Britannia : Dernier yacht royal britannique, mais aussi navire-hôpital

Le Britannia à Londres

Britannia est le dernier navire construit pour la famille royale d'Angleterre. Conçu comme un navire-hôpital, il devait ainsi remplir une double fonction : accueillir les visites d'État et les réceptions officielles, mais aussi des blessés de guerre en cas de besoin. Pendant 44 ans, il a parcouru plus d'un million de milles avant sa mise hors service en 1997.

Succéder au navire royal Victoria and Albert

Avant la conception de Britannia, son prédécesseur Albert and Victoria est le premier yacht royal à ne pas être propulsé à la voile. Construit pour la reine Victoria, elle ne mettra pourtant jamais les pieds à bord, soucieuse de la stabilité du bâtiment. Le roi Édouard VII effectua à son bord quelques navigations principalement en Méditerranée. Ayant servi 4 souverains en 38 ans et n'ayant pas quitté l'Europe depuis 1911, le Victoria and Albert est mis hors service en 1939 et démoli à Faslane (base de la Royale Navy) en 1954.

Le navire Victoria and Albert
Le navire Victoria and Albert

Un yacht royal, mais aussi un navire-hôpital

En 1938, l'Amirauté (organe politique et administratif gérant la Royal Navy) considère la possibilité de construire un nouveau bateau. Il est ainsi décidé de construire un nouveau yacht royal, qui pourrait à la fois parcourir le monde et servir de navire-hôpital en temps de guerre. Ce projet est initié par le roi Georges VI, qui s'intéresse beaucoup à la conception. Ce dernier est malade et l'on pense qu'une croisière de convalescence à bord de ce nouveau navire aiderait la santé fragile du roi. Le projet est lancé et un cahier des charges est envoyé dès 1939 aux principaux constructeurs de navires du pays de l'époque. Mais l'avènement de la guerre fait tomber à l'eau le projet.

Celui-ci est relancé en 1951 sur les bases de conception de 1939, mais dans une taille plus réduite. Ce nouveau navire-hôpital sera intégré au programme de réarmement et utilisé en temps de paix comme navire royal. Il est le premier yacht royal à offrir une capacité océanique, capable de naviguer dans des eaux tropicales comme arctiques, avec une vitesse continue de 21 nœuds et une autonomie de 2 000 milles à 20 nœuds. Pour des économies de coût, le déplacement est fixé à 4 000 tonnes et la taille à 312 pieds (95 m).

Les membres d'équipage du Britannia
Les membres d'équipage du Britannia

Concevoir un navire à double usage n'est pas des plus facile. Certaines caractéristiques ajoutent de la valeur à un navire royal sans être essentielles. Elles le deviennent par contre dans le cas d'un navire-hôpital. C'est ainsi que sont installés des stabilisateurs, des blocs de climatisation et une grande blanchisserie.

En tant que navire royal, le "White Ensign" (pavillon blanc du White Squadron de la Royal Navy représentée par une croix rouge sur un fond blanc avec un Union Jack) devait figurer sur le bateau. Il était alors mené par un équipage professionnel. Dans le cadre de sa 2e fonction, le bateau devait alors arborer le "Red Ensign" (pavillon rouge) et être mené par un équipage de service marchand.

En tant que navire-hôpital, le navire doit pouvoir accueillir 200 patients installés dans la partie arrière. Si la majorité des patients sont des cas médicaux et chirurgicaux nécessitant des conditions hospitalières normales, des dispositions doivent être prises pour les maladies zymotiques (infections aiguës) et tuberculeuses. Les premiers seront installés dans des cabines vitrées construites dans le salon avec des installations sanitaires adéquates et isolées du reste du navire. Les cas de tuberculose nécessitant de "l'air frais" seront hébergés dans une partie du pont véranda. On trouvera également à bord un bloc opératoire, des salles de stérilisation et d'anesthésie adjacentes, mais aussi des services spécialisés comme une salle d'ophtalmologie, une salle de physiothérapie, un laboratoire pathologique et une salle de radiologie avec chambre noire adjacente. Des installations complètes pour les soins dentaires, y compris un laboratoire, seront situées sur le pont principal. Pour la prise en charge et le traitement des malades, l'effectif médical de la marine comprendra 8 médecins et dentistes, 5 infirmières et 47 matelots.

Le Britannia à Sydney
Le Britannia à Sydney

Une apparence moderne, un aménagement somptueux

L'apparence du Britannia est moderne pour l'époque, avec une proue de clipper et une poupe de navire de croisière, une conception préférée aux anciens design traditionnels des yachts royaux. Il possède trois mâts, comme tous les yachts royaux. L'étendard royal est porté sur le mât principal, le drapeau du Lord Amiral à l'avant et le drapeau de l'Union sur le mât d'artimon. La superstructure arrière est légèrement plus grande que ce qui aurait été souhaité d'un point de vue esthétique. Une architecture qui permet d'installer les appartements royaux et d'État, ainsi que les espaces de vie dédiés au personnel royal. L'équipage sera quant à lui logé sur l'avant. On trouve également à bord un escalier principal, un ascenseur, des cabines invités, plusieurs cuisines, de grands salons de réception, de prestigieuses salles à manger…

La cabine de la reine
La cabine de la reine

La salle de repas principale est d'ailleurs le plus grandiose des espaces de vie de Britannia. La reine et le duc d'Édimbourg y ont reçu parmi les personnalités les plus puissantes du monde : Sir Winston Churchill, Nelson Mandela, Ronald Reagan et Margaret Thatcher. La zone de pont arrière permet à la famille royale de se détendre au soleil, pratiquant le palet ou le hockey, des chasses au trésor, des batailles d'eau. Le Prince Philippe y installait parfois son chevalet de peinture et une piscine non fixe permettait à la famille royale de se baigner si elle le souhaitait. Le pont avant accueillait des pièces de théâtre ou des concerts pour le plus grand plaisir de l'équipage et de toutes les personnes du bord. Le salon, spacieux et élégant, servait à la fois de lieu de détente à la famille royale et de salle de réception, pouvant accueillir jusqu'à 250 invités.

Le Sun Lounge, l'endroit préféré de la reine pour se détendre
Le Sun Lounge, l'endroit préféré de la reine pour se détendre

Britannia était également le seul navire de la Royal Navy à disposer d'une blanchisserie permanente à bord. Les 250 membres d'équipage (dont 21 officiers) pouvaient changer jusqu'à 6 fois d'uniforme par jour. Ainsi, les machines à laver, séchoirs et presses à vapeur fonctionnaient sans arrêt. On trouvait également sur le bateau la boutique NAAFI, afin que chacun s'y approvisionne avec ce qu'il cherchait, du dentifrice, au cadeau souvenir.

2 ans de construction et fiabilisation

7 constructeurs sont en lice pour remporter le chantier. C'est finalement le chantier naval John Brown & Co à Clydebank, en Écosse qui reçoit la commande de ce nouveau navire le 4 février 1952. Il est l'un des chantiers navals les plus célèbres au monde, ayant notamment construit les célèbres paquebots Queen Elizabeth et Queen Mary.

Malheureusement, le roi Georges VI, père de la reine Elizabeth n'en verra jamais l'étrave puisqu'il décède deux jours plus tard. Sa fille lui succède alors sur le trône et assure le suivi de la construction du bateau. Parmi les exigences, celui-ci devra être achevé fin 1953 ou au début du printemps 1954 au plus tard. Une deadline compliquée au vu de la pénurie de matériaux en ces temps d'après-guerre. La quille est posée le 16 juin 1952, le navire est mis à l'eau le 16 avril 1953.

Le nom du bateau resta secret jusqu'à ce que la reine brise une bouteille de vin de l'Empire (le champagne était considéré comme trop extravagant dans la Grande-Bretagne d'après-guerre) et annonça "Je nomme ce navire Britannia. Je lui souhaite du succès ainsi qu'à tous ceux qui navigueront à son bord."

La reine et l'équipage du Britannia
La reine et l'équipage du Britannia

Les travaux se poursuivirent encore quelque temps, notamment avec l'installation de la cheminée et des mâts. Les essais en mer débutèrent le 3 novembre 1953 au large de la côte ouest de l'Écosse. Britannia fut mis en service par la Royal Navy le 11 janvier 1954.

Le 22 avril, Britannia effectue sa première navigation outre-Manche en rejoignant Malte. Pendant 44 ans, il a navigué l'équivalent d'un tour du monde chaque année, faisant escale dans plus de 600 ports dans 135 pays, dont les États-Unis, l'Australie, le Canada ou encore la Nouvelle-Zélande. Ses réservoirs de fuel – 330 tonnes - et d'eau douce – 120 tonnes – pouvaient encore être augmentés pour les longues navigations à respectivement 490 et 195 tonnes, mais restaient principalement vides.

Rencontres entre personnalités
Rencontres entre personnalités

Un navire pour représenter l'Angleterre

Pendant 44 ans, Britannia sert à la fois de résidence royale pour accueillir les visites d'État (968) et les réceptions officielles, mais aussi de havre de paix pour des vacances en famille. Il sera également le témoin de 4 lunes de miel royales, l'ambassadeur des entreprises britanniques, promouvant le commerce et l'industrie dans le monde entier ou encore engagé dans l'évacuation des ressortissants britanniques pendant la guerre du Yémen en 1986.

Sa mise hors service en 1997 marque la fin d'une longue tradition de yachts royaux britanniques, démarrée en 1680 sous le règne de Charles II. Il est donc le dernier navire d'une flotte de 83 yachts royaux britanniques. Aujourd'hui Britannia ne navigue plus, mais se visite et héberge un hôtel-restaurant. Il accueille également de nombreux évènements.

La famille royale d'Angleterre
La famille royale d'Angleterre
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