Interview / Isabelle Joschke : "Je me sens prête pour ce Vendée Globe 2020, pour moi c'est le moment"

© Ronan Gladu #VG2020

La navigatrice franco-allemande prendra le départ de son premier Vendée Globe le 8 novembre 2020. Elle s'apprête enfin à concrétiser un rêve qui l'habite depuis 2015, l'aboutissement d'un long parcours.

Le Vendée Globe, un objectif depuis 2015

C'est sur le circuit Mini 6.50 qu'Isabelle Joschke débute la course au large en 2005. Elle participe par deux fois à la Mini Transat et remporte la première étape de la course en 2007. Ses nombreux succès convainquent son sponsor de l'époque de la suivre sur le circuit Figaro, où elle écumera les courses pendant 8 années.

Fin 2015, son sponsor lui propose un Vendée Globe, projet qui n'aboutira finalement pas. En 2016, elle s'engage alors en Class40, avant de reprendre la barre de l'IMOCA MASCF en 2017.

"Le Vendée Globe, c'est mon objectif depuis 2015 que je vais enfin concrétiser dans un peu moins de 3 semaines."

Sa première participation au Vendée Globe, c'est donc l'aboutissement d'un long parcours, la concrétisation d'un rêve longuement mûri.

"Ça a été long pour en arriver là. Je fais de la course au large depuis 2005, et ça fait longtemps que je rêve de participer à cette course. C'est le Graal, l'Everest, mais pour y participer, il faut un sponsor qui te fasse confiance et un budget important. Ce n'est pas donné à tout le monde d'avoir ce privilège.

J'ai eu une première occasion en 2015, mon sponsor de l'époque me proposait de participer à cette aventure. Ça ne s'est pas fait. J'ai cherché à y aller de nombreuses années, mais je n'ai jamais eu la possibilité. Je m'étais un peu résigné, je ne pensais jamais le faire. »

Alors qu'elle a finalement lâché prise, MACSF la contacte pour succéder à Bertrand de Broc.

L'IMOCA MACSF
L'IMOCA MACSF

Trouver des capacités pour aller plus loin

Assez réaliste, la navigatrice sait ce qu'elle espère et ce qu'elle redoute.

"Je ne peux pas espérer vivre une course sereine du début à la fin. C'est comme dans la vie. Surtout sur le Vendée Globe. C'est un chemin difficile et c'est parce que ça l'est que je suis allé chercher ça. Il n'y aura pas forcément toujours des choses drôles, je sais que je vais vivre des choses pour lesquelles je ne me réjouirais pas forcément.

Je vais néanmoins vivre de grands moments de connexion avec les éléments : les mers, les océans, les animaux marins, l'horizon autour de moi, le ciel. C'est une immersion dans les éléments que j'ai envie de vivre à fond. J'ai envie de me sentir animée par ça. Le fait d'être en solitaire c'est très important, pour vivre ça plus intensément."

Sur cette course, elle espère surtout se dépasser dans les moments durs et trouver des ressources qu'elle ne connait pas, se découvrir des capacités. Car c'est dans les épreuves qu'on va les chercher.

"Quand c'est facile, il n'y a pas besoin de trop de capacités, ça va tout seul. Il y aura des moments difficiles. J'appréhende les mers du sud, le passage du cap Horn. Comment je vais gérer mes peurs ? Les situations qui le font peur ? C'est hyper important.

Je vais devoir trouver des capacités pour aller plus loin, mais en lien avec mes peurs, car elles peuvent être très freinantes et limitantes. Elles sont des fois protectrices, mais des fois protègent trop et empêchent une certaine liberté."

L'IMOCA MACSF
L'IMOCA MACSF

MACSF, un IMOCA de 2007 updaté avec des foils de dernière génération

Si elle reprend la barre de MACSF, le bateau n'est plus le même. Il s'agit de l'ancien Groupe Queguiner skippé par Yann Eliès sur le Vendée Globe 2016. Construit en 2007, il a été updaté en 2019 avec des foils de dernière génération.

"C'est n'est pas le plus jeune de la flotte, mais il avance vite au vent de travers. En 2008, il était le plus rapide de la flotte. Il a très bien passé les années. Les foils lui ont apporté un gain de potentiel vraiment important. C'est un bateau moins rapide que les 8 bateaux neufs qui vont prendre le départ, mais qui en 2e division va jouer avec des bateaux beaucoup plus récents.

Je vais jouer avec des bateaux construits pour l'édition 2016, soit presque 8 ans d'écart. Je suis fière de ce bateau, du potentiel que l'on a gagné. Il a une très bonne base. C'est un bateau très compétitif."

Isabelle en navigation sur l'IMOCA MASCF
Isabelle en navigation sur l'IMOCA MASCF

Terminer la course, 80 % de son objectif

Pour son premier Vendée Globe, Isabelle Joschke s'est fixé l'objectif de terminer la course et de vivre à fond son aventure.

"Ce n'est pas gagné, sachant qu'il y a 50 % de chance de réussir et 50 % de chance d'abandonner. Ce sera une très grande réussite de revenir aux Sables-d'Olonne. Ça représente 80 % de mon objectif. Je veux vivre à fond cette aventure, être fière de moi. Je ne cherche pas, dans ma démarche, à être tout le temps en train de me dépasser en permanence sans réfléchir. Mon approche c'est à la fois me respecter, de m'appuyer sur le fait de me connaitre pour découvrir des capacités que je ne connais pas. Je souhaite augmenter mon potentiel à travers cette aventure, c'est important pour moi.

En termes sportifs, je serais très contente de terminer dans le top 10."

L'IMOCA MASCF
L'IMOCA MASCF

Prête à partir

Comme tous les autres concurrents, elle a subi de plein fouet la crise sanitaire alors qu'elle était en pleine préparation.

"C'était un arrêt buffet dans notre préparation. Paradoxalement, je l'ai très bien vécu. J'ai compris un truc. De toute manière, qu'on ait le temps ou pas, je ne serais jamais prête pour ce départ, car je n'ai jamais pris un départ de Vendée Globe. On veut être prêt à la perfection, on veut toujours aller plus loin. Si j'avais 6 mois de plus, on irait encore plus loin avec mon équipe, on continuerait d'améliorer le bateau. J'ai compris que je ne serais jamais prête d'une certaine manière quand on a dû arrêter de naviguer. Et il faut l'accepter. Je me sens capable d'y aller, même si je ne me suis pas entrainé autant que je l'aurai voulu. Je me sens prête, pour moi c'est le moment."

Raconter son aventure sous forme de podcasts

Pour partager ce qu'elle vit, Isabelle et son équipe ont mis en place un système de podscats dans lesquelles elle partage son aventure.

"Communiquer pour communiquer, ce n'est pas mon truc. Par contre, j'aime partager ce que je vis dans mes tripes. Je vais raconter ce que je vis, comment je le vis. Ce n'est pas juste ce qui se passe. On a déjà commencé et ça a beaucoup de succès, c'est différent de ce qui se fait habituellement. C'est un peu "Dans ma tête et dans mon bateau."

Son pronostic du podium du Vendée Globe ?

Ça ne m'intéresse pas.

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