Interview / Naviguer en windsurf sur le Rhône : le témoignage de 3 passionnés sur ces spots décalés

© Stéphane Viard

Windsurf, Rhône, passion. Des mots qui ont tracés la voie de Denis, Tom et Simon vers leur engagement pour ce sport nautique. Ces trois sportifs nous livrent des conseils pour une pratique originale sur fleuve.

Les eaux parfois tumultueuses du Rhône offrent des conditions propices à la navigation. Denis, Tom et Simon, trois passionnés de planche à voile, ont accumulé des années de pratique sur le site nautique de Cruas. Ils partagent leur expérience et dispensent des conseils à ceux qui souhaitent se lancer dans l'expérience du windsurf fluvial.

© Pouico Voilovic

© Pouico Voilovic

Racontez-nous comment s'est faite l'initiation au windsurf pour vous. Quelles ont été les motivations qui vous ont ensuite conduits à essayer ce sport sur le Rhône ?

Denis : Ma première fois en planche à voile remonte à juillet 1986, au Lac de Champos, dans le Nord de la Drôme, à proximité de mon lieu de travail de l'époque. J'ai été initié grâce à un camarade d'armée qui m'avait enseigné sur le lac d'Annecy en 1985. Dès cette première expérience, je suis tombé fou amoureux de la planche à voile. Le Rhône m'a attiré, le besoin d'avoir du vent fort pour naviguer, pour ressentir davantage de sensations et être rapidement au planning. C'est d'ailleurs ce qui m'a incité à postuler pour travailler au CNPE de Cruas-Meysse, afin de pouvoir pratiquer le funboard aussi fréquemment que possible, voire tous les jours si nécessaire ! Depuis, je n'ai plus voulu partir de Cruas et de Montélimar, le Rhône étant seulement à une quinzaine de minutes en voiture.

En 2001, j'ai découvert le kitesurf. C'est alors qu'au fil des années, dès 2004, j'ai progressivement remplacé la planche à voile sur le Rhône par le kitesurf. Depuis 2019, je me consacre exclusivement au wingfoil. Dès qu'une risée se fait sentir, j'essaie d'aller sur le Rhône et je pratique la navigation sur ce fleuve toujours avec la même passion qu'à mes débuts en planche à voile en 1986 !

J'ai commencé à pratiquer le dockstart à partir des pontons de l'ASGE DA Voile, mais vu mon âge et ayant perdu beaucoup de souplesse, j'avoue que la progression est vraiment très dure pour moi. Cependant, avec l'évolution du matériel et des foils, je ne désespère pas d'y arriver !

Tom : J'ai commencé le dériveur à l'âge de 8 ans, en 2001, sur le Rhône. Par la suite, en souhaitant passer un BPJEPS Voile multi-supports, j'ai été contraint de me tourner vers la planche à voile. Vers les années 2016-2017, je me suis donc initié à ce sport sur le Rhône. Au club, on avait uniquement une planche d'initiation, la Bic Beach, et de vieilles voiles bien lourdes. Du coup, les premières fois ont été très compliquées avec le mistral habituel et le fort courant : des sessions de galères, à passer plus de la moitié de mon temps dans l'eau, à me demander ce que je faisais là.

Quand j'ai eu plus d'assurance, j'ai utilisé la Bic Véloce et la Fanatic Ultra-Cat du club, des planches moins stables mais plus joueuses.

Navigation en Bic Véloce © Pouico Voilovic
Navigation en Bic Véloce © Stéphane Viard
Fanatic Ultra-Cat
Fanatic Ultra-Cat

J'ai eu de nombreux déclics sur ces planches, mais les voiles lourdes qui pesaient un âne mort me faisaient souffrir et écourtaient grandement mes sessions. Par la suite, je me suis mis au funboard avec l'acquisition d'une Tabou Bullit et de quelques voiles de vague et de freeride un peu plus légères de 4 et 5,3 m2. C'est à ce moment là que j'ai vraiment commencé à prendre du plaisir dans la pratique du windsurf.

Simon : J'ai découvert le windsurf au travers de l'ASGE DA Voile à l'âge de 12 ans, lors d'un stage de voile. Les moniteurs, Denis et Seb, nous emmenaient à la digue en L, un peu plus en aval par rapport au club. Nous partions en tracteur avec une remorque et les planches à voile tous les matins afin de rejoindre la digue. L'idée était de se mettre à l'abri du fort débit du Rhône et d'éviter de dériver jusqu'au barrage hydraulique, représentant un réel danger.

Digue en L et barrage hydraulique de Rochemaure © CNR
Digue en L et barrage hydraulique de Rochemaure © CNR

Au début, ce sport m'a semblé ingrat car chaque mouvement nécessitait beaucoup de répétition à l'apprentissage. À force de persévérer, j'ai compris qu'il n'était pas nécessaire de forcer en planche à voile pour ressentir les sensations de planning. Une fois la technique acquise, j'ai pu faire abstraction des aspects peu attrayants du Rhône, c'est-à-dire l'eau trouble, les algues et la boue, la présence de silures et le fort débit. Pour moi, Nuclear Beach, comme on le surnomme, restera toujours mon meilleur spot.

© Pouico Voilovic
© Stéphane Viard

Quelles sont les conditions les plus intéressantes, selon votre expérience, pour la pratique du windsurf sur le Rhône ?

Denis : Les moments les plus stimulants pour le windsurf sur le Rhône sont lorsque le Mistral ou que le vent du Sud soufflent forts. C'est à ce moment-là que se forme un clapot propice aux sauts.

Tom : Il existe plusieurs spots sur le Rhône, et je ne les connais pas tous, mais à Cruas, les meilleures conditions sont lorsqu'il y a le Mistral. Quand le vent vient du sud, c'est beaucoup trop irrégulier. En ce qui concerne la force du vent, il n'y a pas de meilleure condition, tout dépend du programme de navigation. Par contre, il ne faut absolument pas sortir si le vent est trop faible, car avec le courant, le risque est de devoir remonter à pied ! À Portes-les-Valence, c'est exactement l'inverse : il vaut mieux sortir quand ça rentre sud, car c'est plus régulier. En termes de force du vent, nous sommes bien lotis sur le Rhône, car il souffle souvent, et parfois même très fort.

Simon : Lorsque le vent vient du sud et qu'il va contre le débit, cela crée un fort clapot qui lève des rampes pour jumper en planche à voile ! Les gros coups de sud sont néanmoins très rares, car les vents dominants sont le mistral en provenance du nord et qui souffle vers le sud, dans le même sens que le débit du Rhône. Cela rend le plan d'eau plus flat et permet de pratiquer une autre discipline sympa du windsurf qui est le slalom.

Décrivez-nous le matériel idéal pour naviguer sur le Rhône.

Denis : Pour mon gabarit de 70 kg, je privilégie une planche à voile Freeride de 80-85 litres, adaptée à 90 % de mes sessions avec des vents de 15-20 nœuds ou plus. Pour les 10 % restants avec un vent plus faible, j'opte pour un flotteur de 110-120 litres. Mes voiles, de 3,5 m2 à 6,5 m2, sont de préférence sans cambers.

Tom : C'est un plan d'eau relativement plat et venté, par conséquent le mieux est d'utiliser du matériel freeride ou slalom pour se faire plaisir. Ça conviendrait aussi probablement pour le freestyle, mais je ne suis pas familier avec cette discipline. À confirmer par les amateurs.

Simon : Il n'y a pas de matériel idéal, mais plutôt une adaptation nécessaire aux conditions variables. J'ai eu une Fanatic Falcon Formula avec une voile de 8,5 m2 pour naviguer dans un minimum de 12 nœuds.

Fanatic Falcon Formula
Fanatic Falcon Formula

J'ai également utilisé une RRD X Fire 90 litres pour le slalom avec des voiles à cambers de différentes tailles, et pour les jours où le Rhône est plus agité, Patrick, un ami du club, m'a donné sa planche de vague de 90 litres fabriquée par un professionnel dans les années 90, sur laquelle je grée des voiles de vagues de petites tailles, de 4,5 m2 à 5,3 m2.

RRD X Fire
RRD X Fire

D'après-vous, le Rhône est-il un bon spot pour améliorer sa performance ?

Denis : Absolument, surtout pour perfectionner ses jibes, et ses virements, en raison du courant et de la faible largeur du fleuve, exigeant des virages réactifs même sur des flotteurs de 80 litres, avec une nécessité de remonter rapidement au vent.

© Pouico Voilovic
© Stéphane Viard

Tom : Je pense que l'on peut améliorer ses performances sur tous les spots, cela ne tient qu'à nous et notre envie de progresser. L'avantage du Rhône, c'est qu'il y a souvent des vents forts, ce qui offre de nombreuses sessions propices à la navigation. La régularité est l'une des principales composantes de la progression. Sur le Rhône, la gestion du courant, parfois dérangeant pour ne pas dire dangereux, offre une opportunité d'amélioration. Pour finir, comme c'est un sport dans lequel la confrontation est importante pour la progression, il est intéressant de naviguer sur le Rhône car il y a de bons riders avec qui l'on peut se ''tirer la bourre''.

© Pouico Voilovic
© Stéphane Viard

Simon : Le Rhône offre des conditions idéales car il regroupe plusieurs critères pour l'amélioration comme le débit, associé au courant en mer, des vents pouvant atteindre 50 nœuds, et une largeur maximale de 800 mètres. Cette configuration permet un entraînement intensif sur les jibes et autres manœuvres, grâce à des bords courts. De plus, la présence de la PWA (Pierrelatte Windsurf Association) qui s'entraîne au club souligne les conditions optimales pour la compétition.

Duck jibe © Pouico Voilovic
Duck jibe © Stéphane Viard

Que conseillerez-vous à des novices voulant s'essayer à la pratique du windsurf en milieu fluvial ?

Denis : Ne pas hésiter à se lancer, à surmonter la crainte de la navigation près des péniches et du courant. Même si on navigue seul et même si, au début, on dérive et que l'on doit remonter le long du bord en marchant pieds nus dans la vase et les algues !

Tom : Toujours consulter la météo avant de sortir, ainsi que la force du courant. Il est très important de ne jamais sortir si le courant est trop fort ! S'équiper d'une bonne combinaison. Ne pas sortir seul, si possible, avoir une sécurité en cas de courant fort. S'armer de patience et de courage, ne pas se décourager lors des premières sessions. Ne pas boire la tasse, sinon vous risquez l'inconfort !

Simon : Ne jamais naviguer en solitaire. Il faut toujours privilégier la navigation en groupe car le danger est bien présent, que ce soit les passages fréquents des péniches sur le fleuve ou la présence des Canadair pendant l'été. Denis peut d'ailleurs témoigner d'une mésaventure ! L'idéal est de se rapprocher des clubs de voile ou des associations de windsurf sur le Rhône. En tant que planchiste, il ne faut pas négliger les équipements de sécurité : le gilet de sauvetage, le casque, les chaussures néoprène, la combinaison et le harnais. Le petit plus serait d'avoir un téléphone étanche.

Que l'on soit débutant ou expérimenté, le Rhône offre un environnement dynamique et exigeant, favorable à l'acquisition de compétences et à l'amélioration constante des performances en windsurf. Les conditions de vent et les particularités du courant apportent une dimension enrichissante à l'expérience, soulignant toutefois la nécessité d'aborder ce sport avec prudence.

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