Interview / Charlie Dalin : "Ça fait 16 ans que je travaille sur cette Route du Rhum"

© Maxime Horlaville / Disobey / Apivia

Charlie Dalin est l'un des ténors du circuit IMOCA. Trustant les podiums et les victoires, il est le grand favori de cette 12e édition de la Route du Rhum, dont il prendra pourtant le départ pour la première fois. Cette première sera aussi la dernière à bord de son actuel IMOCA.

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Arrivé sur le circuit en 2019 après des années en Figaro, Charlie Dalin a rapidement pris le lead sur les courses. Podiums, victoires, il a passé quatre années, à gagner tout ou presque... Il espère décrocher une nouvelle victoire sur cette Route du Rhum à bord de son Apivia, qui doit rejoindre les écuries de Banque Populaire et sa nouvelle skipper Clarisse Crémer au retour de Guadeloupe.

Depuis ton arrivée sur le circuit IMOCA en 2019, tu accumules les victoires et les podiums. Abordes-tu cette Route du Rhum 2022 sur cette même logique ?

On verra le résultat à Pointe-à-Pitre. La saison a plutôt bien commencé cette année. C'est plutôt de bon augure pour la Route du Rhum. Je suis content du travail de toute l'équipe et des performances que j'ai avec le bateau. L'objectif, c'est d'aller chercher une victoire sur la course.

Malgré tes 4 années sur le circuit, c'est ta première Route du Rhum ? Ça représente quoi ?

C'est une course qui me fait rêver depuis longtemps. La première édition que j'ai suivie était en 1994. J'avais 10 ans, c'était la première victoire de Laurent Bourgnon. C'est une course qui m'a fait rêver. C'est LA transat en solitaire de référence.

J'ai une histoire amusante avec la Route du Rhum. J'étais sur la ligne de départ de toutes les éditions depuis 2006, sans jamais être skipper. En 2006, j'étais dans l'équipe d'un Class40 à la construction duquel j'avais participé. En 2010, j'étais dans le bureau d'études d'Armel le Cléac'h. En 2014, j'étais routeur pour Yann Eliès avec Christian Dumard et en 2018, j'étais de nouveau avec Yann Eliès sur les stages d'avant Route du Rhum. À chaque édition, j'étais débarqué du bateau avant le départ.

En 2018, Apivia était déjà en construction, je savais que je serai sur l'édition 2022. Au final, ça fait 16 ans que je travaille sur la Route du Rhum.

Apivia © Pierre Bouras / disobey. / Apivia
Apivia © Pierre Bouras / disobey. / Apivia

Cette course sera la dernière avec ton bateau, quel est ton sentiment ?

J'aimerais bien que ce cycle de quatre ans avec Apivia 1 se termine aussi bien qu'il a commencé. Ma première course avec ce bateau, c'était la Transat Jacques Vabre 2019, avec Yann Eliès. On l'a remportée et j'aimerais bien finir sur une belle victoire. Je ne sais pas comment je vais réagir en débarquant. Mon nouveau bateau, sur le papier, sera encore mieux que celui-là. Mais j'y suis attaché quand même.

Est-ce que vous avez continué d'optimiser Apivia, notamment pour cette Route du Rhum ?

On aurait pu penser qu'on le délaisserait, mais l'objectif était de continuer le développement, car la Route du Rhum est importante. C'est le deuxième gros objectif après le Vendée Globe. On a réfléchi et travaillé sur comment progresser dans tous les domaines.

La Route du Rhum, j'y pense depuis la saison dernière. Après le Vendée Globe, les courses étaient essentiellement en Atlantique avec des conditions différentes du tour du monde. On a plus typé le bateau pour qu'il fonctionne dans toutes les conditions, qu'il soit le plus polyvalent possible avec des voiles plus grosses que pour un Vendée Globe.

Apivia © Pierre Bouras / disobey. / Apivia
Apivia © Pierre Bouras / disobey. / Apivia

Quelle est ton analyse sur les nouveaux plans récemment mis à l'eau ?

J'attendais le Défi Azimut avec impatience parce que c'était justement la première confrontation avec les foilers de 3e génération. Ça m'a conforté dans deux domaines. Je suis content d'avoir refait un bateau avec Apivia. J'ai pu voir que certains bateaux étaient déjà très performants alors qu'ils sont au début de leur progression. S'ils sont aussi performants à leur début, ils seront plus performants qu'Apivia 1 à la fin. Ils vont avoir une courbe de progression forte. Les choix architecturaux et les comportements, les évolutions m'ont conforté dans les choix que j'ai faits.

Au terme d'un cycle entier avec Apivia 1, au bout de combien de temps dirais-tu connaitre ton bateau à 100 % ? Est-ce que la courbe d'apprentissage peut continuer à évoluer ?

Il y a toujours moyen de progresser. J'ai fait 7 Solitaires du Figaro en l'espace de 8 ans et je trouvais des solutions pour aller un peu plus vite à chaque fois. Au bout d'un moment, c'est la plateforme qui arrive au bout. On peut faire de gros gains avec des changements, notamment au niveau de la forme de coque, mais il faut refaire un bateau.

J'ai senti une grosse différence avant et après le Vendée Globe. J'avais l'impression de faire corps avec mon bateau après. Tout était ancré en moi.

Avec Apivia 2, on va naviguer un peu plus que la dernière fois. On met à l'eau plus tôt. La dernière fois, on a perdu trois mois à cause du Covid. L'objectif avec Apivia était de faire un tour du monde en cumulant toutes les sorties effectuées avant le départ du Vendée Globe. On est arrivé à 20 000 milles au lieu des 24 000 milles. Cette année, l'objectif est de s'approcher des 30 000 milles avant le Vendée Globe pour naviguer encore plus et gagner en fiabilisation.

Apivia © Pierre Bouras / disobey. / Apivia
Apivia © Pierre Bouras / disobey. / Apivia

Penses-tu que la prise en main du nouveau bateau sera plus rapide ?

Clairement. À bord d'Apivia, j'ai fait mes premières navigations en solo en IMOCA. Aujourd'hui, j'ai l'équivalent de deux tours du monde sur Apivia. Mon nouveau bateau est du même architecte. On va retrouver des similitudes entre les deux, notamment en termes de système, que l'on va faire évoluer. J'ai beaucoup appris sur Apivia et j'aurai moins à apprendre qu'avec les foilers de seconde génération, qui a vu l'arrivée des grands foils.

La première génération, comme Banque Populaire, avait des petits foils et un comportement hybride entre dérives et foils. Ils ne marchaient vraiment qu'au vent de travers, et avec beaucoup de vent.

L'arrivée des grands foils a généré des incertitudes sur leur fonctionnement. Sur le jeu de voile nécessaire aussi. On affine les choses et il y a moins d'inconnus. Je devrais partir de moins loin que lors de la mise à l'eau d'Apivia 1.

Quelle est la suite du programme ?

Le retour se fera en convoyage commun entre Banque Populaire et Apivia. Le bateau rejoint directement Lorient. La mise à l'eau du nouvel Apivia est prévue entre avril et mai. Je vais en profiter pour être présent avec l'équipe et prendre les dernières décisions. Je vais aussi commencer ma préparation physique.

Peux-tu nous parler de ton nouvel IMOCA ? En quoi sera-t-il différent ?

L'objectif était d'améliorer le passage dans les vagues. La coque va être différente, même s'il conserve certains airs de famille avec Apivia 1. En terme de philosophie de design, on a choisi un bateau sans compromis en termes de performance, mais trouvé des solutions pour que ce soit plus vivable.

C'est-à-dire que pour avoir le bateau le plus performant possible, on n'a fait aucun compromis sur la dureté du bateau au niveau de la coque, des foils... On a choisi une organisation de cockpit et de zone de vie pour supporter au mieux ces conditions de navigation très difficiles, et tenir la cadence le mieux possible. Ce sont des bateaux inconfortables, avec beaucoup de chocs.

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