Interview / Louis Burton : En apprentissage mais avec des ambitions sur son scow Bureau Vallée 3

Louis Burton © Stéphane Maillard

Depuis le rachat de l'ex L'Occitane en Provence à son retour du Vendée Globe, Louis Burton a enchainé les navigations pour prendre en main son IMOCA à l'étrave spatulée. S'il est encore en phase d'apprentissage, il espère bien rivaliser avec le groupe de tête et en apprendre encore plus !

À moins d'un mois du départ, dans quel état d'esprit es-tu ?

On est prêt. On a pu commander un jeu de voiles complet. Une première pour une transat. On a conçu nos voiles avec le recul nécessaire. On a pas mal navigué avec le bateau depuis le retour du Vendée Globe et son acquisition. C'est un bateau avec un super potentiel.

Quelles sont tes ambitions sur cette Jacques Vabre, maintenant que tu as un nouveau Bureau Vallée entre les mains ?

La concurrence est sérieusement éclairée sur des bateaux de dernière génération avec des skippers qui ont participé au Vendée Globe avec. On va essayer de tirer notre épingle du jeu, mais on n'a pas encore tous les repères. On va apprendre encore plus sur le "canot" et jouer dans le groupe.

Pourquoi avoir fait ce choix de racheter l'Occitane et quel bilan tires-tu de tes navigations à son bord ?

Avec le Covid, les nouveaux bateaux ont été mis à l'eau tardivement. Ça a été compliqué. Et malgré tout, le bateau L'Occitane a fait le tour du monde. Il a été mis à l'eau en février. Il n'y a pas eu beaucoup de temps de mise au point.

On a fait quelques confrontations ensemble et on a halluciné des vitesses qu'il pouvait avoir. Il a un potentiel énorme. Sa forme de carène avec une étrave scow, avec l'avant spatulé a très bien marché en Mini 6.50 et en Class40. Donc il n'y a pas de raisons que ce ne soit pas le cas en IMOCA. C'est une conception de bateau simple, mais relativement facile à faire évoluer, développer et gérer. Les foils sont super grands et volumineux et bien implantés. Dans le petit temps, comme ils sortent très haut sur la coque, on a la possibilité de les rétracter.

Sam Manuard a aussi une super réputation et a fait un gros travail d'architecture navale sur les autres classes de bateaux. Le bateau a fait de superbes performances malgré les problèmes d'Armel Tripon. Il a quand même le record de vitesse sur le retour entre le Grand Sud et l'Équateur. Il freine moins dans les vagues et il tient des vitesses moyennes élevées. Et puis, il est beau !

Bureau Vallée 3
Bureau Vallée 3

As-tu réalisé un chantier d'hiver sur le bateau ?

On a fait un chantier assez important. Les renforts installés par l'équipe précédente l'avaient été rapidement pendant l'été avant le Vendée Globe 2020. On a tout refait parfaitement. On a aussi mené un gros chantier en termes de recherche pour essayer de travailler l'ergonomie à bord, et notamment la gestion des chocs à répétitions pour l'organisme.

C'est une des contreparties de l'étrave spatulée. C'est très violent et il faut tenir compte de ce facteur pour ne pas se blesser. On a revu l'ergonomie des postes de veille, de l'endroit où l'on dort. On a fiabilisé l'électronique, modifié les systèmes de ballasts pour les remplir dans toutes les conditions, même au près quand ça ne va pas très vite. Le gréement a été changé intégralement, les voiles aussi. On a modifié pas mal de choses.

Pourquoi avoir choisi Davy Beaudart comme co-skipper ?

On se connait pas mal sur l'eau. On a déjà participé ensemble à la Transat Jacques Vabre en 2019. On se connait aussi dans la vie personnellement depuis une quinzaine d'années. Professionnellement, on a toujours été très proches. Il avait préparé mon bateau pour la Route du Rhum en 2010. On s'entend très bien. Ça a aussi été le premier à sortir un scow en Mini 6.50. Il est très fort techniquement et c'est un très bon régleur. Toutes les cases sont cochées, de la compétence jusqu'au plaisir.

Louis Burton et Davy Beaudart
Louis Burton et Davy Beaudart

Quels sont les contraintes et avantages d'un format de course en double en comparaison du solitaire ou de l'équipage justement ?

Quand tu prends connaissance d'un bateau, ça permet de partager tes ressentis. Ça challenge plus. On apprend plus vite. Tu hésites moins à changer ta configuration de voiles, à faire des réglages parce qu'on va se demander si on est toujours au top de la vitesse. Quand tu vas dormir, tu te reposes pleinement. Ton coéquipier est sur le pont, règle, veille… Tu partages des moments de vie avec lui, les plaisirs comme la difficulté.

Que penses-tu des nouveaux parcours de course ? Qu'est-ce que ça va changer ?

Le parcours est très proche du parcours classique de la Jacques Vabre, au moins jusqu'à Fernando. On va virer une bouée à proximité du parcours classique. En revanche, sur le retour de Fernando, ça va être typé reaching ouvert. C'est peut-être pas mal pour des bateaux puissants avec des foils performants. Cette 2e partie du parcours peut permettre d'allonger la foulée pour ce type de bateaux.

Est-ce qu'on va réussir à passer en route direct sur cette portion ou repasser le pot au noir par son point d'entrée plein est ? L'alizé sera-t-il plein est ou aura-t-il un peu de nord ? Potentiellement, on va tirer des bords à 120° du vent, dans 15 à 20 nœuds de vent. Ça favorise les grands foils.

On bénéficie de la règle d'antériorité. Nos foils sont plus grands que la nouvelle jauge, en contrepartie, on n'a plus le droit à nos 5° d'incidence sur le rake. On est limité à 3°. La nouvelle jauge permet aussi de passer à 7° de quête (NDLR : inclinaison du mât par rapport à la verticale), nous sommes obligés de rester à 4°.       

Bureau Vallée 3
Bureau Vallée 3

Comment te sens-tu face à la concurrence, aussi bien en termes personnels qu'en termes matériels (bateau) ?

On n'a pas la même connaissance de notre machine que 4 ou 5 bateaux potentiellement très rapides. Apivia, LinkedOut, Charal, sont très performants avec des skippers qui les connaissent par cœur. Ils ont participé à leur bord au Vendée Globe et ont beaucoup navigué dessus. Ils ont une connaissance des réglages supérieure à la nôtre. On va être un petit peu un cran en dessous quand il va falloir enchainer et trouver les bons réglages.

En revanche, on se connait très bien avec mon coéquipier. On a beaucoup navigué avec le bateau. Même si on a moins de recul sur sa capacité à résister aux chocs. On va peut-être lever le pied plus tôt que les autres. L'objectif c'est de boucler cette Transat Jacques Vabre et de se bagarrer avec les autres. On a de quoi jouer devant avec un bateau rapide !

Après la Transat Jacques Vabre, quels sont tes projets ?

On va naviguer aux Antilles avec le sponsor et rentrer par la mer avant un gros chantier d'hiver pour optimiser à fond le bateau. On va ensuite participer à toute la saison, avec la Route du Rhum, un moment que l'on attend.

En 2014, j'ai terminé à la 5e place en IMOCA. J'ai commencé avec cette course. Je suis au taquet après un abandon en 2018. En plus, on est de Saint-Malo, c'est une course très importante pour moi !

Plus d'articles sur le thème
Réagir à cet article
Ajouter un commentaire...