La tramontane, ce vent soudain et violent en Méditerranée

Loin des idées reçues, la mer Méditerranée n'est pas de tout repos pour les plaisanciers. Les marins y rencontrent des vents régionaux caractériels comme la Tramontane. Froid, puissant, et tumultueux, ce vent impose prudence et respect. Voyons ensemble, ce qu'est la tramontane et comment elle s'installe.

Comment définir la tramontane ?

La tramontane est un vent régional. Il souffle sur l'Occitanie et plus particulièrement sur le Languedoc-Roussillon.

Ce vent de secteur nord à nord-ouest accélère dans un couloir créé par les Pyrénées au sud et le Massif central au nord. Le goulot d'étranglement formé par ces chaînes de montagnes crée un effet venturi qui va décupler la force du vent.

La tramontane à travers l'histoire

Les racines de la tramontane proviennent du latin transmontanus (dictionnaire Gaffiot) signifiant " au-delà des monts", en référence à son origine montagneuse et polaire. Dès la fin du XIIIe siècle, on retrouve l'usage de ce mot dans un récit de Marco Polo.

Plus tard, en Méditerranée occidentale le nom de tramontane fut donné à l'étoile Polaire, car tout comme l'astre elle indique le nord. Par opposition naitra l'expression "perdre la tramontane" signifiant perdre le nord ou être désorienté, égaré, voire avoir perdu la raison. Victor Hugo, dans son recueil de poèmes "Les rayons et les ombres" (1837), dira à propos de la tramontane : « Le vent qui vient à travers la montagne me rendra fou ».

De manière plus contemporaine dans la chanson de Georges Brassens "Je suis un voyou", le chanteur utilise aussi cette expression pour signifier son désarroi : « J'ai perdu la tramontane en trouvant Margot... ».

Enfin, les chants marins célèbrent aussi ce vent Méditerranée avec la fameuse chanson éponyme qu'on entendra certainement résonner tard dans le bar du port (lien en bas de l'article).

Froid, turbulent et puissant

La tramontane est très souvent associée au mistral, à la manière d'une sœur jumelle, avec lequel elle partage de nombreuses similitudes. En voici les principales caractéristiques :

  • Lieu : Sud de la France
  • Secteur : nord avec une composante ouest.
  • Caractère : violent, rafaleux et froid
  • Période : décuplé en hiver et printemps, mais possible en toute saison
  • Fréquence : en moyenne 115 jours par an, comme à Perpignan
  • Durée : plusieurs jour consécutifs, et jusqu'à 17 jours comme en 1993
  • Puissance : rafales violentes pouvant largement dépasser les 75 nds vers le Cap Béar
  • Record : 110 nds enregistrés à Sète, Port-Vendres et Perpignan.
  • Effet : Semble "dégager le ciel" en amenant de l'air plus froid et plus sec sur le littoral

Le défiwind, la compétition de windsurf profite de la tramontane ©Souville/windmag

La tramontane au petit matin à Gruissant, les rafales dépassent le 60nds

La tramontane tout comme le mistral sont un effet de foehn, c'est à dire un phénomène météorologique créé par la rencontre d'un vent dominant et une chaîne de montagne. Lorsqu'une masse d'air est forcée en altitude par son déplacement au-dessus d'un relief montagneux, il se crée une onde orographique ou onde de relief très caractéristique.

Nuages lenticulaires engendrés par des ondes orographiques associées à un épisode de tramontane au-dessus de Port Leucate. ©Gerbil

Un vent capable de changer le climat

Malgré sa violence, la tramontane est essentielle à l'équilibre des écosystèmes marins côtiers. En effet en poussant les eaux des lagunes vers la mer elle leur permet de se renouveler et d'oxygéner le milieu.

Avec la tramontane descendue des montagnes, la température de l'air va brutalement chuter, donnant parfois l'horrible sensation d'être en région polaire.

En outre, la température de l'eau va, elle aussi, rapidement s'effondrer. En effet, les eaux chaudes de surface sont poussées au large par le vent qui fait alors remonter des couches d'eau plus profondes et donc plus froides. En été, la température de la mer descendra facilement à 18 degrés après quelques jours de vent et en hiver l'eau à 12 degrés ne manquera pas de glacer les doigts.

Une mer moutonnante sous l'effet de la Tramontane dans Pyrénées-Orientales. ©J.P. Bazard

Sur les régions côtières du sud de la France, si le vent de terre laisse la mer blanchie, on n'observera pas pour autant de vagues significatives. Mais la puissante tramontane pourra facilement générer des vagues de 5 m au large.

La courte "période" de ces vagues les fera déferler, rendant la navigation particulièrement éprouvante pour les bateaux et leurs équipages. Les hautes digues qui protègent les ports du nord des Baléares attestent de la violence de l'assaut des vagues de tramontane.

Comment prévoir la tramontane ?

Le contexte météorologique favorable à l'établissement de la tramontane est une zone anticyclonique sur le proche atlantique se prolongeant vers l'Espagne et le Sud-ouest de la France.

Cette zone de hautes pressions va générer un flux de secteur nord à nord-ouest qui déverse son air froid.

Une dépression sur le Golfe de Gênes ou sur la mer Tyrrhénienne va resserrer les isobares.

Les chaînes de montagnes du Massif central et des Pyrénées vont finir de renforcer ce vent en raison de l'effet venturi.

La force de la tramontane dépend en général de la différence de pression : si la différence de pression entre Toulouse et Cap Béar dépasse 4 hPa, il est fort probable que le Languedoc subisse de fortes rafales.

Un autre contexte est aussi favorable à la création de la tramontane. En effet lorsqu'une dépression traverse la Méditerranée occidentale en s'évacuant vers l'est il y a de fortes probabilités d'apparition de la tramontane sur les Baléares et le Golfe du Lion (fréquent en automne et au printemps).

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Charly Fernbach
Charly Fernbach
Bonjour et merci de votre commentaire intéressant. Pour bien distinguer les deux phénomènes Wikipedia nous éclaire :"Le vent catabatique se distingue des vents de type fœhn qui descendent également la pente. Ces derniers sont le résultat d'un forçage par le vent de l'air par-dessus le relief et sa température au sommet de l'obstacle n'est pas dû à un refroidissement local." Les publications de Météo France sont elles aussi assez claires à ce sujet en précisant à propos du Mistral et de la Tramontane que "les effets de foehn sous les reliefs sont caractéristiques"
Erica Humbert-droz
Erica Humbert-droz
Vous avez dit « tempête » ? Au large de Bastia Je n'oublierai jamais ma première, j'espère la dernière tempête, vécue au large de Bastia. C'était il y a 10 ans, en septembre 2001, avec une équipe « d'avaleurs de Milles », candidats au permis mer. Partant du mouillage de Tamarone près du Cap Corse, nous faisons route au sud, par la côte Est. La météo annonce un vent d'Est dominant force 3, pas de BMS en cours. Tout à coup, à 2-3 milles devant nous, une barre blanche ! Le vent d'Ouest - venant de la montagne - se lève. Nous prenons 3 ris, la voile d'artimon est affalée. L'anémomètre monte en quelques minutes de 10 à 30 nœuds. La barre blanche se rapproche avec un bruit de grondement infernal. La mer se creuse, des vagues de 2-3 mètres très courtes - nous sommes près de la côte, à environ 2 milles au large de Bastia. Le vent forcit encore. Le moteur mis, je demande à Bernard, le second, de mettre en place le tourmentin, ce qu'il fait en quelques minutes en excellent équipier et navigateur ! L'anémomètre en bout de course A présent, le vent est établi à 50, puis 65 nœuds. Sous les rafales, l'aiguille de l'anémomètre est bloquée tout en bas du cadran – elle ne peut aller plus loin, soit environ 80 nœuds ! Vent de travers, nous avons de la peine à tenir notre cap. Que faire ? Il faut prendre une décision. Se mettre en fuite et arriver sur Elbe qui se trouve à 35 milles, de nuit, avec une mer forte au large ? Ou, "tirer des bords" sur 2 milles pour se mettre à l'abri à Bastia ? Je décide de mettre le cap sur Bastia. Au tourmentin seul et, afin de pouvoir passer à travers les plus grosses rafales et vagues, le moteur est poussé à 3000 tours. Le bateau est stabilisé, nous arrivons à faire route en "tirant des bords". Je suis à la barre, Bernard aux écoutes du tourmentin. Devant nous, la mer est blanche. Nous surveillons les vagues et embruns qui nous arrivent dessus avec une force terrible. Les lames blanches déferlent et passent en nous fouettant méchamment. Des bottes plus qu’utiles ! Le restant de l'équipage est enfermé dans le carré. De temps en temps, l'un d'eux ouvre le roof, panneau de la descente : "Vous devriez entendre les bruits, grincements et craquements, est-ce que… ça tiendra le coup?" Je parle au bateau : "Allez, tiens bon! " Je prie "LE Dieu » de service… Aller au WC ? Exclu ! Il ne faut pas y penser. Donc, il y a les bottes ! Chaque virement de bord est calculé et demande une grande concentration pour passer entre deux déferlantes, suivi d'un "ouf" de soulagement et satisfaction complice avec mon second. On avance lentement, mais on avance ! Deux milles et deux heures plus tard… nous arrivons à l'entrée du port. Il s’agit maintenant d’effectuer des manœuvres d'amarrage avec plus de 40 nœuds de vent à l'intérieur du port, et - pourvu qu'il y ait une place, si possible face au vent…! Merci, la Capitainerie ! Non pas sans peine, nous tournons en rond dans le petit avant-port et préparons amarres et pare battages. Puis, surprise : pas une, mais deux annexes viennent à notre rencontre ! C'est la capitainerie qui (me dira-t-elle plus tard), nous a aperçus déjà lorsque nous étions au large et qui vient nous proposer leur aide. Plus tard, toute l'équipe est assise autour d'un "Casa" au bistrot du port. On raconte, les images défilent dans notre esprit… on exprime ce qu'on a ressenti. Des gens qui nous ont suivis depuis la jetée près du phare, posent des questions, nous dévisagent…Nous sourions – même moi, malgré mon visage écarlate et enflé par les embruns ! Il se trouve que plus tard, lorsque je raconte cela, personne ne me croit. On me dit que je me trompe car il n’est pas possible qu’un vent fort d’Ouest crée une mer forte près de Bastia. Seule la capitainerie en est témoin ! 2010, soit 10 ans après. J’ai parcouru des milliers de Milles entre l’Italie, la Turquie, la Tunisie, la Croatie, la Grèce, en Sardaigne - et en Corse. J’ai navigué en moyenne six mois par an, les hivers étaient passés soit en Corse, soit en Turquie. Eh oui, la Méditerranée ! Parfois des candidats au permis mer disaient: « J’ai fait une croisière en Manche ; il y avait 50 nœuds de vent - et des creux de 10 m ! Je viens en Méditerranée pour faire des Milles dans une mer calme « pour touristes » … Le vent se lève, 20, 30 nœuds ; la mer se forme, 2-3 mètres de creux. Et, qui vois-je, m’annonçant avec un visage vert ? Le candidat: Ah non, je débarque, ce n’est pas pour moi ! Ou d’autres encore : « Que j’aimerais donc avoir une tempête – juste pour voir ! » Je ne réponds plus. Car, il n’y a pas vraiment des mots pour décrire et transmettre ce qu’on a vécu ! Erica Humbert-Droz
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