Ciaran, la tempête quand on vit à bord : Suivi météo, préparation du bateau, rester ou non ?

À la liste des premières fois lorsqu'on acquiert un bateau, il y a aussi les premières tempêtes, plus ou moins fortes. Plus elles augmentent en intensité, plus on relativise les précédentes. La tempête Ciaran pourra, sans nul doute, me faire relativiser pas mal d'autres conditions. Chronique des préparatifs et d'un soulagement.

Passer par une tempête comme Ciaran nous amène à réaliser un suivi particulier de la météo, à une préparation méticuleuse du bateau et à prendre des décisions pas toujours simples. Cela met également en avant la solidarité et l'attention existante dans notre entourage.

Le suivi météo : Plus la date se rapproche, plus ça monte

La tempête devient de plus en plus claire sur les bulletins météo, à partir du dimanche 29 octobre 2023. Ou, en tout cas, le jour s'approchant, la fiabilité des données augmente, nous permettant petit à petit de nous faire une meilleure idée de ce qui nous attend. Cette nouvelle tempête va avoir lieu après la tempête Céline ayant déjà fait certains dégâts, car tombant en même temps que les fortes marées.

Le 31 octobre dans l'après-midi, MétéoConsult annonce un vent constant de 45 nœuds avec des rafales à 78 nœuds. J'ai la boule au ventre. Je l'avais déjà hier, lorsque je voyais l'annonce de rafales à plus de 60 nœuds, alors là… la peur commence à bien s'installer.

Je regarde comment le port de Concarneau s'est comporté lors d'autres tempêtes. Évidemment, l'image de la tempête de 1987 est dans tous les esprits. Enfin, je ne sais pas si elle est réellement dans tous les esprits, mais en tout cas, elle est bien présente dans le mien. Je vois qu'elle a été catégorisée comme ouragan. Je me rassure donc, d'une certaine manière, en observant que MétéoConsult ne parle « que de » violente tempête.

Préparation du bateau : les amarres, les voiles, l'annexe…

Dans ces conditions-là, il est important de bien préparer le bateau. Je ne suis pas la seule, un certain branle-bas de combat, opère sur les pontons.

Il règne une ambiance particulière sur les pontons. Il y a de la tension et de l'attention. Chacun a peur pour son bateau, tout en écoutant les tensions et peurs que peuvent avoir ses voisin et voisines de ponton.

Les personnes viennent vérifier leurs amarres, abaisser et retirer leur taud de descente, et vérifier que tout ce qui pourrait être enlevé, l'est.

En ce qui me concerne, mes aussières étaient déjà bien vieillies et avaient pris un coup lors de la tempête Céline : était donc venue l'occasion de les changer. Je n'étais pas la seule. Arrivée au magasin, plusieurs personnes réalisent achats de pare-battage et d'aussières. Nous nous retrouvons plus tard sur les pontons en train de sécuriser nos bateaux. Des tubes sont mis en place pour protéger les amarres du ragage. Ayant des chaumards étroits, deux amarres protégées par un tuyau n'y rentrent pas. Cela me dérange, car je me rends compte assez rapidement qu' une des nouvelles amarres s'abime déjà. En en parlant à un ami, il me dit qu'il a des chutes de cuir qui pourraient faire une bonne protection. Quelle bonne idée ! 1h30 plus tard, il est là avec le matériel et nous nous mettons à coudre ces protections.

Je range mon annexe, sécurise mon génois afin qu'il ne se déroule pas avec le vent, abaisse ma bôme, accroche mon casier au pont et vérifie que rien ne peut s'envoler ou endommager le bateau. Mon bateau voisin étant parti, j'ai pu m'amarrer sous le vent du ponton. C'est une bonne chose.

Le bateau est prêt.

Et moi, suis-je prête ? Rester à bord ou pas...

Comme vous l'aurez déjà compris, La Ceci est pour moi bien plus qu'un bateau. C'est mon rêve, c'est ma maison et c'est, d'une certaine manière, une prolongation de ma personne.

Je me pose la question de savoir s'il est raisonnable de rester à bord, mais aussi si je suis capable de ne pas rester à bord. Plusieurs personnes me disent que je devrais aller passer la nuit à terre. Je ne sais pas. Cependant, les jours passants, la situation météorologique empire et je me dis que même en restant à bord, s'il y a un problème, je ne pourrai pas faire grand-chose, mis à part me blesser.

Pas mal de personnes de Concarneau proposent de m'héberger. Je suis profondément émue par cette preuve d'amitié et de solidarité.

Le 31, l'équipe du port passe nous voir pour nous demander ce que l'on compte faire et pour nous informer que le port sera fermé de mercredi midi à jeudi midi. La décision est prise pour ma part, je passerai la nuit de la tempête à l'abri, chez des amis. Merci à eux pour cet accueil !

Le décalage qui existe entre l'ambiance sur le port et la fête foraine juste à côté, où l'ambiance festive est encore présente, est assez étrange. Ce sont des ambiances tellement différentes.

Le 31, je vois que le vent annoncé monte à 80 nœuds en rafale. Je décide d'arrêter de regarder la météo. Ça ne change rien, hormis me générer encore plus d'angoisse.

Je décide de passer ma – dernière ? - soirée sur La Ceci. Je la célèbre, je nous célèbre.

Je réfléchis à mon sac. Je dois prendre les papiers, évidemment, et puis… je prends des vêtements : pour combien de jours ? Je prends certains objets auxquels je tiens le plus. Je prends certains livres.

C'est une sensation très étrange.

Le mercredi 1er novembre, le bulletin météo annonce un avis d'ouragan.

Un arrêté tombe, la question ne se pose même plus, nous devons partir.

En quittant le bateau, je ferme toutes les vannes, je débranche du ponton, ferme la vanne du gaz, coupe les batteries et vérifie que tout soit bien calé.

Je la sers fort dans mes bras et je pars.

Les retrouvailles avec La Ceci

Je me réveille le matin du 2 novembre. Il fait encore nuit. J'ouvre les journaux locaux pour avoir les premières nouvelles concernant les dégâts engendrés par la tempête.

On y parle d'arbres tombés, de routes coupées, de zones sans électricité et de risques de submersion pour toute la journée sur la côte. Pas de nouvelles du port. Pas de nouvelles, bonne nouvelles ? Je me dis que, comme il fait encore nuit, les dégâts n'ont peut-être pas encore pu être constatés. J'attends un peu. Un peu plus tard, les caméras du port me confirment que tout est encore à sa place. Les pontons ont tenu.

J'attends que la marée descende un peu avant de me rendre au port. Quand je m'en approche, mes jambes tremblent. Je suis prise d'une émotion profonde. Tous les bateaux sont là. Ça a l'air d'aller. Le voir via une caméra ou par ses propres yeux, c'est tout autre chose.

Un arc-en-ciel me reçoit. J'arrive sur le ponton. De loin, je vois mes panneaux solaires en place ; qu'ils s'envolent étaient une de mes craintes. La Ceci va bien. Elle est en place. Elle n'a rien touché. Rien ne l'a percutée. Je l'ouvre. Rien n'a bougé. On ne dirait pas du tout qu'elle vient d'être secouée pas une tempête.

Je sais que j'ai de la chance, et que ça n'a pas été le cas pour tout le monde. Je suis rassurée. Je suis soulagée. Encore une première fois de passée. Cette tempête est passée. Cette tempête fut encore tout un apprentissage pour moi. J'ai reçu énormément de messages de soutien durant cet épisode météorologique de personnes que je connaissais plus, ou moins. Cela m'a profondément touché. Merci ! Merci également aux personnes travaillant au port de Concarneau pour leur attention face à mes craintes. Tout mon soutien aux personnes ne s'en étant pas sorties aussi bien que La Ceci et moi.

Plus d'articles sur le thème
Réagir à cet article
Stephane meteo-formation
Stephane meteo-formation
Merci pour cet article sur la tempête Ciaran. Mais le plus impressionnant c'est le creusement en plein Atlantique de cette dépression. Une vidéo que j'ai faite sur le sujet qui pourrait vous intéresser :
@meteoformation
Ajouter un commentaire...