2600 milles en White Shark 237, une incroyable croisière entre Mer Rouge et Méditerranée

25 jours de navigation avec une belle mer

Nous vous avions présenté le projet un peu fou de Bertrand de relier Aqaba en Jordanie à Marseille avec son White Shark 237 motorisé par un inboard de 270 ch Nanni Diesel. À peine les amarres passées à Marseille, il nous raconte le plaisir de cette navigation insolite.

"C'est une grande joie d'avoir réalisé ce projet. Ça a été plus compliqué que je l'imaginais, mais aussi beaucoup plus beau et plus incroyable que dans mes rêves les plus fous !" Bertrand vient de naviguer 2600 milles avec son day cruiser de 7 m. Il a une confiance absolue en son bateau et envisage déjà de prochains projets, toujours à son bord.

La Méditerranée d4st en Ouest
La Méditerranée d'Est en Ouest

Départ d'Aqaba en Jordanie

Le White Shark quitte le port d'Aqaba. Passage symbolique de la digue
Le White Shark quitte le port d'Aqaba. Passage symbolique de la digue

Pour ce "trip", il fait livrer par cargo son bateau à Aqaba en Jordanie. Les premières difficultés commencent par le dédouanement du bateau qui reste bloqué une semaine. Par manque de connaissance, il sera tombé juste à la fin du ramadan auquel s'ajoutent les vacances qui s'en suivent et un vendredi. Ce n'est qu'au bout de 6 jours (passés à visiter les alentours, dont le site de la Mer Morte et celui de Pétra), que Bertrand et son équipier (Alberto, un ami italien) prennent le départ de l'aventure.

"La descente du golfe d'Aqaba est une pure merveille, comme la vallée blanche pour un normand, et conforme à mon rêve de jeune marin pour cette navigation avec vues des deux côtés d'un golfe large comme le Léman"
"La descente du golfe d'Aqaba est une pure merveille, comme la vallée blanche pour un normand, et conforme à mon rêve de jeune marin pour cette navigation avec vues des deux côtés d'un golfe large comme le Léman"

Entre mer et désert

La première étape se déroule dans le Golfe d'Aqaba. Une navigation côtière avec une mer d'huile où les 2 cotes très proches encadrent le sillage, le long du désert du Sinaï. L'escale se fera à Charm el Cheikh (Égypte). Juste avant, le détroit de Tiran (entre la terre et l'île du même nom), étroit, peu profond et soumis au courant, lève de grosses marmites.

"La remontée du golfe de Suez, c'est la Manche, une mer très compliquée. Mais la côte du Sinaï est sublime"
"La remontée du golfe de Suez, c'est la Manche, une mer très compliquée. Mais la côte du Sinaï est sublime"

Le lendemain sera occupé à remonter la Mer Rouge jusqu'à Suez, à l'entrée du canal. Exceptionnellement, les amis dorment à bord pour partir au lever du jour. En effet, la route est longue sur cette étape : 175 M. Mais en naviguant tôt le matin et en évitant l'après-midi, la navigation se déroule agréablement avec des moyennes élevées, souvent au-dessus de 25 noeuds.

"L'arrivée à Suez est ultra-impressionante..."
"L'arrivée à Suez est ultra-impressionante..."

Le contact avec les Égyptiens n'est pas agréable explique Bertrand. À l'inverse des Jordaniens, il faut payer des bakchichs pour tout. Bertrand profite de cette escale (qui va durer 3 jours) pour visiter les pyramides.

Incroyable Canal de Suez

"Merveilleux Canal, ambiance délicieuse et cathédrales navigantes qui cohabitent paisiblement avec des pêcheurs antiques."
"Merveilleux Canal, ambiance délicieuse et cathédrales navigantes qui cohabitent paisiblement avec des pêcheurs antiques."

Pour le passage du Canal de Suez, il va devoir prendre un pilote. Le canal se passe sur 2 jours avec une escale à Ismaïlia avant d'arriver en Méditerranée à Port-Saïd. Ce franchissement reste un souvenir exceptionnel pour Bertrand. "Dans le canal, on a à la fois l'impression d'être dans un livre d'histoire, dans un livre de technologie tant les ouvrages et les bateaux croisés sont impressionnants, mais aussi dans un livre militaire". Bertrand ne se lasse pas de voir les travaux pharaoniques des ponts et chaussées ou encore les cathédrales flottantes souvent de plus de 50 m de hauteur qui passent à côté de lui chargées de containers.

Escale à Ismaïlia
Escale à Ismaïlia

À l'escale d'Ismaïlia, ils feront la rencontre du directeur du Yacht-Club du Canal de Suez qui cherche à développer le tourisme sur le canal. Une belle soirée d'échange dans ce Yacht-Club hors du temps et de la géographie.

Le pilote pour le canal
Le pilote pour le canal

Emprisonnés à Tel-Aviv !

"Arrivée à Tel-Aviv après 130 milles arrosés, le bateau est propre"
"Arrivée à Tel-Aviv après 130 milles arrosés, le bateau est propre !"

L'étape entre Port-Saïd et Tel-Aviv sera la plus humide du voyage. En effet, le bateau rencontre 1 m de houle de 3/4 arrière qui le freine et arrose copieusement l'équipage. L'arrivée à Tel-Aviv a bien failli mal tourner. Pas de chance, la Marine ne répond pas aux appels des marins qui veulent entrer dans le port. Ils apprendront plus tard que les autorités sont à la recherche de deux terroristes qui viennent de commettre des assassinats à la hache… L'entrée dans le pays se soldera par une nuit au commissariat, qui heureusement se finira sans grief. Malgré cet accueil froid, l'équipage en profite pour visiter Jérusalem. Encore une nouvelle claque visuelle pour Bertrand.

Du gasoil sale qui bouche les durites

Maintenant, les 200 milles qui les séparent de Chypre seront les plus durs. La météo n'est pas au top et en plus, l'alimentation en gasoil du moteur semble défectueuse. Le gasoil acheté en Égypte et en Israël était sale. Il bouche la sortie du réservoir obligeant l'équipage à souffler dans la durite pour le déboucher. Cette opération se passe en pleine mer, à 100 milles de toute côte. Heureusement, Bertrand avait avec lui un téléphone par satellite avec lequel il va faire un diagnostic avec son chantier de Saint-Malo. C'est depuis ce bout de terre française que sera trouvée la solution et que le voyage a pu continuer sans encombre. Aujourd'hui, Bertrand repartirait avec un entonnoir muni d'une grille pour préfiltrer le carburant en faisant le plein.

Traversée vers Chypre
Alberto pendant la remontée vers l'Italie

Après Chypre, ce sera un départ vers la Grèce en évitant la Turquie. Un peu refroidi par l'épisode israélien, Bertrand pense qu'il est préférable d'éviter la Turquie et d'entrer directement dans un pays européen.

Des escales de rêve qui se suivent

"La Grèce ! Cette île de Kastellorizo, absolument magnifique"
"La Grèce ! Cette île de Kastellorizo, absolument magnifique"

L'escale se fera sur l'île de Kastellorizo. C'est l'île la plus à l'Est de la Grèce qui se trouve à à peine plus d'un mille des côtes turques. Cette escale sera l'occasion d'enfourcher un scooter pour la visiter. La découverte d'un véritable joyau…

Les escales en Grèce se succèdent : Rhode, Nissiros, Paros… Certaines ne se laissent pas approcher comme Amorgos où le vent trop fort empêche d'entrer dans le port. D'autres laissent des souvenirs comme le chenal entre Antiparos et Paros abordé par le sud, un moment magique.

"Navigation aussi époustouflante que la Mer Rouge, bien que différente. Défilé ininterrompu de pics, de caps, de rocs, de péninsules. Île magnifique."
"Navigation aussi époustouflante que la Mer Rouge, bien que différente. Défilé ininterrompu de pics, de caps, de rocs, de péninsules. Îles magnifiques."

À Paros, Bertrand apprend avec surprise que le canal de Corinthe est encore fermé pour travaux. Il faut donc faire le tour du Péloponnèse pour rejoindre l'Italie. Heureusement, la météo se maintient et ce détour se fera toujours avec le plaisir de la découverte.

Le cap vers l'Italie est pris au niveau de l'ile de Corfou après la visite de Zakynthos où l'accueil des locaux est toujours aussi charmant. Bertrand et son ami traversent l'Adriatique vers Santa Maria di Leuca. Puis ce sera Gallipoli (avec un arrêt de 2 jours pour visiter la Calabre), puis Roccela Ionica où la mer offre un nuancier de bleu, enfin l'arrivée près du détroit de Messine avec la découverte du majestueux Etna.

Plein de gasoil en Grèce
Plein de gasoil en Grèce

C'est la présence des migrants qui sont visibles dans tous les ports du sud de l'Italie qui marquera le plus Bertrand. Bateaux, camps... sont autant de preuves de cette détresse humaine qui arrive sur nos côtes.

Arrivée en Calabre. Lumières de folie.
Arrivée en Calabre. Lumières de folie.
L'Etna avant l'arrivée à Syracuse
L'Etna avant l'arrivée à Syracuse

La suite en solitaire

Navigation dans le brouillard au Sud de la Sicile
Navigation dans le brouillard au Sud de la Sicile

En Sicile, Bertrand voulait une halte à Syracuse et surtout réaliser le tour de l'île par le Sud. C'est ce qu'il va faire, mais cette fois en solitaire, car son ami doit débarquer. Depuis Marzamemi, il va franchir le cap le plus au sud de l'Italie, encore plus sud que Tunis ! Le long de la côte, il sera surpris par le brouillard en direction de Trapani.

Pour la traversée vers la Sardaigne, une longue navigation de 160 milles, il embarque un co-pilote. Partis de nuit à 4h du matin, car la météo annonce un peu de vent dans l'après-midi, il couvriront la distance en 9h avec une arrivée à Porto Corallo à 13h. Malgré les 12 à 15 noeuds de vent, la mer ne s'est levée que pendant 1 h au 2/3 du parcours. Une bonne journée de repos est nécessaire après cette longue navigation.

"Mon père aurait dit de cette matinée : "c'était féérique". Belle mer avec son petit coup de vent en passant, un peu de brume, slalom géant au milieu des îles au large d'Olbia jusqu'aux bouches de Bonifacio, arrivée avec une magnifique houle de face, à Bonifacio."
"Mon père aurait dit de cette matinée : "c'était féérique". Belle mer avec son petit coup de vent en passant, un peu de brume, slalom géant au milieu des îles au large d'Olbia jusqu'aux bouches de Bonifacio, arrivée avec une magnifique houle de face, à Bonifacio."

De nouveau en solitaire, Bertrand longe la côte Est de la Sardaigne en direction de la Corse. Il slalome entre les superbes îles de la Maddalena et traverse les Bouches de Bonifacio, rencontrant une houle haute. Toute la côte Ouest de la Corse pour remonter vers Calvi est avalée en une journée. Ce sera la seule journée sans voir le ciel bleu, avec même un peu de pluie au départ. En Corse, Bertrand apprend qu'il vient d'être grand-père pour la première fois. Il accélère donc un peu le pas.

Baleines au large !

Escale à Calvi
Escale à Calvi

Le départ de Calvi se fera en pleine nuit à 3h du matin. Direction l'Ile du levant. Après avoir rencontré des baleines, il arrive dans l'après-midi à Sanary-sur-Mer. Puis ce sera l'escale finale à Marseille. Nous sommes le 27 mai 2022.

2600 milles et 130 h de moteur

Parti le 2 mai, Bertrand a réalisé cet incroyable voyage en 25 jours (en comptant les pauses et les visites). 2600 milles et 130 h de moteur environ. Le moteur inboard Nanni Diesel 270 ch en Z-Drive n'a causé aucun souci. La fiabilité de ce bloc 4 cylindres Toyota a prouvé sa robustesse. Dans la traversée vers Chypre, il a tourné à 1200 tr/mn pendant 12 sans rechigner.

En tout et pour tout, Bertrand n'avait avec lui que 3 pièces de rechange : un filtre à huile, un préfiltre de gasoil et un filtre de gasoil. Il a fait tout le trajet (130 h moteur) sans réaliser de vidange. Sa seule intervention a été de rajouter un peu d'huile dans le Z-drive en Sicile.

Sur le plan météo, Bertrand avait choisi cette période du mois de mai connue pour offrir un climat sans vent en Méditerranée. Et cela s'est révélé exact puisque le marin n'a eu à subir que 2 journées ventées sur les 22 jours de mer.

Pour le confort, l'équipage faisait halte dans les ports chaque jour, louant une chambre d'hôtel pour avoir une bonne nuit de repos. Ils n'ont jamais fait de réservation que ce soit pour la place de port ou pour les hôtels, cette période de mai n'étant pas trop active.

Consommation raisonnable

A la barre du Whit Shark 237
A la barre du White Shark 237

Après cette expérience, il pense que des étapes de 5 à 6 h de navigation par jour forment la bonne cadence. Sans pilote automatique, il ne pouvait pas lâcher le volant (sauf au-dessus de 30 où le bateau devient stable). Durant toutes les navigations, il devait rester debout. En effet, sa vitesse de croisière se situait entre 25 et 33 N quand la mer le permettait. Côté consommation, le marin a pu valider un peu plus de 1 litre/mille entre 25 et 28 N et 1,5 litre/mille à 33 N. Au final, l'aventure aura consommé environ 3 000 l de gasoil.

À peine arrivé à terre, Bertrand a déjà de nouveaux projets. Mais avant, il aimerait retourner pour une plus longue durée dans 2 endroits qu'il a particulièrement apprécié : la Grèce et la Sardaigne…

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