les années 1850 et 1890.

C'est dans les mêmes années, en 1880, que Maria Beasley brevette un canot de sauvetage compact, sûr, facile à utiliser et à l'épreuve du feu. Ses canots de sauvetage pliables seront utilisés en 1912 sur le Titanic, installés au nombre de 4, en plus des 14 canots rigides.

Les années qui suivent voient l'avènement de nombreux modèles de canots de sauvetage, intégrant progressivement des motorisations thermiques. Différents modèles sont aujourd'hui conservés et exposés dans les stations de sauvetage du littoral. On citera l'Aimée-Hilda, un canot insubmersible et auto-redressable conçu par l'architecte naval de plaisance réputé Eugène Cornu, et construit par les chantiers Jouët à Sartrouville en 1949.

L'Aimée-Hilda
L'Aimée-Hilda

L'émergence des sociétés de sauvetage

Le 19e siècle voit la naissance de l'industrialisation. En même temps que le trafic maritime s'accroît, les accidents et naufrages augmentent. Quelques terribles naufrages font prendre consciences à quelques humanistes qu'il est temps de passer du rôle de spectateur éploré à celui de sauveteur actif. Des sociétés de sauvetage naissent, financées principalement par des dons et legs. 1824 voit la création de la ''Royal Institution for the Preservation of Life from Shipwreck'' au Royaume-Uni ; 1825, la ''Société Humaine des Naufragés de Boulogne-sur-Mer'', suivie par celle du Havre la même année ; 1834, la Société Humaine de Dunkerque...

En 1834, le médecin Calixte-Auguste de Godde de Liancourt fonde à son tour la ''Société Internationale des Naufragés'' qui forme des établissements de sauvetage dans plusieurs ports de la monarchie de France mais également dans le reste du monde. On peut la trouver aussi sous d'autres formes de noms : ''Société Générale des Naufragés dans l'Intérêt de toutes les Nations'', ''Société Générale des Naufrages et de l'Union des Nations'', ou encore ''Société Générale Internationale des Naufrages''. En 1841, il y aura ainsi plus de 150 établissements internationaux.

Les activités de la ''Société Internationale des Naufragés''  prennent fin en 1841 suite à la création, en 1838, de la ''Société Centrale des Naufragés'', institution rivale née sous l'impulsion d'André Castera, Administrateur de la Marine. Cette centralisation marque le début d'une coordination plus efficace des opérations de sauvetage en mer. En 1967, cette dernière fusionne avec la ''Société des Hospitaliers sauveteurs bretons'' pour former la ''Société nationale de sauvetage en mer'' (SNSM). Cette fusion a permis de consolider les ressources et d'optimiser les efforts de sauvetage à travers les territoires français. Aujourd'hui, la SNSM est à la tête d'une flotte de plus de 785 moyens nautiques, comprenant notamment 41 canots tous temps, 35 vedettes de 1ère classe, 75 vedettes de 2e classe, 42 vedettes légères, 90 véhicules nautiques à moteur (scooters des mers) et 473 pneumatiques, dont 192 semi-rigides.

Le volontariat est la pierre angulaire sur laquelle repose la réalisation des missions sociales de la SNSM : la préservation de la vie humaine en mer et sur le littoral, les interventions en matière de sécurité civile et la sensibilisation du public aux dangers en mer. Et si vous envisagiez vous aussi de rejoindre la famille orange des Sauveteurs en Mer ?

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En France, la construction de canots de sauvetage a commencé sérieusement à partir de 1866, lorsqu'une commission instituée par le ministre de la marine a choisi le canot Peake de 9,78m. du RNLI dont une cinquantaine d'unités ont été fournis entre 1866 et 1897 par Forrest and sons (Londre), les chantiers Augustin-Normand (le Havre) et les Forges et Chantiers de la Méditerranée (la Ciotat). Les Chantiers Augustin-Normand s'imposeront ensuite comme le principal constructeur français de canot de sauvetage en fournissant, entre 1866 et 1962, 162 canots de 6,50m a 13,60m, pour la plupart, dérivés des canots Peake mais plus grands et très améliorés. cf. : et : https://kbcpenmarch.franceserv.com/les-chantiers-navals-augustin-normand.html
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