Pourquoi réglementer le mouillage des yachts en Méditerranée ?

Des yachts au mouillage dans la baie de Monaco © Monaco Yacht Show

Depuis quelque temps, les grands yachts qui mouillent en Méditerranée suscitent le débat. Le long des côtes, ils détruisent les herbiers de Posidonie, pourtant protégés. C'est pourquoi, la préfecture maritime travaille sur de futurs arrêtés locaux pour réglementer le mouillage sur l'ensemble du littoral. Voici les résultats d'une étude sur l'impact de ces grands yachts sur les herbiers.

Définir les conditions du mouillage en Méditerranée

Depuis plusieurs années, la préfecture maritime travaille à la définition de règles de navigation dans les eaux maritimes françaises de la Méditerranée. Le sujet d'actualité est le besoin de "définir un cadre réglementaire général définissant les conditions du mouillage et de l'arrêt des navires au large de nos côtes au travers de la prise d'un arrêté du préfet maritime. Cet arrêté prend en considération la nécessité de protéger les habitats marins comme les herbiers de posidonie, qui subissent des dégradations croissantes en raison d'un fort développement du nombre de navires et de leur tonnage" comme l'explique le vice-amiral d'escadre Charles-Henri du Ché, Préfet maritime de la Méditerranée.

Cet arrêté servira de socle juridique pour de futurs arrêtés locaux réglementant le mouillage sur l'ensemble du littoral, qui seront préparés dans les prochains mois.

La Posidonie en danger

La Posidonie tire son nom du Dieu grec Poséidon, dieu des mers et des océans. Cette plante à fleurs est une espèce endémique de la mer Méditerranée et recouvre 34 % des fonds sous-marins côtiers français et 66 % des fonds entre 0 et 40 m le long de la Corse. Au total, ils occupent 79 852 hectares en Méditerranée française, soit trois fois la ville de Marseille.

L'herbier de Posidonie abrite plusieurs milliers d'espèces, soit 20 à 25 % des espèces animales connues en Méditerranée, à l'image des récifs coralliens ou de la forêt amazonienne.

Protégés légalement dans de nombreux pays méditerranéens, les herbiers sont pourtant menacés par les activités humaines, et notamment par le mouillage de bateaux, responsables de leur dégradation physique. Dans le bassin méditerranéen, ils ont perdu 10 % de leur surface en un siècle. Actuellement, 7 670 ha d'herbiers à posidonie morts ont été cartographiés le long des côtes françaises.

Les cartographies des herbiers au 1/10 000e sont consultables gratuitement en ligne sur la plateforme cartographique MEDTRIX, ou sur l'application Donia. Cette application communautaire (Android et Appel) de navigation et d'aide à l'ancrage en mer sans impact permet aux plaisanciers de se positionner par rapport à la nature des fonds et de mouiller en dehors des écosystèmes sensibles (herbiers sous-marins, récifs coralligènes…).

Étudier la pression de mouillage

Le mouillage est responsable de dommages physiques sur les herbiers. Mais pour mieux les gérer, il est important d'identifier les zones qui subissent une pression de mouillage. Une localisation rendue possible grâce aux données AIS.

Cet équipement est obligatoire à bord des navires de plus de 300 tonneaux naviguant dans des eaux internationales, des navires de plus de 500 tonneaux non engagés dans des eaux internationales et des navires commerciaux transportant des passagers. Il permet donc de surveiller les navires de grande plaisance, avec une taille minimale de bateaux fixée à 24 m. Une limite donc à cette méthode puisque plus 95 % des navires de plaisance ont une taille inférieure à 24 mètres. Il faudra donc trouver d'autres méthodes pour étudier l'impact du mouillage de ces bateaux majoritaires sur les côtes françaises.

Les chercheurs ont donc analysé les données AIS de 75 379 mouillages disponibles entre 2010 et 2018. Voici les résultats :

  • le nombre de mouillages augmente au cours du temps, particulièrement pour les navires de taille inférieure à 60 m (449 % en nombre de mouillages annuel pour la classe de taille 24-60 m).
  • 1689 navires mouillent en Méditerranée chaque année.
  • La pression de mouillage est concentrée en grande majorité sur cinq mois de l'année, de mai à fin septembre avec des pics qui correspondent aux événements locaux tels, que le Festival de Cannes ou le Monaco Yacht Show.
  • Les weekends (vendredi à dimanche) et les heures de repas (12 h – 20 h) concentrent la majorité des mouillages
  • Les mouillages se font pour ¼ sur l'herbier de Posidonie, pour 2/3 sur les fonds meubles et pour 1/10 sur les herbiers morts.

Grâce à l'AIS, il est possible de relier les herbiers morts aux navires responsables.

L'impact du mouillage sur l'herbier

Les ancres des grands navires arrachent non seulement l'herbier, mais aussi les racines sous forme de blocs empêchant toute possibilité de repousse. Plus le navire est grand et plus son ancre est lourde et sa chaine longue. Les impacts sur les fonds marins sont donc susceptibles d'être plus forts par les grands navires. Après le passage d'un bateau, les traces de mouillage sont visibles par de larges cicatrices laissées dans l'herbier. Ces cicatrices restent présentes durant des décennies.

Les différents moments du mouillage sont critiques pour les herbiers, que ce soit l'impact de la chaine à l'arrivée, le ragage sur les fonds ou lors de la remontée, en arrachant des mottes d'herbiers.

Voici quelques chiffres :

  • 30 % des habitats côtiers (0 à -80 m) subissent une pression de mouillage par les grands navires (supérieurs à 24 m).
  • Les petits fonds (inférieurs à -10 mètres) représentent 13 % des mouillages
  • Les herbiers sous-marins à posidonie concentrent 24 % des mouillages
  • Les bateaux les plus nombreux à jeter l'ancre dans les herbiers appartiennent à la classe de taille des 40-60 mètres.
  • La région PACA concentre le plus grand nombre de mouillages avec quatre zones de forte concentration : golfe de Fos, golfe de Saint-Tropez, Golfe-Juan et la rade de Beaulieu -sur-mer.
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Piou Cornu
Piou Cornu
Autant on peut comprendre que les gros yachts (plus de 24m) aient une ancre suffisemment lourde pour abimer les posidonies, autant cela me semble une hypothèse peu crédible pour les petits bateaux qui évitent autant que possible de mouiller dans les herbiers, pour la simple raison que le mouillage ne tient pas! De plus si j'en crois la prolifération des posidonies dans la calanque du Palandrier à Port Cros, seul mouillage autorisé sur cette île protégée, il semble bien que les "petites ancres" soient plutôt bénéfiques pour elles!!!
Piou Cornu
Piou Cornu
De toutes façons les grands yachts sont une hérésie écologique! consommer plusieurs milliers de litres de gazole à l'heure pour balader 2 passagers (quand ce n'est pas un seul!) sur un bateau de souvent plus de 50m!... Et on parle après des voyages aériens qui consomment du carburant...
Juan Comito
Juan Comito
les gros yachts sont une plaies à tout point de vue : gros, moche, bruyant, encombrant, polluant, ils font des vagues qui emm.... tout le monde à 10 miles à la ronde et tout ça pour balader 3 clampins désabusés et capricieux genre je veux absolument faire du paddle à Monaco le matin et diner à St Trop le soir !
Sébastien Huet
Sébastien Huet
il y a un problème de contrôle aux limites des eaux françaises et monégasques au nivaux du cap martin qui est une zone natura 2000 et qui concentre une grande partie des mouillages l'été dans ce secteurs par des bateaux de plus de 24 m les autorités maritime française ne contrôle jamais les mouillages dans ce secteur
Christophe Tetard
Christophe Tetard
Sans prétendre être le porte-voie des 3/4 des navigateurs privés de nos cotes, je pense que tout ceux-là sont bien d'accord avec les distinctions décrites ci-dessus entre les "gros" et les bateaux de moins de 12m. Les autorités aurait tendance à englober les catégories pour faire du chiffre plutôt que de cibler les vrais coupables, potentats souvent influents dans le milieu des décideurs politiques...
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