Naviguer loin sans expérience : quel bilan pour la famille de marins néophytes ?

Après 6 mois de navigation, Laurent, sa femme et ses trois filles ont bien évolué et acquis une certaine expérience, notamment après 22 jours de transatlantique. Désormais aux Antilles, ils livrent le bilan de ce voyage entrepris sur leur catamaran de 14,33 m, un Nautitech 475.

Gagner en autonomie en pratiquant

Depuis la mi-janvier 2022, la famille navigue seule même si elle est toujours en apprentissage sur beaucoup de sujets. Cette transat à huis clos les a rendus autonomes et malgré les tensions qui peuvent survenir du fait d'être ensemble 24h/24h, Laurent en retire un bilan positif.

"Globalement, c'est une super expérience d'un point de vue familial et social, avec le support de la voile. Aujourd'hui, on est capable de naviguer plusieurs jours pour rejoindre une île. Les filles sont davantage impliquées. C'était assez difficile de leur apprendre alors que nous-mêmes étions en apprentissage. Aujourd'hui, on partage davantage et les choses sont davantage structurées grâce à l'expérience engrangée depuis 8 mois. Après, ça n'empêche pas de faire encore des erreurs. Il y a 15 jours, le bout d'un casier de pêcheur s'est enroulé autour de l'hélice… On a un regret, c'est le fait de n'avoir pas croisé assez des bateaux avec des ados de l'âge de nos filles. Il y a beaucoup de familles avec de petits enfants."

Direction Madère
Direction Madère

Le choix du bateau, un point crucial

D'un point de vue global, il ajoute : "Tout s'est bien enchainé dès le départ, le déménagement, l'apprentissage en mer, la passation du bateau. On a fait le choix d'un bateau fiable et c'était un point essentiel. C'était notre premier bateau et tout le monde pensait qu'il était trop grand. Mais il nous correspond, il est idéal pour affronter la mer et vivre à bord. Certes avec un bateau plus petit on aurait eu plus d'accès aux marinas, mais on accepte d'être plus loin en compensation d'un bateau fait pour la mer et le vent fort. On a aussi dû payer plus cher à certains endroits, mais on s'y retrouvait comme ça."

L'autonomie en eau et en énergie est également l'un des points forts – et indispensable pour la famille - de leur catamaran. Leur dessalinisateur leur permet de profiter d'eau douce pour l'hygiène et la vaisselle et les panneaux solaires d'alimenter le régulateur et les batteries, mais aussi toute l'électronique embarquée : ordinateurs, téléphone, appareils ménagers…

Les deux pilotes automatiques à bord – un d'origine et un supplémentaire installé par le précédent propriétaire - étaient aussi un point important dans le choix du bateau.

"Le pilote automatique, c'est le bras droit du capitaine !"

Le catamaran MisSTER, un Nautitech 475 de 1997
Le catamaran MisSTER, un Nautitech 475 de 1997

Des équipiers bien conseillés et de l'électronique indispensable

Alors qu'ils avaient pensé trouver leurs équipiers par le biais de plateformes dédiées, tout s'est finalement fait par le biais du bouche-à-oreille. Ce voyage leur a également permis de rencontrer des bateaux copains avec qui échanger et partager.

Laurent a également pu compter sur l'indispensable électronique, notamment pour la cartographie.

"Naviguer avec une carte papier me mettrait en difficulté. C'est sûr que partir sans appareils électroniques est moins envisageable et nécessite un apprentissage plus conséquent. La lecture de carte, je l'ai brièvement apprise en stage aux Glénans. L'électronique facilite et rend les choses faciles, d'où l'importance d'avoir de l'énergie à bord et d'être autonomes pour recharger les appareils. Nous vivons avec notre temps."

Des copains volontaires !
Des copains volontaires !

Ne pas surestimer ses capacités

Sans grande expérience, Laurent et sa famille ont toujours agi avec précaution en préservant leur bateau et en ne prenant pas de risques.

"À aucun moment on n'a vraiment été en difficulté car on a anticipé au mieux. Par exemple, on évite de naviguer le soleil dans les yeux et on navigue de jour pour éviter les casiers. On prend systématiquement la météo. On chemine dans nos choix de navigation. On évite les problèmes. On a eu quelques coups de vent à 35 nœuds, mais on avait anticipé. On navigue souvent sous-toilé, minimum 1 ris dans la GV avec 15/20 nœuds de vent régulier et des rafales à 30/35 nœuds. Parfois, on prend plus de ris. Avoir déchiré notre gennaker avec du vent fort avant la transat nous a un peu stressés. Parfois, pour les mouillages, on s'y reprend à plusieurs fois, notamment en fonction du fond. Mais on voit qu'on n'est pas les seuls."

Cette expérience leur a permis de prendre confiance en leurs capacités et d'accepter que tout ne se déroule pas toujours comme prévu. En bref de gagner en humilité.

Ecouter les conseils
Ecouter les conseils

Une belle expérience, mais des contraintes…

Pas forcément persuadée au départ, Adeline la femme de Laurent, est désormais convaincue de cette expérience familiale. Pour la voile, elle en conserve néanmoins les aléas et les complications qu'elle entraine.

"Il y a beaucoup de logistique et ce n'est pas toujours évident d'aller à terre pour le quotidien. Sans compter les problèmes techniques et l'argent que l'on doit y investir. Entretenir une maison, c'est beaucoup plus facile ! En bateau, il faut assurer sur tous les points : électricité, plomberie, mécanique… On a toujours le nez dedans.

On s'était donné un an, mais on a besoin de rentrer à terre et de retrouver une vie normale. À notre arrivée aux Antilles françaises, on avait envisagé la possibilité de continuer un peu. Au départ, nous avions budgété le voyage pour ne pas avoir à travailler. Le bateau a été acheté avec l'argent de la maison et nous avions pris un prêt supplémentaire de 50 000 € pour prévoir d'éventuelles réparations."

Réparations qui auront bien eu lieu : changement du gréement dormant vieux de 10 ans avec une fissure dans le sertissage dans le hauban, changements des panneaux solaires et du régulateur et du moteur de l'annexe.

Leurs trois filles sont également ravies de cette expérience et le retour se rapprochant, elles se rendent compte de ce qu'elles ont vécu et appréhendent le retour. Elles profitent des derniers moments de dépaysement.

"Ce voyage aura été bénéfique pour leur apprentissage de la mer. Elles ont parcouru une petite partie du monde avec un moyen de transport particulier. Ça les aidera en cas de problèmes pour trouver une solution. Pour bien avancer dans la vie."

Ecole à bord en dehors de la Transat
Ecole à bord en dehors de la Transat

Bien définir les rôles à bord

"Avec mon épouse, on ne s'est jamais autant pris la tête !" Après plusieurs mois en mer, Laurent sait désormais comment il aurait pu éviter ces petites tensions.

"J'ai eu du mal à trouver ma place de capitaine car l'expérience me manquait. Le voyage avançant, je me suis rendu compte que c'est important dans l'équilibre de l'équipage. Globalement, j'ai toujours partagé cette expérience avec l'ensemble des équipiers. Je ne suis pas des plus à l'aise dans la prise de décision. Ce n'était pas facile non plus par rapport à nos filles qui avaient donc du mal à trouver leur place. Elles sont carrément mieux maintenant."

Dialoguer et diriger
Dialoguer et diriger

Attention à l'assurance !

L'assurance a été le "point noir" du voyage comme l'explique Laurent.

"Nous sommes passés par un courtier comme nous n'avions pas d'expérience. Nous n'avons pas été assez regardants. L'assurance est chère et impossible à négocier quand on a un CV nautique nul. C'est un gros budget. En amont, il faut bien y réfléchir pour faire les meilleurs choix et obtenir les meilleures garanties."

Et la suite ?

L'objectif est désormais de revendre le bateau et de retourner vivre en Ardèche. Laurent et Adeline doivent retrouver un emploi, une maison – ils ont conservés leurs meubles et leurs voitures - et leurs filles reprendre le cours de leur vie en reprenant le chemin du collège et du lycée.

"J'aurai aimé que l'on s'installe plus près de l'Atlantique ou de la Méditerranée pour continuer à naviguer le weekend ou les vacances. Deux options se présentent à nous. Soit le vendre sur place, soit le ramener en métropole en effectuant une transat retour. L'assurance nous oblige à sortir de la zone cyclonique avant le 15 juin. On va se préparer pour la mi-mai et attendre une fenêtre météo d'ici juin pour prendre le départ.

Ça va être la course, on n'aura pas le temps de prendre un coup de bambou par rapport à la fin du voyage. Nous sommes une famille soudée et ce voyage l'a renforcée. J'appréhende un peu ce retour, ça va être étrange, mais nos filles ont leur vie et elles doivent faire leur chemin."

On profite en Martinique !
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