Portrait / Marcel Bardiaux, la grande gueule de la mer

Marcel Bardiaux et son voilier INOX

Son nom figure dans le petit cercle des grands circumnavigateurs au côté de Bernard Moitessier, Gérard Janichon, Jérôme Poncet, Jacques-Yves le Toumelin et d'autres encore. Pourtant, le connaissez-vous vraiment ? Portrait d'un sacré marin.

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Il voulait être le premier navigateur solitaire centenaire. Avec la réalisation d'une dernière transatlantique à 88 ans, seul à bord de son voilier, il s'est approché bien près de cet exploit. Mort à Redon en 2000 à l'âge de 89 ans, Marcel Bardiaux a laissé derrière lui un long sillage sur toutes les mers du globe, l'équivalent de 18 tours du monde.

Ses débuts sportifs en kayak

Marcel Bardiaux, né en 1910 à Clermont-Ferrand, commence sa carrière en eau douce, sur son kayak. Pendant des années, il est considéré comme le meilleur kayakiste descendeur du monde sportif. Il effectue également à 20 ans, un tour d'Europe en solitaire à bord de son canoë Belle-Etoile, totalisant 8 000 km à la pagaie.

Marcel Bardiaux et son canoë Belle-Etoile
Marcel Bardiaux et son canoë Belle-Etoile

Côté professionnel, il produit et commercialise des kayaks et invente un modèle d'annexe pliable, le Bardiaux. A la fin de la deuxième guerre mondiale, il entame la construction d'un voilier, un cotre de 5 tonneaux et de 9,30m.

L'embarcation pliable le Bardiaux
L'embarcation pliable le Bardiaux

Premières navigations autour du monde

En 1950, alors qu'il a 40 ans, Marcel Bardiaux commence un tour du monde qui durera 8 ans, sur le voilier qu'il a construit de ses mains, Les Quatre-Vents. Il raconte ce voyage dans un ouvrage en deux volumes : Aux 4 vents de l'aventure. Le premier tome relate ses navigations jusqu'à Tahiti, en passant par le cap Horn. Le second tome raconte la traversée des océans Pacifique, Indien et Atlantique.

Les premiers ouvrages de Marcel Bardiaux
Les premiers ouvrages de Marcel Bardiaux

Le Journal de la Société des Océanistes précisait, en 1961, que la particularité du voyage a été le nombre considérable d'escales, ce qui représente une énorme dépense d'énergie et d'habileté ; le danger pour le marin est en effet beaucoup plus la côte que la mer.

En ces temps là, où l'électronique de bord et les aides à la navigation n'existaient pas, il fallait en effet être un rude marin ! Le Cruising Club Of America décerne à cet égard à Marcel Bardiaux la Blue Water Medal en 1958, pour l'exploit maritime de l'année. Eric Tabarly la recevra également en 1963 et Bernard Moitessier en 1966.

Le premier tour du monde de Marcel Bardiaux
Le premier tour du monde de Marcel Bardiaux

Un voilier en inox, premier dans son genre

Marcel Bardiaux, fort de ce premier tour du monde, se lance dans la construction d'un nouveau bateau. Il conçoit celui-ci entièrement, à la recherche d'une solidité à toute épreuve et de l'insubmersibilité pour affronter n'importe quelles conditions de navigation. Le ketch qui se dessine sous ses mains est en inox, une grande première pour un bateau.

A bord de ce voilier d'une quinzaine de mètres, Marcel Bardiaux effectue un tour du monde en solitaire en 229 jours, ce qui représente un véritable exploit pour un voilier de voyage de 22 tonnes.

Il s'exilera ensuite avec INOX au Canada, notamment pour ne pas subir l'évolution de la réglementation française et des taxes sur les navires de plaisance.

INOX, le voilier de Marcel Bardiaux
INOX, le voilier de Marcel Bardiaux

Une personnalité haute en couleur

Marcel Bardiaux poursuit ses voyages et sa carrière d'écrivain de la mer en publiant plusieurs ouvrages sur ses navigations : Les Aventures de Marcel Bardiaux en 1960, Les astuces de Marcel Bardiaux en 1965, Aux 4 vents de mes amours en 1975 et Entre deux tours du monde en 1995.

Son style n'est cependant pas au goût de tous et le Journal de la Société des Océanistes indiquait : Quant au navigateur, sa particularité est son tempérament de lutteur, sympathique quoique un peu fatigant, à la longue, pour le lecteur.

Marcel Bardiaux a, en effet, une grande gueule. Il s'est fait tout seul et n'a pas le succès modeste loin s'en faut, ce qui ne plaît pas toujours. Il n'hésite pas non plus à s'en prendre à d'autres navigateurs. « Moitessier, je lui ai appris à naviguer, dit-il. Je l'ai rencontré à l'île Maurice après un de ses naufrages. Il a coulé trois bateaux sans faire le quart de ce que j'ai fait. »

Le vieil homme et la mer

Cependant, lorsque le vieil homme accomplit avec son voilier INOX sa dernière transatlantique Canada-France en solitaire, à 88 ans, on ne peut qu'être admiratif de sa ténacité. Sir Francis Chichester dit de lui qu'il était « le plus résistant de tous les durs-à-cuire de France ». Un rude marin, en vérité, qui a mérité sa place au panthéon des grands navigateurs. On oublie pourtant trop souvent de le citer.

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Gérard Faure
Gérard Faure
Tenace et pointilleux, pour la construction d’Inox, il avait usiné lui-même les écrous et boulons dont il avait besoin, dans l’acier pour la coque pour éviter toute corrosion électrolytique. Un grand navigateur un peu hargneux mais sympathique qui n’a pas eu la reconnaissance médiatique qu’il méritait.
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