Jean-Louis Etienne : "Avec le Polar Pod, j'ai pu mettre en oeuvre toute ma liberté"

Il est un pionnier français dans l'exploration des pôles. Explorateur, médecin et marin, il a découvert la course au large avec Tabarly. A l'occasion du baptême du voilier ravitailleur Persévérance, nous sommes allés à la rencontre du fondateur du projet Polar Pod, l'explorateur Jean-Louis Etienne.

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A l'occasion du baptême de la goélette Persévérance, qui servira à ravitailler la plateforme scientifique, Jean-Louis Etienne est revenu sur la globalité du projet Polar Pod.

En quoi va consister le projet scientifique Polar Pod ?

©polarpod
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Le Polar Pod est une expédition scientifique sur un navire vertical qui va explorer l'océan Austral, dans le Courant Circumpolaire Antarctique. Dénué de propulsion, il sera à la dérive tout autour de l'antarctique, sur un parcours de 12 000 milles. Les navires dans cette zone sont très rares. Certains y font des relevés pendant l'été austral, mais la zone reste difficile d'accès à l'année. De fait, afin de récolter des données In-situ, on a besoin d'avoir un vaisseau capable d'absorber les perturbations de surface. C'est dans cet objectif que Polar Pod a été développé.

Comment un tel navire peut-il encaisser les assauts des tempêtes australes ?

©polarpod
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Le Polar Pod est un navire vertical qui va s'adapter à l'état de la mer. Il mesure 100 m de haut au total, pour un tirant d'eau de 75 m. Avec son lest de 150 tonnes, il va rester à la verticale, et sa structure en treillis, qui offre peu de surface à l'impact des vagues, va rester indifférente à l'état de la mer. Polar Pod n'a pas de propulsion et trouve son énergie dans l'éolien embarqué, qui sera stockée dans deux parcs batterie de 50 kWh. On est sur un navire à zéro émission pendant la campagne.

La trajectoire de Polar Pod pourra être légèrement modifiée, en agissant sur l'orientation des voiles rigides.

75m de tirant d'eau, ça ne passe dans aucun port…?

En effet, à ses débuts, le Polar Pod sera remorqué à l'horizontal. Et une fois dans la zone correspondant au début de l'expédition, les ballasts seront remplis et le navire se tiendra à la verticale. Les instruments de mesure seront installés et la campagne pourra commencer.

L'équipage ne risque-t-il pas d'être malmené pendant les dépressions australes ?

Selon nos calculs, la fréquence de pilonnement de Polar Pod est de 60 s, l'équipage sera soumis à des mouvements équivalents à 0.3 G. Dans les pires conditions, cela équivaut à ce que vous ressentez quand vous êtes debout dans le wagon bar d'un TGV.

Où en est la construction ?

La nacelle de vie est en construction chez Piriou à Concarneau, le treillis et le caisson de fond seront assemblés chez 3C Metal en Afrique du Sud. L'ensemble devrait être assemblé courant 2024 pour une mise en œuvre en 2025.

Pourquoi aller dériver autour de l'Antarctique ?

Le contexte scientifique dans le grand sud est incroyable. Le Polar Pod évoluera en silence, en adéquation avec son environnement et ses mesures.

Le CO2 se dissout mieux dans les eaux froides, et le Grand Sud est un régulateur de climat prépondérant. Nous dresserons un inventaire de la faune par microphone, car on connaît la signature sonore de celle-ci.

Nous allons effectuer une étude sur la biologie, ainsi que des études sur le phytoplancton et le zooplancton.

Quel rôle va jouer le voilier Persévérance ?

Persévérance sera le navire d'avitaillement et de soutien à Polar Pod. La goélette fera des rotations tous les deux mois pour l'avitaillement et la relève d'équipage.

Les transferts de marchandises et d'équipage se feront depuis les ailerons de Polar Pod, via une grue qui visera notre tender embarqué.

Jean-Louis Etienne et Elsa Pénny-Etienne
Jean-Louis Etienne et Elsa Pénny-Etienne

Quand Persévérance ne sera pas en mission de ravitaillement, elle servira à réaliser des croisières australes et des missions scientifiques précises.

Comment est financé le budget global de l'expédition ?

Polar Pod, dont le budget de construction est de 15 millions d'euros, est en majorité financé par l'état, via le fond SGPI.

Catherine Chabaud, marraine du bateau, et Hervé Berville, secrétaire d'Etat chargé de la Mer
Catherine Chabaud, marraine du bateau, et Hervé Berville, secrétaire d'Etat chargé de la Mer

Persévérance a été majoritairement financé par moi-même. J'ai emprunté 7 millions d'euros pour lancer la construction.

Le budget de fonctionnement du projet global est de 18 millions sur 5 années.

Et pourquoi l'avoir baptisé « Persévérance » ?

La persévérance, c'est résister à la tentation de l'abandon. C'est l'envie qui me pousse. J'ai la liberté d'avoir inventer un truc qui n'existe pas. Avec ce projet, j'ai pu mettre en œuvre toute ma liberté.

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