Interview / Albert Jacobsoone, le français aux 7 participations à la Coupe de l'America

Alors que la bataille fait rage en Nouvelle-Zélande pour conquérir la Coupe de l'America (nous sommes en mars 2021), nous nous sommes entretenus avec Albert Jacobsoone, un des Français les plus expérimentés de la Coupe. Retour sur son parcours et son avis sur l'actuel monocoque à foils.

Quel est ton parcours sur la Coupe de l'America ?

Lors de mon service militaire en 1981, j'ai été détaché pour naviguer sur le bateau du Baron Bich à Newport. Puis j'ai intégré l'équipe de French Kiss sur l'édition qui a suivi, à Fremantle en 1987. Philippe Briand a signé un très beau bateau, efficace dans le vent fort, qui nous a enmené jusqu'en demi-finale.

French Kiss, en 1987
French Kiss, en 1987

J'ai ensuite intégré les syndicats menés par Marc Pajot en 1992, à bord de Ville de Paris, où nous avons encore atteint les demi-finales. Puis en 1995 sur France 2, mais où les résultats ont été en deçà des précédentes éditions.

Ville de Paris
Ville de Paris

Puis j'étais aux côtés de Bertrand Pacé sur le syndicat 6e Sens en 2000. En 2003, je suis débauché par les Italiens de Luna Rossa, skippé par Fransesco de Angelis .

6e Sens en 2000
6e Sens en 2000

Puis ma dernière campagne était avec Stéphane Kandler en 2007, sur Areva Challenge. Puis la crise qu'a connu la Coupe en 2008 a bloqué de nombreux projets. J'ai alors eu l'opportunité de travailler pour un fabricant de cordages, Lyros, tout me permettant de continuer à naviguer sur des supports moins chronophages, comme la Swan Cup ou le circuit des TP 52.

Tu as occupé quel poste ?

J'ai principalement occupé le poste de piano puis boat captain. À ce titre, j'ai pu observer l'importance d'avoir une double casquette, de technicien et de navigant. Une des clés de réussite d'un équipage est la bonne charnière entre l'équipe technique et les équipiers qui sont sur l'eau.

Quelle est la campagne qui t'a laissé les meilleurs souvenirs ?

Le syndicat French Kiss en 1987. On a eu droit à une grande et belle bagarre, et nous nous sommes retrouvés en demi-finale, face à des budgets beaucoup plus importants que le nôtre. Une sorte de Hold-up ! Mais nous avons réussi à obtenir un des plus beaux résultats d'une team française dans la Coupe.

L'équipage de French Kiss 30 ans plus tard
L'équipage de French Kiss 30 ans plus tard

On était à Fremantle, aux portes de l'Ocean Indien. Les conditions étaient dures. On s'est éclatés sur l'eau, mais on a souffert à terre. Notre base vie manquait de confort et d'ergonomie. On était à 100 % dans la coupe, la vie familiale passait au second plan.

Quelle est ton opinion sur l'édition 2021 de la coupe de l'America ?

Comme beaucoup, j'étais sceptique lors de la présentation du projet par les Neo Zed. Mais ils ont réussi leur pari. Ils sont parvenus à faire voler ces monocoques et à les mettre au point . Visuellement, c'est très attirant, mais pour la régate, c'est une autre histoire. Dans une immense majorité des cas, la victoire se joue sur la phase de départ. Les régates sont très courtes pour mieux capter le public, mais cela laisse peu de chance de rattraper un mauvais départ.

On voit très peu l'équipage en train de manoeuvrer, et l'absence de changement de voile casse un peu le spectacle. Les équipiers eux-mêmes ne se voient pas tous entre eux. Hormis pour les avertis, impossible de reconnaître l'allure d'un bateau, tant la différence de réglage entre le portant et le près est infime. Le petit temps est également beaucoup plus pénalisant que sur les précédentes éditions. Les bateaux sont littéralement scotchés dans la pétole.

Depuis plusieurs éditions, seule la cellule arrière a besoin d'être composée de régatiers. Les autres sont juste là pour apporter de l'énergie aux réglages de voiles (les manœuvres des foils sont gérées par des batteries rechargeables à terre). Le défi technologique est réussi, mais la régate a perdu de son brillant. Il est évident que le nombre de participants a également joué en leur défaveur du spectacle : trois challengers, c'est short. Mais au vu du contexte économique actuel, on ne pouvait guère espérer mieux.

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