En Image / Quelles différences entre le voilier-cargo Grain de Sail II et un voilier de plaisance ?

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Nous avons visité Grain de Sail II avec Gilles Lamiré, skipper de course au large et responsable vélique du nouveau voilier cargo de 52 mètres de long. Il nous détaille le fonctionnement de ce bateau, son accastillage et ses différences avec nos voiliers de plaisance.

Baptisé le 11 janvier 2024, Grain de Sail II marque une nouvelle étape dans le retour des cargos à voile, avec des caractéristiques impressionnantes : 52 m de longueur hors tout, 10,7 m de largeur au maître bau, 1 500 m2 de voilure et 350 T d'emport. Nous avons voulu en savoir plus sur ce géant et mieux appréhender les différences avec nos bateaux de plaisance. C'est en compagnie de Gilles Lamiré, responsable vélique à bord du bateau que nous montons à bord pour une petite visite guidée.

Un plan de pont simple malgré la démesure

A bord de Grain de Sail II, il y a jusqu'à 1500 m² de toile à gérer. Pourtant, tout a été pensé pour être le plus simple possible.

Pied du grand mât
Pied du grand mât

Deux énormes winches hydrauliques Harken 11.30 - acceptant jusqu'à 9t de charge de travail et dotés d'un rapport de puissance de 86.6:1 ! - sont installés au pied de chacun des deux mâts. Un winch Harken 80.2 de chaque côté sert pour les voiles d'avant et c'est à peu près tout. Les écoutes et drisses restent autour de grosses poupées, ce qui permet de se passer de l'habituel piano. Les deux uniques bloqueurs installés sur la mât servent au lazy jack et à la drisse d'homme.

Winches de pied de mât et leurs drisses à poste
Winches de pied de mât et leurs drisses à poste

Même si les manœuvres pour hisser et réduire les voiles doivent se faire au pied de mât - il faut quand même compter 10-15 minutes pour hisser une grand-voile -, le réglage des écoutes peut être géré directement depuis la timonerie centrale.

Winches de voile d'avant
Winches de voile d'avant

Gilles résume simplement : "Le bateau est conçu comme un voilier. Le dimensions font qu'il est impressionnant, les surfaces de voiles sont impressionnantes, les charges sont impressionnantes, mais cela reste un voilier classique, avec des manœuvres assez classiques. "

Des efforts XXL

Mais passé la relative facilité d'utilisation, on peut commencer à se pencher sur les détails pour se rendre compte de la démesure et des forces en jeu. Les mâts, intégralement en carbone, pèsent 12 et 8 tonnes,avec leur haubanage, et l'épaisseur du monolithique de carbone, visible en bas du mât, remet en perspective l'apparente simplicité. Gilles précise : "Le gréement a été dimensionné à 100% du couple de redressement. Tu peux coucher le bateau sans qu'il ne démâte."

Des mâts en carbone épais !
Des mâts en carbone épais !

La charge dans le gréement est mesuré en permanence, et affiche 35 T dans les haubans du mât de misaine et 20 T dans ceux du grand mât.

Centrale de surveillance des charges du gréement
Centrale de surveillance des charges du gréement

Des voiles et un accastillage classique, mais grand … très grand

L'ensemble du plan de voilure se gère comme on en a l'habitude sur un bateau de croisière. Les grand-voiles s'arrisent et deux passerelles, installées de part et d'autre de chaque bôme, permettent de circuler le long des voiles. Les voiles de près : J1 (Yankee) et J2 (Trinquette) sont à poste sur enrouleur hydraulique.

Emerillon de gennaker
Emerillon de gennaker

La seule particularité de ce bateau, comparé à nos habitudes de plaisancier, sera la gestion du gennaker. Monté sur emmagasineur, il est ensuite avalé sous le pont et stocké roulé sur un tambour, similaire à un enrouleur de filet de pêche.

Tambour de gennaker
Tambour de gennaker

Les 350 tonnes de chargement assurent la stabilité de ce cargo à voile. Lorsque le bateau navigue lège sans sa cargaison, des ballasts prennent le relais, comme c'est le cas sur des cargos classiques. Conformément aux règles sur les navires marchands, l'eau de ces ballasts est filtrée et purifiée, afin de ne pas contaminer la zone dans laquelle l'eau est vidée avec des organismes qui auraient été prélevés dans une zone différente du globe.

Un aménagement pensé pour la vie en mer

La vie à bord est organisée à l'arrière du navire, sur 3 niveaux. Tout en haut, une seconde timonerie - utilisée pour les manœuvres de port - donne accès à un cockpit pour l'équipage : une terrasse que les marins pourront utiliser pour prendre l'air et profiter de l'extérieur.

Carré
Carré

Un étage plus bas, accessible depuis un raide escalier, on rejoint le carré : zone de repos et pour les repas. La cuisine est d'ailleurs de plain-pied avec cette espace situé au niveau du pont principal.

Cuisine
Cuisine

Il faut descendre encore et passer par une porte étanche avec un surbau de presque 60cm,  règlementation "cargo" oblige, pour accéder aux cabines et salles de bain. Tout le reste de l'espace intérieur est destiné aux différents systèmes et moteur, et bien entendu à la cargaison.

Cette cargaison, constituée essentiellement de matière fragile, cacao et café, est traitée avec le plus grand soin. Stockée sur des palettes, elle est maintenue en place par des ballons gonflés. Pas de sangles qui pourraient endommager le précieux grain. Un système de ventilation assure que l'humidité et la salinité de l'air soit également toujours optimales.
Toutes les 6h, un homme d'équipage viendra faire une ronde dans la soute pour confirmer que tout va bien.

Cale
Cale

8 personnes à bord d'un voilier de 52m

C'est Yann Jourdan, le capitaine du bateau, qui nous détaille comment se déroule la vie des 8 personnes d'équipage à bord : 1 commandant, 1 lieutenant, 1 second, 1 responsable vélique, 2 matelots, 1 cuisinier et 1 chef mécanicien.

Il commence par préciser que la journée à bord du navire est plus proche du modèle de la marine marchande que du plaisancier. Les quarts de 4h s'organisent de midi à midi, et commencent par un briefing des prochaines 24h : météo, sécurité, exercices à venir et les travaux spéciaux à effectuer. Le personnel qui commence à midi devra déjeuner juste avant sa prise de quart, quant à celui qui termine, il pourra se restaurer juste après. Idem le soir, deux services sont prévus à 19h30 puis 20h.

Lors de son quart, le chef de quart doit assurer une veille permanente, et donc se trouver proche de la radio et du radar dans la timonerie. Le matelot aura pour mission de régler les voiles, d'effectuer des rondes, des travaux divers et ses tâches "ménagères" qui sont définies en amont et tournent toutes les semaines. Précisons d'ailleurs que les tâches ménagères et d'hygiène incombent à l'ensemble de l'équipage, y compris le commandant.

Les manœuvres sont anticipées pour pouvoir être effectuées entre les quarts, lorsque tout l'équipage est sur le pont, précise le commandant : "En Atlantique nord, il est possible d'anticiper les surventes, ce n'est pas comme en Méditerranée où le vent peut forcir sans prévenir. On anticipe donc la réduction de voilure. Si toutefois on se fait surprendre, on se met en fuite le temps de réveiller et faire monter tout l'équipage".

Grain de Sail II en chiffres

  • Longueur hors-tout : 52 m
  • Largeur hors-tout : 10.70 m

  • Hauteur du grand-mât : 48m
  • Hauteur mât de misaine : 44m

  • Surface des voiles au près : 1170m²
  • Surface de voile au portant : 1500m²
  • Grand-voile : 370m²
  • Misaine : 340m²
  • Yankee : nc
  • Trinquette : nc
  • Tourmentin : 70m²
  • Code 0 : 500m²

  • Déplacement lège : 300t
  • Déplacement en charge : 650t (240 palettes US/294 palettes EU)
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Arnaud Lecat
Arnaud Lecat
Vraiment passionnant ! hâte de voir les photos a new york
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