15 décembre 2023 : Je suis dans le RER à Paris pour aller chez mon dentiste, une dernière carie à traiter avant de partir. Prise de conscience ? Demain à cette même heure, j'arriverai sur l'île de Sal au Cap-Vert. J'ai mal au ventre, mon nerf sciatique continue de me lancer malgré mon infiltration faite il y a 3 jours. Je ne sais pas trop quoi en penser. Est- ce que cette douleur est un signe ou une épreuve ? Est- ce qu'il faut que je traverse ? Ce que je sais c'est qu'il faut que je sois en mouvement.
Je vais aller retrouver mon bateau Hateva qui m'attend au mouillage au Cap-Vert, je serais au soleil dans un lieu que je connais, et surtout revoir des connaissances. Flo est toujours à Sal, Marion devrait être à Mindelo. Savoir où je vais et ce que je vais trouver a quelque chose de rassurant.
Je crois que ce qui me fait le plus peur dans cette traversée, c'est de ne plus avoir le choix. Une fois le bateau en mer, il ne sera plus possible pour moi de faire machine arrière. Dans mes autres aventures, j'avais toujours le choix. En Australie, à vélo je pouvais m'arrêter, prendre le train ou faire du stop. Avec mon camion, l'hiver par -20°, je pouvais louer une chambre au chaud. Cette fois, dans cette transat en solitaire, je n'ai aucun plan B. Cet engagement est ma grosse difficulté, mais c'est aussi ça qui fait toute cette aventure. J'atteins mon niveau suivant de ma limite de zone de confort.
L'écrire aujourd'hui me rassure et me rappelle que c'est bien ça que je veux, sortir de ma zone de confort, aller plus loin dans cette connaissance de moi-même. À quoi sert de vivre si ce n'est pas pour se connaître ? Se sentir vivant ? Je me sens vivant aujourd'hui, ce n'est pas agréable pour le moment, mais mon expérience m'indique que c'est la bonne voie, que le plaisir de vivre sera multiplié !

Arrivée en vue d'Hateya
16 décembre 2023 : "Descente en vue de l'arrivée au Cap-Vert, veuillez regagner vos sièges et attacher vos ceintures."
J'imagine mon arrivée : Passer la douane, voir si je peux prendre une nouvelle carte sim avec des datas, sortir de l'aéroport, marcher 15 min jusqu'à Espargos, trouver des légumes, prendre la petite rue à gauche pour trouver le taxi collectif, attendre qu'il y ait assez de monde pour partir, faire les 5 km payer 0,50 € au chauffeur, marcher jusqu'au port de pêche, trouver un moyen d'aller sur Hateya.
J'ai un peu peur de retrouver Hateya. Voilà 9 mois que je n'ai pas vu mon bateau. Dans quel état il va être ? Va-t-il y avoir une invasion de cafards, un pourrissement du mât en bois comme à Lanzarote ? La nourriture sera-t-elle encore bonne malgré la chaleur ? L'eau douce sera-t-elle croupie ? Le gasoil rempli de bactéries ? Et les batteries, seront-elles toujours en état ? Il y a tant de choses qui pourraient faire que le moteur ne démarre pas…
Je n'ai pas tout de suite trouvé comment faire les derniers 200 m entre la plage et mon bateau au mouillage dans la baie. Je suis donc allé manger au Rotterdam qui propose du bon poisson. Il y a bien des annexes qui traînent sur la plage, mais personne en vue pour les utiliser. Je vais voir les pêcheurs et leur demande s'ils peuvent me déposer : "OK, mais pour 5 €."
4h30 plus tard : je monte à bord. Hateya est là, fidèle. Les serrures ont du mal à tourner, mais avec un peu de patience elles finissent par s'ouvrir. L'intérieur est recouvert d'une couche de poussière de sable. Il y a souvent des tempêtes de sable ici. Des petites bêtes mortes sont ici ou là. Mais aucune trace d'effraction, tout est bien là. Je remets en route le système électrique, check le moteur et le démarre du premier coup. Tout est OK ! C'est un soulagement. Le seul point noir est mon mal de dos réapparu dans l'avion. Je verrais bien dans les prochains jours… ...

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