Souvenir de nav' / Une écoute de spi peut sauver une vie

Alors qu'il participe au Grand Prix d'Italia en Mini 6,50, Luc tombe à la mer lors d'un changement de voile d'avant. Encore heureux, il réussit à attraper une écoute de spi, qui lui sauvera la vie.

En 2008, Luc fait du Mini 6,50. Son bateau est basé à Port Camargue, en Méditerranée, et il participe chaque année aux courses de début de saison en Italie. Et cette année-là, il s'apprête à participer au Grand Prix d'Italia 6,50, course en double de 520 milles à laquelle il a déjà participé l'année précédente.

Après un convoyage entre le sud de la France et Gênes, port de départ de la course, le voilà prêt à prendre le départ, donné fin avril. Sauf que cette année, son équipier habituel — copropriétaire de son bateau — n'a pas pu venir. Il fera donc équipe avec un nouvel équipier italien, Gianluca, avec qui il n'a jamais navigué.

Le départ est donné : Genova —Giglio —Genova —Gallinara —Gorgona —Genova.

Malheureusement, Luc va vivre ce qui aurait pu être son dernier souvenir. Il est 19 h, le 21 ou 22 avril et son équipier est à l'intérieur du bateau. "Je ne sais pas s'il dormait", nous confie Luc. Alors qu'il n'est pas attaché — il vient d'affaler le gennaker —, une vague plus grosse que les autres vient taper l'avant du voilier de 6,50 m.

"Le bateau s'est soulevé, j'ai décollé et je me suis retrouvé en l'air, et quand je suis retombé, le bateau s'était décalé et je suis tombé sur la filière, mais avec la moitié du corps du mauvais côté", explique Luc. Luc bascule et se retrouve à l'eau, un peu avant l'île d'Elbe, le gennaker toujours dans ses bras. "C'est rigolo, car je suis tombé au vent, alors qu'habituellement, on tombe sous le vent", argumente Luc. Il hurle.

Dans son malheur, en glissant le long de la coque il réussit à saisir l'écoute de spi sur le franc-bord au vent, qu'il enroule autour de son bras et se retrouve alors traîner par le bateau. Sur le ventre, toujours le gennaker roulé dans les mains, il coule et se retrouve alors en apnée. Il réussit finalement à se retourner sur le dos et s'aperçoit qu'il remonte à la surface. Toujours sa voile en main, il crie de nouveau.

Son bateau s'arrête alors face au vent "Soit avec la télécommande NKE, soit grâce mon équipier" détaille Luc. Il arrive alors à s'accrocher au tableau arrière  — pose enfin sa voile dans le cockpit — et réussit à s'y hisser à la force des bras, passant entre les deux safrans, bottes et cirés pleins d'eau. "L'énergie du désespoir, on ne réfléchit pas. Je pense qu'au final je n'ai même pas passé 60 secondes dans l'eau. Mais de me rendre compte que je pouvais respirer de nouveau, j'ai récupéré le tableau arrière et j'ai grimpé !" nous confie Luc.

"Je me suis retrouvé en moins de 30 secondes dans le cockpit, trempé, et le bras lacéré par le bout" étaye Luc.

Sans vêtements secs — à part quelques polaires —, il se change pour enfiler sa TPS. Gelé, il mettra plus de 20 heures à se réchauffer, "sans doute le choc psychologique."

Il finira la course et arrivera assez tard — "je n'ai pas été franchement performant" — accueilli par une haie d'honneur de ministes les attendant au port. "J'avais prévenu tout le monde à la VHF que j'étais à bord et tout le monde était là pour nous. C'est ça le Mini" nous explique Luc.

Si cette expérience aurait pu lui être fatale, Luc en tire des leçons. "Ça s'est bien terminé. Je me suis rendu compte que j'avais fait plein d'erreurs. Bêtement, on va à l'avant sans s'accrocher, sans demander à son équipier d'être en veille, parce que les conditions sont bonnes, malgré une houle de travers. Mais le bateau était sous-toilé et donc « il faisait un peu bouchon », presque à l'arrêt parce que je venais de rouler le gennaker et que je préparais l'envoi du génois en le libérant des filières et en en profitant pour ramener le gennaker. Et il a fallu d'une vague… En avril, la nuit tombe vite et il était déjà 19h, l'eau est froide, même en Méditerranée et si on ne te retrouve pas tout de suite, tu es mort. J'ai été sauvé par cette écoute de spi", conclut Luc.

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Yann Venance
Yann Venance
Et le gennaker, A t-il était sauvé ?
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