1999 : Isabelle Autissier est sauvée par Giovanni Soldini après avoir chaviré au milieu du Pacifique

Durant la 2eme étape d'Around Alone, le tour du monde en solitaire avec escales, Isabelle Autissier chavire à bord de son 60 pieds Open PRB. Elle sera sauvée in extremis par un autre concurrent, l'Italien Giovanni Soldini. Récit d'un sauvetage épique au milieu du plus grand désert maritime du monde.

Un chavirage durant la 3e étape d'Around Alone

Nous sommes en février 1999. 16 concurrents, répartis en deux classes, disputent Around Alone, précédemment Boc Challenge, la course autour du monde en solitaire avec escales. Durant la troisième étape, entre Auckland et Punta Del Este, Isabelle Autissier est à l'attaque à bord du plan Finot PRB, un bateau moderne et puissant lancé en 1996.

Isabelle est en 2e position, 33 milles derrière Marc Thiercelin et 130 milles devant Giovanni Soldini.

Les conditions sont plutôt clémentes pour un Pacifique Sud, avec 25 nœuds de vent mais une mer formée. Isabelle est à la table à cartes en train d'affiner sa stratégie, quand le pilote automatique décroche, et laisse PRB partir à l'abattée. Isabelle se dirige vers la porte du cockpit pour sortir et remettre le bateau en route, mais une vague plus forte que les autres soulève son 60 pieds par l'arrière, qui entame un chavirage fatal.

A l'envers au milieu du Pacifique

Isabelle ne croit pas ce qui lui arrive. En 1 minute, elle est passée du mode "course" à la survie. Elle bascule sa quille hydraulique au maximum pour tenter de remettre son bateau à l'endroit, mais rien n'y fait. Elle parvient à joindre son équipe par Iridium. Elle est à mi-chemin entre la Nouvelle Zélande et le Cap Horn, loin de toute route commerciale.

Seul un autre concurrent pourrait lui venir en aide. Bien que plus éloigné, Giovanni Soldini est le plus à même de venir en aide à Isabelle. Il met le cap sur la position envoyée par la balise Argos de PRB.

A bord de son bateau retourné, Isabelle enfile sa combinaison de survie et s'installe dans le coqueron arrière, à proximité de la trappe d'évacuation.

Après une vingtaine d'heures de navigation, Giovanni arrive sur zone. Les conditions se sont dégradées, avec 35 nœuds de vent et une très mauvaise visibilité. Secondé par le météorologue Pierre Lasnier, il retrouve la coque retournée au bout de seulement 20 minutes de recherche.

Après un premier passage, il vire de bord pour se rapprocher de l'épave, et lance un marteau sur la coque pour signaler sa présence à Isabelle.

La navigatrice gonfle alors son radeau de survie, abandonne son bateau et se dirige vers le 60 pieds italien.

25 heures après le chavirage, Giovanni écrit au PC course : " Isabelle est à bord de Fila. Tout va bien. Je vais faire une croisière avec elle ".

Les deux navigateurs finiront ensemble l'étape, dont Giovanni sera proclamé vainqueur suite au démâtage de Marc Thiercelin au large des Malouines.

Plusieurs navigateurs ont connu le même problème

C'est la deuxième fois qu'Isabelle Autissier doit abandonner son bateau. En 1994, le démâtage d'Ecureuil Poitou Charentes, son bateau dans l'édition précédente du Boc Challenge, avait arraché le roof et une partie du pont, obligeant la navigatrice à être hélitreuillée par la marine australienne.

Cette fois-ci, son 60 pieds a chaviré suite à un départ à l'abattée causé par une défaillance du pilote automatique. Dans seulement 25 nœuds de vent, son monocoque conçu pour courir autour du monde, est resté à l'envers. Malgré sa quille pendulaire, cette génération de 60 pieds était très stable à l'envers. De plus, les appendices n'étaient pas peints en fluo, ce qui réduisait fortement les chances de sauvetage.

D'autres n'ont pas eu la même chance qu'Isabelle. En 1996, Gerry Roof disparaissait dans la même zone et sur un bateau dessiné par le même cabinet d'architectes. En 1998, lors d'un convoyage en équipage, Giovanni Soldini chavirait à bord de Fila au large de la Bretagne. Son équipier Andrea Romanelli ne sera jamais retrouvé. Le bateau de Thierry Dubois, est également resté à l'envers après avoir été roulé dans l'Océan Indien lors du 2e Vendée Globe.

L'accident d'Isabelle marquera la fin de la carrière de la navigatrice dans la course au large en solitaire. Elle passera le flambeau à Michel Desjoyeaux qui, à la tête d'un nouveau bateau, gagnera le Vendée Globe 2000.

Quant à Giovanni Soldini, Gérard d'Aboville lui remettra la Légion d'honneur sur ordre du Président Jacques Chirac.

Un nouvel accident qui va remettre en cause la jauge

Sous pression, skippers et architectes ont dû opérer plusieurs changements dans la jauge.  Les éléments externes du bateau, incluant la quille et les safrans, ainsi qu'une section de la coque, doivent être peints en couleur fluorescente.

Il est également requis que les bateaux soient conçus pour pouvoir se remettre à l'endroit après avoir chaviré, en basculant la quille pendulaire.

Enfin, sur le Vendée Globe, des portes de passage délimitant une zone d'exclusion sont imposées afin d'interdire aux skippers de descendre trop au sud, limitant ainsi la probabilité d'une douloureuse rencontre avec les glaces.

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