Interview / Sam Goodchild : "Les Ocean Fifty sont plus à l'aise à l'envers qu'à l'endroit"

© Yann Riou

Sam Goodchild est l'un des performers du circuit Ocean Fifty. Après une saison basée sur la navigation en équipage, il sera au départ de la Route du Rhum, sa première transat en solitaire sur le circuit des multicoques.

Écoutez cet article

A la veille de la Route du Rhum, Sam Goodchild, l'un des grands animateurs du circuit Ocean Fifty en 2022, répond à nos questions.

Second du Pro Sailing Tour, vainqueur de la Dhream Cup, tu es l'un des performers du circuit Ocean Fifty. Quelles sont tes ambitions sur la Route du Rhum ?

L'envie c'est de gagner, c'est sûr, mais l'Atlantique n'est pas facile, encore plus en Ocean Fifty avec des bateaux radicaux. J'ai les capacités de faire un beau résultat, mais dans notre classe, tout le monde a un palmarès. On n'est que deux sur huit à n'avoir jamais traversé l'Atlantique en Ocean Fifty. Il faut rester humble, étudier les limites et les possibilités.

C'est ta première transat en solitaire en Ocean Fifty ? Comment l'appréhendes-tu ?

J'ai fait la Route du Rhum il y a 4 ans sur le Class40 Narcos : Mexico. Mais j'ai démâté, donc ça n'a duré que 3 jours. Je n'ai pas peur de traverser l'Atlantique, ni de passer 2 semaines tout seul, mais d'être rapide, sur un bateau qui est plus à l'aise à l'envers qu'à l'endroit. Où mettre le curseur ?

En monocoque, on peut aller à fond tout le temps. Au pire, on abime la coque, on déchire les voiles… En Ocean Fifty, ce n'est pas le cas et c'est la même problématique pour tout le monde. Sur le Pro Sailing Tour on peut se le permettre, sur la Transat Jacques Vabre aussi, surtout qu'il n'y avait pas beaucoup de vent en 2021. Sur la Route du Rhum, on se pose la question de ralentir dans des conditions fortes. Ce n'est pas le même effort tout le temps.

L'Ocean Fifty Leyton © JChampolion
L'Ocean Fifty Leyton © JChampolion

Depuis la fin du Pro Sailing Tour, comment as-tu préparé ton bateau au solitaire ?

La Dhream Cup a aidé un peu, mais c'était à peine une semaine après le Pro Sailing Tour. On n'a pas fait grand-chose. Au mois d'août, on a fait un chantier de vérification technique et passé le bateau en mode solitaire. Le cockpit est plus fermé, le siège de veille installé dans le cockpit pour se reposer sur le pont. C'était en développement depuis un moment. On a aussi vérifié la fiabilité et la performance du pilote automatique, effectué des vérifications système, ajouté des pièces de rechange… C'était surtout basé sur la fiabilité parce que ça fait 1 an ½ qu'on est concentré sur la performance.

On a envie de finir cette Route du Rhum, mais surtout de la gagner. On a mis à l'eau très tôt, navigué au Portugal, participé aux 1000 Milles des Sables. J'ai fait beaucoup de solitaire. Ça m'a vraiment soulagé pour la saison. On s'est aussi concentré sur l'équipage.

De quelle manière t'entraines-tu pour cette Route du Rhum ?

On navigue beaucoup, mais on ne fait jamais assez. Aller naviguer en vrai solitaire, c'est une prise de risque non négligeable. J'ai fait les 1000 Milles des Sables et la Dhream Cup en solitaire, sinon du faux solo avec des marins expérimentés pour du coaching ou avec quelqu'un pour assurer la veille.

Sam Goodchild sur son Ocean Fifty Leyton © Eloi Estichelbaut
Sam Goodchild sur son Ocean Fifty Leyton © Eloi Estichelbaut

Quel bilan peux-tu tirer de cette saison alternant Pro Sailing Tour et Dhream Cup ?

C'était une saison très chargée, comme on aime chez Leyton. C'était positif, même si on n'a pas gagné le Pro Sailing Tour, mais on a performé. On savait que les autres équipes allaient revenir fort cette saison, pour monter le niveau. Arkema a gagné, Koesio a bien performé. J'ai pris mes premières marques en solitaire en multicoque. J'avais envie de faire ça bien, mais j'appréhendais.

Après plusieurs courses en équipage comme en solitaire, où en es-tu de la prise en main de ton bateau ?

Je le connais de mieux en mieux. C'est rassurant car le côté sécurité passe par la connaissance de son bateau. La Dhream Cup était difficile, avec des conditions changeantes, difficiles à gérer en Ocean Fifty. Il y avait pas mal de vent changeant.

Gérer le bateau en solitaire dans du vent fort se fait de mieux en mieux. Je connais les limites et je sais de quoi il est capable.

Les Ocean Fifty sont principalement conçus pour l'équipage. Comment appréhendes-tu le passage au solitaire ?

J'appréhende un peu. Sur tous les bateaux qui prennent le départ de la Route du Rhum, les Ocean Fifty sont les plus dangereux. Même les copains de la classe Ultim ont été étonnés de l'engagement. Le principal est de bien placer le curseur. Régate ou croisière ? Surtout si les conditions sont dures. Avant le départ, c'est toujours le plus compliqué. Une fois en mer, on se concentre sur l'objectif. On n'a plus le temps de s'inquiéter.

L'Ocean Fifty Leyton © Eloi Estichelbaut
L'Ocean Fifty Leyton © Eloi Estichelbaut

Où se situent les différences entre une Dhream Cup de 3 jours et une Route du Rhum de 10 jours ?

Sur 3 jours, on s'est tous mis dans le rouge. Sur une transat, c'est beaucoup plus compliqué. D'où l'histoire du curseur. Il faut se reposer et être en bon état pour faire les changements de voile quand il faut, prendre les bonnes décisions. Il faut pouvoir se dire quand ce n'est pas le moment d'être à fond, et attendre le lendemain pour attaquer. Ça n'a rien à voir par rapport à ce qu'on a déjà fait. Même sur la Jacques Vabre.

Sur les dernières courses, on se rend compte que le match est serré et les écarts assez faibles. Penses-tu qu'il en soit de même sur la Route du Rhum ?

Ça dépend de plein de choses, mais le delta de performance est beaucoup plus lissé en solitaire. Ça rend le niveau homogène. Si on a 10 à 15 nœuds de vent, il n'y a pas d'enjeu de chavirage. Ce n'est pas le même jeu s'il y a tempête au départ. Ça dépend des conditions météo.

Sur le plateau, les 8 skippers sont capables de gagner. Ceux qui ne sont pas à l'aise en équipage, sur le Pro Sailing Tour, et qui n'ont pas forcément performé vont pouvoir le faire sur une transat. Par exemple, Thibaut connait ses limites, n'a jamais peur et connait son bateau par cœur.

Plus d'articles sur le thème
Réagir à cet article
Ajouter un commentaire...