Assurer un IMOCA du Vendée Globe : combien ça coute ?

L'assurance des voiliers de régate, comme ceux du Vendée Globe, représente un métier à part entière. Si certaines équipes travaillent ouvertement avec des compagnies, la plupart font appel à des courtiers. Nous avons rencontré Christophe Pirlot à la tête de Tolrip, une société de Risk Management comme il se définit lui-même.

Christophe Pirlot travaille en famille dans le cabinet de son père René Pirlot ouvert il y a plus de 25 années de cela. C'est avec le concours de grands noms de la course au large qu'il a créé Tolrip. Gaétan Gouerou (ancien secrétaire de l'IMOCA) ou encore la navigatrice Catherine Chabaud ont participé activement à la genèse de son entreprise.

Christophe Pirlot
Christophe Pirlot

Courtier en assurance pour prévenir les risques

Lorsqu'on lui demande de définir le métier de Tolrip, Christophe nous explique "Nous ne sommes pas juste des courtiers en assurance établissant des relations entre des équipes en besoin de protection et des assureurs en besoin de clients. Nous travaillons en amont à comprendre les attentes de chaque équipe, ses limites et ses exigences réelles et en aval avec des professionnels de l'assurance, co-assurance ou réassurance. Au terme de broker, je préfère le terme de risk manager. C'est notre véritable métier que de prévenir le risque."

Assurer un IMOCA, combien ça coute ?

S'il est bien complexe de se projeter dans quelque chose, c'est certainement dans le montant des primes d'un voilier de course : "Évidemment, il n'y a pas de tarif type. Le calcul de la prime est une complexe équation." 

Cette équation dépend de nombreux critères :

  • la valeur du navire
  • l'équipe
  • les compétences et le passé du skipper
  • les statistiques de la classe
  • l'intérêt de l'assureur pour la pratique
  • les éventuels arrangements commerciaux tels que le placement d'image
  • le propriétaire du navire
  • les besoins de financement des assureurs.

Car il ne faut pas oublier que les assureurs sont des commerçants qui s'engagent sur des risques qu'ils doivent pouvoir assumer de couvrir en cas de sinistre. C'est du reste une position très claire de Christophe Pirlot "Nos partenaires assureurs ne sont que des entreprises qui ont l'assise financière pour financer leurs engagements. Et aucun des navires de la course n'est pris en charge par une unique compagnie. Les montages incluent systématiquement plusieurs sociétés parmi les plus grosses du secteur, Britanniques ou Allemandes pour la plupart. En effet, plus aucun assureur français ne veut couvrir la course au large."

La prime à proprement parler, donc, dépend de tous ces facteurs, certes, mais en bas de page a un coût réel. Christophe Pirlot nous explique "les primes sont annuelles, les compagnies refusent d'assurer à la course au coup par coup ce qui les empêcherait de globaliser les risques sur une saison, au cours de laquelle il y a inévitablement des moments plus risqués que d'autres."

Globalement la prime d'assurance pour un voilier de course, participant notamment au Vendée Globe, représente de 5 à 20 % de la valeur vénale du navire. Sachant que les bateaux engagés sur la course valent entre 300 000 € et 5 000 000 €, les montants des primes varient entre 15 000 € et 1 000 000 € selon les cas de figure.

Assurance du navire optionnelle

Le poste de l'assurance est majeur pour les budgets des équipes. Tellement que certaines teams choisissent (ou sont contraints) de ne s'assurer qu'au tiers. Pour le Vendée Globe, l'organisation oblige soient couverts au moins 3 000 000 € de dégâts au titre de la RC. C'est la seule assurance obligatoire pour la course.

Ces tarifs peuvent sembler prohibitifs, certes, mais sont amplement justifiés selon notre broker "La course au large est une niche extrêmement risquée, que ce soit en termes d'impact financier lors des sinistres ou d'image pour l'assureur qui pourra être amené à gérer la récupération d'une épave, la recherche d'un corps, la pollution éventuellement engendrée ou tout ce que l'imagination peut produire comme sinistre en mer. Ensuite, la crise covid a impacté et impacte toujours les capacités financières des assureurs qui hésitent maintenant à garantir les risques accrus tels que la course au large."

Du bonus pour les équipes vertueuses

À l'image de ce qui se fait dans le domaine de l'automobile pour les particuliers, Christophe Pirlot nous explique "Certaines compagnies pratiquent la politique du bonus avec les équipes vertueuses. Ainsi, si telle ou telle équipe n'a pas déclaré de sinistre durant une année, elle reversera une partie de la prime d'assurance de la flotte, une économie qui se comptera en milliers ou dizaines de milliers d'euros parfois." Pas de malus cependant, pour la flotte malchanceuse. De même les équipes qui embraque des appareils de type Oscar pour limiter les colisions avec les OFNI peuvent aussi bénéficier d'une réduction de primes.

Bonnes statistiques d'accidentologie de la classe IMOCA

Accidentologie faible pour la classe IMOCA
Accidentologie faible pour la classe IMOCA

Les évolutions technologiques des bateaux qui sont de plus en plus rapides décuplent le potentiel de sinistres, les collisions avec les OFNI sont une réalité quotidienne dans les grandes courses océaniques. Tout cela se paye, et le peu de compagnies aptes à assurer ce type d'événements réduit la concurrence. Il pondère cependant "Les statistiques de la classe IMOCA sont bonnes, très bonnes même. Il n'y a pas eu de gros sinistres au cours de ces dernières éditions notamment depuis l'arrivée de mâts et quilles monotypes sur tous les bateaux, réduisant la course à l'armement sur ces parties sensibles des navires."

Un avant et un après Route du Rhum 2002

Les choses ne cessent d'évoluer dans l'assurance de la course au large : "Il y a eu un avant et un après Route du Rhum 2002 et sa vague de casse et d'abandons. Certaines compagnies comme Groupama se sont retirées du marché, d'autres se sont mises à faire appel à de la gestion et prévention de risques. Voilà la valeur réelle que nous offrons aux équipes. Si nous refusons d'intervenir au niveau de la classe, c'est pour mieux travailler au trinôme qui définit le métier de risk manager : Identification des risques, prévention des risques, transfert des risques. Nous faisons appel à des experts dans leurs domaines (électronique, électricité, voilerie, structure, matériaux …) pour les deux premiers éléments, experts qui feront des constats avant et après les épreuves et émettront des recommandations aux équipes. C'est sur la force de ces constats et recommandations que nous transférons le risque à des assureurs, qui reçoivent de notre part des dossiers fournis, sains et sécurisés."

Retournement de Groupama sur la Route du Rhum 2002
Retournement de Groupama sur la Route du Rhum 2002

Chose certaine que nous rappelle Christophe Pirlot "En voile océanique comme en automobile, l'assurance coûte cher aussi longtemps que ne survient pas de sinistre. Aller chercher un navire au milieu de l'océan indien représente un coût gigantesque pour l'assureur qui est un commerçant. Il doit couvrir l'impact financier avec les primes de ses assurés. Le marché de l'assurance représente un marché fini en nombre d'unités assurables, qu'il s'agisse du marché domestique ou du marché professionnel. Les augmentations de primes sont donc le mal nécessaire pour que les assureurs continuent de pratiquer leur métier, permettre à ceux qui osent d'oser."

Plus d'articles sur le thème
Réagir à cet article
Ajouter un commentaire...