Point de vue / Ordinateur et skipper, le capitaine est-il encore le décideur ?

© Yann Riou

Dans le monde de la Formule 1, les voitures remontent en temps réel toutes les données au stand qui a la possibilité d'influer, à distance, sur la courbe du moteur. Nous apprêtons-nous à voir cela arriver en course à la voile ? 

Les progrès des télécommunications d'une part, la miniaturisation des capteurs d'autre part, le développement des formes alternatives d'intelligence dite artificielle enfin. Toutes ces formidables avancées technologiques comme scientifiques trouvent des champs d'application passionnants. Les bateaux sont mieux conçus, les skippers sont mieux préparés et les courses sont bien plus spectaculaires.

Aide efficace aux skippers

Disposer de la capacité de prévoir un changement météo qui imposera une manœuvre physique, va permettre au skipper d'anticiper sa période de repos et de la planifier pour être le plus performant au moment où le voilier le réclame. Ces modèles mathématiques représentent cette forme d'intelligence. Ils présentent la possibilité d'aider le skipper dans sa prise de décision et d'augmenter la performance.

L'humain demeure au coeur du système

Qu'on ne se trompe pas de débat pour autant. Celui qui winchera, qui sortira les voiles et prendra les ris au moment le plus opportun est, à ce jour encore, l'être humain. Augmenté ou non d'ailleurs, cet être humain demeure une machine superbe et efficace. Sans doute bien plus que le meilleur des ordinateurs jusqu'à preuve du contraire.

Une annonce récente nous informe qu'un trimaran Ultim embarqué sur la prochaine Route du Rhum sera "(...) doté d'intelligence artificielle et de remontée en temps réel. Cette intelligence permettra de définir la meilleure stratégie (...)".

Du routage, autorisé sur cette course

Soyons clairs, il est ici question de routage. Permis sur cette course dans la classe Ultim, il vise à optimiser le parcours et à aider à adopter la décision adéquate au bon moment. Basé sur un modèle mathématique, mais validé par des ingénieurs à terre, le skipper sera capable de l'analyser et de l'appliquer - ou pas - en fonction des conditions au moment où il recevra ce conseil.

Il n'y a, jusqu'alors, rien à redire à ce que la machine informatique se mette un peu plus au service des concurrents pour offrir de plus sublimes spectacles, de plus belles courses, des itinéraires plus sûrs ou plus aventureux.

Ligne blanche en vue

Cependant, la limite à ne pas dépasser s'approche.

S'il est faisable aujourd'hui d'aller consulter les données provenant d'un des trois cents et quelques capteurs d'un bateau, il est envisageable d'aller écrire des données dans ces capteurs pour peu qu'ils soient un peu actifs. Dit autrement, il est faisable d'aller placer le pilote automatique dans telle ou telle position ou, mieux, de déplacer la barre de quelques degrés dans une direction ou l'autre. À distance et sans action du skipper.

Qu'une chose soit techniquement possible est formidable. Qu'elle soit humainement profitable est indéniable. Qu'elle soit sportivement acceptable pose une autre question.

Valeurs et respect

La voile est faite d'humains qui possèdent des valeurs, du respect, de la solidarité pour eux et pour l'élément dans lequel ils pataugent. Enfin, les skippers sont impliqués si tôt dans le projet, parfois depuis la conception du bateau, qu'ils le voient comme une extension de leurs êtres.

Et on ne triche pas avec une extension de son être.

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