Renaissance de l'ancien trimaran Gitana : "Ce convoyage tenait plus du périple que du voyage"

Après 6 mois d'un convoyage semé d'embûches, le trimaran vainqueur de la Route du Rhum 2006, ex Gitana 11, vient de faire son entrée dans le bassin Vauban à Saint-Malo. Récit d'une navigation épique avec Julien Reemers, le nouveau skipper de ce trimaran de 77 pieds, auquel il souhaite offrir une nouvelle vie.

Un trimaran de légende

Lancé en 2001 sous les couleurs de Belgacom, le nouveau trimaran du skipper Julien Reemers est à la base un ORMA, qui a été successivement skippé par Jean Luc Nélias, Fred le Peutrec et Loick Peyron. Il remporte ensuite la Route du Rhum 2006 avec Lionel Lemonchois à la barre. En 2009, le bateau est rallongé à 77 pieds afin de rester compétitif face à l'arrivée des grands multicoques, préfigurant la création de la classe Ultim.

En 2015, le voilier est repris par Antoine Rabaste et sa société Grand Large Emotion qui embarque des équipages VIP, mais chavire en 2019 au large du Portugal. L'équipage est indemne, et le trimaran est remorqué retourné au Portugal. Remis à l'endroit, il est stocké sur un mouillage en attendant un repreneur.

Un retour en pays malouin

Coureur au large et gérant d'un chantier naval à Saint Malo, Julien Reemers, associé à André O'Neil, devient le nouveau propriétaire du multicoque accidenté. Après 3 années au mouillage à Aveiro, le trimaran a perdu de sa superbe. Régulièrement visité par des voleurs et des goélands, cette ancienne gloire fait peine à voir, mais malgré les apparences, la structure est intacte.

Julien décide de rapatrier le trimaran par la mer. Sans son mât, le multicoque ne peut rentrer en Bretagne par ses propres moyens. Plusieurs devis sont établis avec des sociétés de remorquage, mais les montants sont prohibitifs.

Julien décide alors de monter une équipe pour aller chercher le bateau. C'est à bord d'une Antarès 12 qu'ils partent de Saint Malo début août. L'objectif est de remorquer la plateforme de 77 pieds avec la vedette Bénéteau, appuyé par le moteur du trimaran et un petit gréement de fortune.

Après 4 jours de mer, ils se mettent à couple du trimaran. Et les mauvaises nouvelles s'accumulent. Plusieurs actes indélicats ont été commis à bord, notamment sur le moteur du multicoque.

De plus, l'administration portugaise leur interdit de quitter le port, sous prétexte que le trimaran n'a pas de mât. Après plusieurs semaines de négociation, l'équipe parvient à démontrer son bon droit aux autorités, et à quitter enfin le mouillage.

Une météo exécrable

A peine parti, le convoi se fait surprendre par une dépression, et doit faire escale à Porto. Début septembre, ils font escale à la Corogne, en attendant une fenêtre météo propice pour traverser le Golf de Gascogne.

Mais les dépressions s'enchainent, et l'équipe doit patienter de longues semaines au port. Dans cette attente, ils devront faire face à une certaine hostilité locale, et subiront une arnaque en faisant le plein de gasoil, la vandalisation du parc batteries, ainsi qu'une surprenante rupture d'amarrage en pleine nuit.

Un bel acte de solidarité maritime

Reparti de la Corogne, le convoi met le cap sur la Bretagne. Mais durant la nuit, la remorque casse, et l'équipage de la vedette perd de vue le trimaran, avec deux équipiers à bord. Les deux équipages avaient anticipé cette éventualité, et ne paniquent pas. C'est alors que le trimaran, à vitesse réduite avec son petit gréement de fortune, croise la route d'un porte-conteneur qui fait route vers la Bretagne. L'équipage se propose de prendre en remorque le multicoque pour les rapprocher de la pointe bretonne.

Après une manoeuvre parfaite de l'imposant navire de 200m, une touline avec une remorque est frappée sur la coque centrale, et le convoi se remet en route.

Après plusieurs heures de remorquage à 16 nœuds, la remorque est larguée à l'approche de la mer d'Iroise, où les attend l'Antarès, qui reprend la suite pour faire escale à Douarnenez.

L'équipage patiente de nouveau plusieurs jours dans le port de pêche en raison d'une météo très instable. Signe du destin, c'est la même semaine que le départ de l'Arkea Ultim Challenge que l'équipage remet le cap sur Saint-Malo.

Un problème moteur sur l'Antarès les contraint à faire relâche à Lézardrieux, puis le convoi arrive enfin à Saint Malo, où le trimaran s'amarre dans les bassins de la cité corsaire, pour le plus grand bonheur de son propriétaire :

"Malgré son lot d'emmerdes, l'équipage mené par Kévin n'a pas failli. Beaucoup auraient abandonné. Eux non. Grâce également au soutien de l'équipe à terre, qui s'est montrée disponible jour et nuit pour faire face à tous ces problèmes"

Transat Jacques Vabre et Route du Rhum dans le viseur

Après 6 mois d'un convoyage qui devait durer 3 semaines, Julien et son associé André O'Neil savourent cette première victoire. La prochaine étape va être la recherche de partenaires qui souhaitent s'associer à ce projet hors normes. Et le programme ne manque pas d'ambitions.

Julien a pour objectif de remettre en état le trimaran et de s'aligner à la Transat Jacques Vabre 2025, puis à la Route du Rhum 2026, et enfin, la Jacques Vabre 2027 que Julien va courir avec son fils Louis, qui aura alors 18 ans !

Avant cela, la plateforme doit subir un très gros chantier pour retrouver tout son potentiel. Et aller se frotter aux multicoques les plus rapides de la planète.

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