Thomas Lipton et la Coupe de l'America : le meilleur des perdants

Sir Thomas Lipton

Dans le monde du nautisme, il existe nombre de destins hors du commun. Celui de Thomas Lipton est l'un de ceux là. Comment cet homme, parti de rien, en arrive-t-il à devenir le lanceur de cinq défis de la Coupe de l'America, entre 1899 et 1930 ? Portrait de ce petit commerçant, devenu millionnaire, qui aimait tant la voile.

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Qui pouvait croire que le fils d'un obscur petit boutiquier de Glasgow deviendrait un nom qui compte dans l'histoire du nautisme ? On ne peut qu'être impressionné par le parcours de Thomas Lipton, hissé à force de travail d'une arrière boutique sans nom, aux prestigieux cercles de la plus mythique des compétitions nautiques : la célèbre Coupe de l'America !

Un travailleur acharné

Né en 1850 en Ecosse, Thomas Johnstone Lipton vient d'un milieu modeste. Ses parents ont fui la Grande Famine qui sévissait en Irlande quelques années avant sa naissance, et ont ouvert une petite boutique à Glasgow.

Thomas ne reste pas longtemps à l'école et trouve, à dix ans, son premier travail dans une papeterie. Déjà plein d'ambition, il n'y reste pas longtemps et part chez un tailleur, puis embarque comme garçon de cabine sur la ligne de transport maritime entre Glasgow et Belfast. Son amour de la mer est déjà bien ancré en lui. Il dira plus tard qu'il n'était jamais plus heureux que lorsqu'il se trouvait dans l'atmosphère des navires, des marins, des bateaux et du bord de l'eau en général.

Il n'a que quinze ans lorsqu'il décide d'aller tenter sa chance aux États-Unis. Là-bas, il travaille dans divers secteurs, avant d'obtenir un emploi d'assistant dans une grande épicerie de New York. Il y apprend les techniques de vente modernes et l'art de la publicité.

Fort de cette expérience, il rentre à Glasgow en 1869 pour développer la boutique de ses parents. Il a 19 ans et plein d'idées.

Thomas Lipton jeune, son père et sa mère
Thomas Lipton jeune, son père et sa mère

D'une petite boutique à un empire commercial

Appliquant les recettes américaines, il ne se passe que deux ans avant que Thomas Lipton n'ouvre son propre commerce, quelques rues plus loin. L'ouverture de nombreuses autres boutiques suivront dans les années suivantes.

Thomas Lipton a deux grandes lignes de conduites : court-circuiter les intermédiaires en se fournissant directement auprès des producteurs pour faire baisser les prix, et exploiter du mieux possible les effets de la publicité.

C'est exactement ce qu'il fait pour démocratiser le thé au Royaume-Uni, en achetant directement des plantations à Ceylan pour s'approvisionner à moindre frais, et proposer un thé "Lipton", plus abordable. A quarante ans, Thomas Lipton est un homme très riche.

L'amour de la voile

Au-delà du commerce, Thomas Lipton aime les bateaux. Il possède lui-même un yacht à vapeur, Erin, sur lequel il invite beaucoup d'hôtes de prestige. Parmi ses invités figurent le roi d'Angleterre, la reine Alexandra, pratiquement tous les personnages royaux d'Europe et tous ceux qui comptent des deux côtés de l'Atlantique.

Néanmoins, sa passion le tourne vers le monde de la régate. Il s'y illustrera comme le plus persévérant des challengers de la Coupe de l'America. Il financera, en effet, cinq voiliers qu'il nommera Shamrock, du nom autochtone du trèfle irlandais, symbole du pays de ses ancêtres.

Shamrock contre Columbia
Shamrock contre Columbia

Le premier défi a lieu en 1899. Sir Thomas Lipton, devenu chevalier en 1898, devient le challenger pour le Royal Ulster Yacht Club. Il présente un voilier dessiné par l'architecte écossais William Fife, troisième du nom. Il s'agit d'un cotre de plus de 38 mètres de long et plus de 1200 m² de voilure. Cependant, bien que Shamrock batte Britannia, le yacht de la famille royale, en régate autour de l'île de Wight, il perd à New-York les trois régates face au defender américain Columbia.

En 1901, Thomas Lipton présente Shamrock 2 pour un deuxième défi. Ce dernier a été dessiné par George Lennox Watson. D'une longueur de 41 mètres, il n'est guère plus chanceux que le premier Shamrock, et perd les trois manches de la Coupe de l'America contre Columbia.

Deux ans plus tard, Thomas Lipton aligne un nouveau challenger dessiné par William Fife, Shamrock 3, en face du defender Reliance, barré par Charlie Barr. Sans plus de succès, Shamrock 3 est battu.

Thomas Lipton ne s'avoue pas vaincu. Il se lance dans la construction de Shamrock 4 pour un nouveau défi, qui se tient en 1920, après la guerre. Cette fois, c'est Charles Ernest Nicholson qui dessine le voilier. A l'issue d'un match serré trois à deux, il s'incline malgré tout devant le defender Resolute.

Enfin, en 1930, Thomas Lipton fait construire un dernier challenger, Shamrock 5, dessiné par Charles Ernest Nicholson. Ce voilier n'arrive pas toujours pas à s'imposer devant le defender Enterprise.

Avec ces cinq défis perdus, Thomas Lipton reçoit une coupe spéciale pour "le meilleur de tous les perdants". Dans son autobiographie, publiée peu de temps après sa mort, Thomas Lipton précise que trente années passées à courir après la Coupe de l'America, lui ont apporté "la joie, la santé et des amis splendides". Grâce à cela, il est resté "jeune, enthousiaste, plein d'entrain et plein d'espoir" bien qu'il n'ait jamais réussi à "soulever cette vieille tasse" comme il appelait l'aiguière d'argent, trophée de la Coupe.

Shamrock 4
Shamrock 4

La fin d'une vie hors du commun

Thomas Lipton décède dans son sommeil, à son domicile, le 2 octobre 1931. Il a 81 ans. On dit qu'il planifiait un sixième défi pour la Coupe de l'America.

Il est enterré à Glasgow, près de sa famille. Non marié et mort sans enfant, la quasi totalité de sa fortune fut distribuée aux pauvres selon les termes de son testament.

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