Transbordement en mer, récit d'un accostage entre catamaran et cargos

Alors qu'il convoie son bateau depuis le Brésil vers la France, Philippe perd l'un de ses deux équipiers après 8 jours de navigation. Aiguillé par le CROSS, il décide de continuer la transat plutôt que de faire demi-tour. Pour ce faire, il est obligé de réaliser trois transbordements avec des cargos en 8 jours pour regagner le Cap Vert. Il nous raconte son histoire.

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Dimanche 4 avril 2021

Je pars lancer un "Pan-Pan" sur le canal VHF 16, qui reste sans réponse puis je contacte le CCMM par l'Iridium. J'essaie d'être clair, de donner des informations précises. J'applique le protocole que j'ai appris par réflexe dans le désarroi qui est le mien… On me met en attente… Je coupe la communication. Le CCMM ne m'apportera rien. Je fais le numéro du CROSS. "Vous appelez pour une urgence de mer…" puis enfin un interlocuteur qui semble compétent, je lui explique la situation, je saisis qu'il comprend ce que je dis… Je lui dis qu'il faut que j'aille aider l'autre équipier et que je rappellerai.

Yves a pu descendre totalement Marc qui est allongé sur le bimini près du pied de mât. Je ne peux que constater son décès. Je rappelle le CROSS.

Nous sécurisons le bateau, nous vérifions qu'il n'y a pas de bout dans l'eau. Yves sécurise la bome en l'attachant sur le bimini. Nous remettons le bateau en marche au moteur et décidons de faire route vers le Cap Vert, terre la plus proche, mais au vent. Il y a aussi la possibilité de partir sous le vent, mais c'est beaucoup plus loin et nous n'avons que le solent donc pas d'espoir de vitesse…

Il y a deux chalutiers donc des hommes pas très loin de nous, vers l'Est. Nous les voyons à l'AIS. Ils ne répondent pas à la VHF, car sans doute hors de portée, mais peuvent peut-être nous aider, c'est notre unique espoir. Ils peuvent peut-être nous donner du carburant, car nous n'en avons pas assez pour rejoindre Mindelo qui est à 750 nautiques. Enfin, nous apporter un peu de réconfort…

Nous décidons de partir vers le Nord-Est, au vent certes, mais au plus près. Nous mettons le solent, un moteur. Nous passons la nuit dans le carré, sans presque parler. Il faut quand même que je gère le bateau en essayant d'utiliser la voile et un moteur, d'aller vers les chalutiers qui représentent la vie, l'aide...

Lundi 5 avril 2021

Vers 0h00, je reçois un appel du CROSS, qui envisage de détourner un cargo pour nous récupérer, et nous dit qu'il faudra abandonner notre catamaran. Je ne peux pas envisager cette solution. J'essaie d'avancer au mieux avec un moteur et le solent, mais nous faisons un cap qui ne mène nulle part et pas de vitesse. Je tente toutes les combinaisons possibles de cap, de réglage de voile, mais rien ne fait mieux avancer le bateau. Le CROSS me redemande si nous voulons évacuer le bateau, car ils peuvent détourner un cargo : je réponds que, pour l'instant, je n'envisage pas du tout cette solution. J'ai du mal à manier l'Iridium, c'était toujours Marc qui le faisait. Je ne sais qu'envoyer des SMS à ma femme Vanessa. Je découvre les autres fonctions avec difficultés, mais c'est indispensable de pouvoir communiquer.

Le CROSS me conseille d'envoyer des appels fréquemment à la VHF canal 16, les chalutiers sont à 10 nautiques, ils doivent m'entendre, mais les "Mayday, Mayday" ne déclenchent aucune réponse… J'espère pouvoir couper la route d'un de ces chalutiers, le SHOEIMARU n°1, mais le vent refuse… À 6h45 Vanessa me relaie le message du CROSS : "Les chalutiers devant nous sont des Japonais et n'ont pas de gasoil compatible avec nos moteurs…" Je reçois un message comme quoi il y a un bateau à 35 milles de nous, le POLAR PACIFIC. Nous ne le verrons jamais, n'aurons aucun écho à l'AIS et ne l'entendrons jamais à la radio.

Nous calculons l'autonomie qui nous reste : il nous faudrait récupérer 800 l de gasoil au milieu de l'Atlantique ! L'Iridium ne fonctionne plus. A force d'insister, je finis par comprendre que la boite de réception est pleine. Je la vide et l'Iridium refonctionne après que j'ai effacé tous les messages. J'échange des messages avec Vanessa. La situation n'est vraiment pas brillante… La mer durcit et nous sommes obligés de mettre les deux moteurs, car nous nous traînons à 1,5 nd.

Maintenant nous sommes à 4 nd, mais la consommation de gasoil est double… À 14h50 le 5 avril 2021 message de Vanessa : un tanker peut nous donner 600 l de gasoil dans 4 h ! Cela nous redonne le moral… Le CROSS confirme, ravitaillement par le tanker CORAL TOPAZ, mais dans 10 h, c'est-à-dire en pleine nuit. Le CROSS nous demande de faire la manoeuvre de jour, car la mer est bien formée, 17 nd de vent. Le CROSS me téléphone la météo. Toujours au moins 15 nd de face ! La possibilité d'une livraison de gasoil nous redonne un peu le moral, mais nous commençons à nous demander comment nous allons faire ? Ont-ils des jerrycans, des fûts, comment les transborder… Autant de questions dont nous n'avons pas la réponse…

Du carburant fourni par un cargo pour que le catamaran continue sa route
Du carburant fourni par un cargo pour que le catamaran continue sa route

Mardi 6 avril 2021 :

0h41 le CORAL TOPAZ apparaît à l'AIS. 02h : contact radio avec le CORAL TOPAZ quand il est à 10 nautiques. J'arrive à comprendre l'anglais du capitaine. J'essaie de lui expliquer que j'aborderai son bâbord, que je mettrai des défenses sur mon tribord où se trouve mon poste de pilotage et qu'il faudra qu'il m'envoie deux amarres. Il est très coopératif. C'est un bateau de 195 m de long qui apparaît.

Yves me dit de préparer un bidon étanche avec nos affaires personnelles, les papiers au cas où la manœuvre se passerait mal et que nous quittions le bateau. Je commence à me poser des questions et je me mets en position d'attente, à la barre. Nous avons mis tous les deux nos gilets de manœuvre et sommes assurés sur la ligne de vie ou sur point fixe. Je vois le tanker qui commence à virer pour nous aborder par tribord comme prévu. Nous nous faisons ballotter à l'arrêt et j'ai du mal à tenir le bateau dans le vent. Je me fais embarquer d'un côté ou de l'autre, mais je veux bien montrer mes intentions. Dans la nuit noire, sans point de repère pas facile de tenir le bateau. Chaque fois, je me remets nez au vent en lui présentant mon tribord.

Voilà, il est à un demi-mille, presque arrêté et le capitaine me dit par VHF qu'il maintient le cap 005°, ce qui me permettra de l'aborder en étant protégé du vent. J'aborde le tanker par son arrière-bâbord, il est bien positionné pour me protéger au maximum du vent, mais pas de la houle. Nous montons et descendons au moins d'un à deux mètres à chaque vague. Nous frôlons cette muraille d'acier noir. Un matelot me fait des signes avec une lampe rouge pour me montrer où me positionner. Une amarre nous est lancée, Yves réussit à l'attraper à l'avant.

Dès qu'elle est au taquet, je me mets en marche arrière pour venir me coller au tanker, mais le bateau ne réagit pas… Finalement je me mets en peu en travers en inversant les manettes de gaz et le catamaran vient se coller au tanker. Je redemande une amarre arrière à la radio. Un matelot finit par nous la lancer, Yves la met au taquet. Voilà, nous sommes collés au bateau, les défenses s'écrasent contre la coque du tanker. Les matelots nous font signe d'avancer le bateau, car nous ne sommes pas sous la grue. Nous mettons un certain temps à leur faire comprendre que, pour que l'on avance, il faut qu'ils nous lâchent un peu d'amarre arrière et qu'ils reprennent un peu d'amarres avant.

Voilà, nous sommes sous la grue après une rude bataille. Nous voyons un fût de 200 l s'élever dans les airs juste au-dessus de nous ! Je mets les gaz en inversant les manettes pour mieux coller le bateau au cargo et je vais aider Yves à l'avant. Le fût redescend, nous faisons toujours des bonds de 1 ou 2 m en vertical le long du tanker. Nous arrivons à saisir le fût avec Yves et le marin le dépose sur le pont en manœuvrant parfaitement avec la grue. Nous enlevons le système d'attache de chaque côté du fût, nous le faisons rouler et arrivons à le mettre debout dans le bac avant du bateau. Nous répétons trois fois l'opération et sommes épuisés. Les 600 l de gasoil sont à bord ! Nous négocions une pompe, car pour pomper dans les fûts, il faut une pompe que nous n'avons pas. Le chef d'équipe n'a vraiment pas trop envie de donner sa pompe… J'insiste à la radio auprès du capitaine et ils nous descendent la pompe dans un seau, avec un sac mortuaire. Nous les remercions, échangeons de grands signes, puis les amarres larguées, nous nous enfonçons de nouveau dans le noir. Le tanker remet les gaz et disparaît très vite…

Je mets un SMS à Vanessa. Il est 4h20 et nous sommes le mardi 6 avril. Cela fait deux jours complets que nous n'avons pas dormi une seule minute. Nous passons la journée à transborder le gasoil des fûts dans les réservoirs. Nous faisons cela avec un bidon de 10 l, en nous faisant ballotter dans tous les sens, voire asperger régulièrement par une vague. Nous finissons épuisés à 16 h, trempés et sentant le gasoil, mais sans en avoir perdu ! On a rempli les deux réservoirs de notre bateau.

Se rapprocher au maximum pour réceptionner les bidons
Se rapprocher au maximum pour réceptionner les bidons

Mercredi 7 avril 2021 :

Nous nous partageons la nuit avec Yves et nous retrouvons un peu de sommeil, quelques heures chacun. À 3 h du matin, le CROSS nous appelle pour nous donner rendez-vous avec le STAR MAJESTY à 9h30 pour transborder le corps. Après en avoir parlé avec Yves, nous refusons, car la mer est trop agitée. Nous essayons de mettre le solent, mais il nous ralentit plutôt… Nous l'enroulons. Nous remettons 50 l de gasoil dans chaque réservoir avec notre petit jerrycan de 10 l. Cela ne va pas vite, mais notre méthode est bien au point maintenant et nous sommes efficaces. Soudain le moteur bâbord cale ! Yves descend dans la cale moteur, me demande une clé de 13 et une clé de 17. Je vais les chercher, il ouvre un injecteur : plus de gasoil ! Il cherche et me demande si j'ai un filtre à gasoil. Je vais en chercher un et il le change. Le moteur crachote, démarre sur deux cylindres, puis remarche normalement…

À 11h30 le STAR MAJESTY me téléphone via l'Iridium et nous tombons d'accord sur le fait que la mer est vraiment trop grosse pour tenter un transbordement du corps. Le capitaine semble très coopératif et j'arrive aussi à le comprendre en anglais, ce qui n'est pas négligeable. Soudain, l'icône AIS du STAR MAJESTY apparaît derrière nous. Visiblement il vient à notre rencontre. Nous établissons un contact VHF et il me propose 150 l de gasoil, que nous acceptons.

La mer s'est un peu calmée et à 15 h nous effectuons la manœuvre. Ils nous descendent les jerrycans un par un et Yves les attrape. Ils font quand même 40 l chacun. J'essaie à chaque fois de me placer au mieux, mais ce n'est pas simple. La coque du bateau est très fuyante et je suis obligé de me placer dessous. Je suis mal protégé du vent et de la houle du fait de la forme du navire. Je racle la coque une ou deux fois… Nous avons les 6 bidons et après les avoir bien remerciés, nous nous éloignons le plus vite possible pour reprendre notre route. Manœuvre vraiment à risque !

À 16h33 le CROSS nous appelle pour faire le point de la situation : il semble que nous ayons assez de gasoil pour rejoindre au moins la proximité de Mindelo, tout va bien à bord. Ce petit entretien quotidien nous montre que nous ne sommes pas abandonnés et nous remonte le moral. J'insiste pour avoir une assistance "administrative" à notre arrivée à Mindelo.

Jeudi 8 avril 2021 :

Nous vidangeons le dernier fût et mettons en plus un bidon du STAR MAJESTY. Il nous a donné un gasoil très "dense", ce qui risque d'obstruer les filtres des moteurs, alors nous essayons de le diluer avec du gasoil plus "limpide" pour avoir une moyenne… Nous faisons notre ravitaillement tous les matins… J'arrive à allumer l'ordinateur et j'arrive à charger la météo que le routeur nous a envoyée. Yves change le filtre à gasoil du moteur tribord, qui lui aussi a calé.

Des bidons stockés sur le plage avant
Des bidons stockés sur le plage avant

Vendredi 9 avril 2021 :

Je prends 3° plus Nord pour essayer d'éviter une zone où il y a un peu plus de vent. Je laisse dormir Yves jusqu'à 5 h, puis je vais dormir à mon tour. Nous avançons bien, la mer est calme, le vent de 9 à 10 noeuds. Le bateau ne tape plus, nous faisons 5,2 noeuds de moyenne, nous avançons bien. Le CROSS envisage la possibilité d'un ravitaillement par un cargo CMA CGM, mais dans la soirée le vent se lève et des vagues apparaissent. Nous ne prenons pas cette offre après en avoir bien discuté avec Yves. Normalement, nous avons assez de carburant pour aller très près de Mindelo, donc pas de risque inutile à aller aborder un gros cargo par mer formée. Le CMA CGM SAINT LAURENT nous double à 18,5 noeuds et passe à 0,5 nautiques sans contact radio. Nous n'avons vraiment pas envie de retenter un abordage avec un cargo par 18 noeuds de vent. Après 6 jours, la fatigue s'accumulant, il nous semble que les risques augmentent. Ce serait idiot de se fracasser maintenant alors que l'on a pratiquement de quoi rentrer ou de bien s'approcher des côtes !

Le vent se lève assez fort, jusqu'à 20 noeuds, ce qui nous ralentit considérablement. Le bateau pioche un maximum en retombant dans un bruit d'enfer. De l'eau de mer entre par la bonde des douches de la coque tribord, et nous sommes obligés d'activer la vidange de douche toutes les 4 h. Je diminue un peu les tours moteurs pour être le plus économique possible, et taper le moins possible. L'ordinateur retombe en panne…

Samedi 10 avril 2021 :

Je vais me coucher à 4 h. Je me réveille à 9 h, le bateau marche mieux, le vent est un peu tombé, nous n'avons plus que 11 noeuds de face et l'on avance mieux. Nous réfléchissons aux différentes solutions en échangeant avec Vanessa et le CROSS : les jauges sont très difficilement interprétables, vus tous les mouvements du bateau. Le mieux nous semble de continuer à avancer tout droit, plus nous serons proches des côtes, plus on pourra nous aider. Nous avons consommé plus de gasoil que prévu, le vent de face étant plus fort. Je répare à nouveau l'ordinateur, ce qui permet d'avoir les AIS sur l'écran du carré et nous évite de monter à la barre. Toujours l'angoisse du gasoil… On ne sait pas quelle quantité nous avons dans les réservoirs, les jauges bougeant constamment vu les mouvements de roulis et de tangage du bateau.

À 17 h l'Iridium sonne : le CROSS nous propose un ravitaillement avec un cargo de 225 m de long à 21 h UTC. Après en avoir parlé avec Yves, nous acceptons. Visiblement notre niveau de carburant baisse de plus en plus et nous n'avons pas le choix. À 21 h, pas de bateau à l'horizon. Vanessa nous dit que ce sera plus tard. À 2h40 nous voyons apparaître derrière nous sur l'AIS, un cargo chinois, le HUAXING HAI. Nous avons confirmation par Vanessa, c'est bien lui qui nous ravitaille. Il nous propose 150 l de gasoil. Cela nous permettra de rallier Mindelo sans problème. Je le vois se rapprocher, il avance à 12 noeuds et nous rattrape vite. Quand il est à 10 nautiques, la portée de notre VHF, j'établis le contact radio. Je lui explique en anglais comment je voudrais faire la manœuvre. Le capitaine est très coopératif et accepte ma proposition sans aucun problème. C'est la troisième fois que nous effectuons cette manœuvre et je commence à la connaître.

Le HUA XING HAI arrive dans la nuit, je le vois ralentir à l'AIS, il se met dans le vent puis tourne légèrement sur son bâbord. Voilà, il est en position et je l'aborde sur son bâbord par notre tribord. La zone de dévente est parfaite sur son arrière, enfin un peu de calme. Un marin jette une amarre, Yves la met au taquet avant et je mets en arrière le moteur bâbord. Le bateau recule et la paroi sombre du cargo est de plus en plus proche. Comme d'habitude maintenant, je mets le moteur tribord en avant pour pivoter et je vois l'amarre tomber du bateau. Le marin ne l'a pas frappée sans doute… J'entends les cris des marins qui courent sur le pont du cargo. Je débraye aussitôt les hélices et je hurle à Yves de ramasser très vite l'amarre. L'amarre dans l'eau et les hélices c'est dangereux. Le vent et la houle nous éloignent un peu du cargo. Voilà, Yves a récupéré l'amarre. Nous pouvons recommencer la manœuvre. Cette fois, je peux m'appuyer sur l'amarre avant que les marins nous lancent ! Elle est bien fixée sur le cargo. Le catamaran pivote sous l'effet de ses moteurs, Yves attrape l'amarre arrière, la frappe sur le taquet arrière. Je laisse les manettes des moteurs en prise et inversées pour rester collé au cargo. Les défenses s'écrasent contre cette paroi de 6 ou 7 m de hauteur, le long de laquelle nous faisons l'ascenseur. Les marins chinois commencent le transbordement du gasoil : ils l'ont mis dans des bouteilles de 5 l d'huile de friture, ils nous les descendent deux par deux… Nous les attrapons à tour de rôle et je vais les mettre entre les fûts à l'avant. Ils nous en passent ainsi une vingtaine, puis 3 bidons de 40l. Ils nous demandent par radio si l'on a besoin d'autre chose, d'eau, de nourriture. À un marin, je fais signe de porter ma main à la bouche comme pour fumer. Il me fait signe d'attendre, puis revient avec deux cartouches de cigarettes qu'il met dans un seau et nous les descend. C'est un petit geste, mais il fait chaud au cœur !

Une manoeuvre sous haute surveillance
Une manoeuvre sous haute surveillance

Dimanche 11 avril 2021 :

J'arrive à dormir un peu, la mer est calme jusqu'à midi et nous passons la barre symbolique des 100 nautiques de l'arrivée. Nous sommes rassurés sur le gasoil, mais les deux voyants rouges de charge des moteurs sont allumés. Le vent se lève, de face comme toujours, atteint les 20 noeuds, les vagues se forment, la vitesse chute… Le bateau tape assez fort sur les grosses vagues, de temps à autre l'alarme du moteur tribord se met à sonner, le compte tour marque 0, mais le moteur tourne… Puis cela repart…

Nous voyons apparaître l'île de Santo Antao. Le vent ne faiblit pas, nous nous traînons à 4 noeuds… Le bruit strident de l'alarme moteur me glace à chaque fois. Nous avançons quand même, mais les dernières heures semblent interminables… Je réduis légèrement les gaz pour éviter que le bateau ne tape trop fort sur les trains de vagues. La nuit tombe, j'échange quelques SMS avec Vanessa, qui nous prévient d'épaves dans la rade. Je n'ai plus que l'iPad comme carte pour rentrer, l'écran de barre étant en dégradé. J'arrondis l'entrée, passe entre les épaves et nous entrons dans la rade. Le vent et surtout les vagues se calment au fur et à mesure que nous avançons.

Le centre de contrôle du port de Mindelo m'appelle à la VHF et me donne les coordonnées géographiques du poste d'amarrage. Yves réussit à les rentrer dans son téléphone et cela nous donne un endroit dans les terres… Nous allons vers le fond du port, ce ne peut être que par là… Je passe un message VHF pour demander où aller et visiblement il n'a pas la réponse. Il me signale une lumière clignotante orange, que je crois apercevoir. Je vais vers elle en évitant les épaves et les bateaux mouillés sans feu. Il n'y a aucun balisage. Yves est à l'avant et surveille, l'alarme du moteur tribord hurle de temps en temps. Je vois un gyrophare de police, je vais vers lui et le contrôle du port me rappelle pour me dire d'aller vers la voiture de police.

Voilà, j'attaque la manœuvre d'abordage du quai derrière un petit cargo. Il y a au moins 20 personnes qui nous attendent le long du quai. Je suis obligé d'aborder tribord du fait de la position du poste de barre, donc arrivée en marche arrière. Yves passe les deux amarres. Voilà, nous sommes à quai. Nous sécurisons le bateau en mettant deux amarres de plus. Je n'arrive même plus à faire un nœud de chaise… Le consul de France et les policiers viennent nous voir.

Lundi 12 avril 2021 :

Les policiers arrivent à 9 h avec le consul de France comme traducteur, nous rendent les documents, nous posent des questions pour comprendre les évènements, puis s'en vont en nous demandant de leur signaler nos mouvements et nous demandent de faire les formalités d'arrivée - Police Aux Frontières et Police maritime. Nous partons pour la marina où nous nous amarrons sur pendilles. Je suis obligé de changer de poste, car au premier les pendilles ne sont pas bonnes… Je n'ai pas besoin d'arrêter le moteur tribord quand les pendilles sont tendues, il tombe en panne… Nous verrons que c'est à cause d'un fusible non pas "fondu", mais cassé probablement à cause des chocs des vagues...

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Claude Gragnolati
Claude Gragnolati
il y a des miracles
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