Stabilité, performance, carène : l'héritage technique de Jean-Marie Finot vu par Daniel Charles

© Jean-Marie Liot

Architecte naval à l'origine de nombreux voiliers de course et de croisière, Jean-Marie Finot a profondément influencé les formes et les performances des bateaux depuis les années 1970. De ses premières coques en triangle aux simulations mathématiques, son oeuvre marque une rupture majeure dans l'histoire du yachting. À travers ce texte, Daniel Charles, lui-même architecte naval et historien de la plaisance, lui rend un puissant hommage en soulignant la portée de ses apports techniques et conceptuels.

Une relation conflictuelle mais une admiration technique assumée

Je garde de mes rencontres avec Jean-Marie Finot le souvenir d'échauffourées verbales : nous n'avions aucun atome crochu. Cet aveu me met d'autant plus à l'aise pour reconnaître que cette personnalité abrasive fut l'architecte naval français le plus influent de toute l'histoire du yachting. Ce n'est pas une étiquette que l'on décerne facilement et « qui sollicite le plus vivement les investigations de l'histoire et les hautes spéculations de la philosophie » (comme l'écrivait un 'loup d'eau douce' dans le premier manuel du canotier en 1844). Evidemment, pour comprendre comment les concepts de Finot bouleversèrent les formes, les performances, les fonctions et l'apparence des voiliers du monde entier, il va falloir se plonger dans la technique…

Deux écoles de pensée : l'architecture navale entre « moins » et « plus »

Il y a deux philosophies opposées en architecture navale : l'école « moins » et l'école « plus ». La première -où s'illustrent des artistes aussi différents que Doug Peterson ou Dick Newick- pense que si l'on diminue la voilure, on réduit la demande de stabilité, donc on a moins de poids, donc on a encore besoin de moins de voilure, de moins de stabilité… et à la fin on pourrait presque ne plus avoir de bateau du tout. [J'avais un jour taquiné Dick Newick en lui disant que son idéal pour la Transat en solitaire était de venir au départ les mains dans les poches, d'où il extrairait un bateau gonflable, qu'il dégonflerait à l'autre bout ; « not far from the truth », avait dit Dick]. A l'opposé, les partisans de l'école « plus » ajoutent de la voilure, pour cela ils remettent une louche de stabilité, qui entraîne un surpoids, ce qui oblige à augmenter la voilure, avec plus de stabilité, plus de poids…, tant et si bien qu'on pourrait se retrouver avec un bateau de taille infinie. Un exemple pour illustrer ces deux écoles : en 1980 le record de vitesse sur 500m était détenu, avec 36 nds, par un bateau « plus », Crossbow II, 18,28m de long avec 120m² pour 1,7T ; six ans plus tard, ce record fut porté à 38 nds par Pascal Maka sur un bateau « moins », une planche à voile 350% plus courte. Malgré leurs énormes différences de taille et de budget, les deux bateaux avaient le même rapport poids/puissance, de l'ordre de 80-100m² par ...

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John Wave
John Wave
Merci Mr Charles pour cet article parfaitement objectif (sur la personnalité et le «génie» de Mr Finot) et techniquement très éclairant.
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