Pirates modernes : réflexions sur la mer, la liberté et la moralité selon le Capitaine Tonz

© Captaintonz

La piraterie moderne, souvent perçue à travers les filtres du cinéma et des légendes, se cache parfois sous des formes bien plus subtiles. À travers le parcours du Capitaine Tonz, c'est un autre visage de ce monde singulier qui se dévoile : celui d'un homme devenu pirate par choix, loin des clichés, mais toujours guidé par une quête de liberté.

Ayant grandi sous de mauvais auspices, Anthony Cummins, alias Capitaine Tonz, a décidé de fuir très jeune un destin qu'il ne pouvait accepter, ne trouvant comme seul refuge que l'océan. Il n'imaginait alors pas que sa quête de liberté le conduirait à devenir un pirate respecté par des personnalités puissantes aux quatre coins du monde. Mais derrière cette vie de pirate, se cache aussi un homme passionné par la mer, dont le lien profond avec cet élément lui a permis de naviguer à travers les tempêtes et d'affronter les adversités. Aujourd'hui à la retraite, le Capitaine Tonz dévoile dans ce deuxième volet une réalité du monde de la piraterie bien éloignée des clichés véhiculés par les films et romans. Voici le portrait brut d'un pirate des temps modernes.

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On associe souvent les pirates à l'image de l'individu solitaire, mais vous évoquez le fait que vous faisiez partie d'une communauté plus large. Comment percevez-vous la piraterie dans le monde moderne par rapport à l'image habituelle que l'on s'en fait ?

L'image que vous, et presque tout le monde, avez des pirates est principalement basée sur les 35 figures notoires de "l'âge d'or" de la piraterie, souvent associées à une réputation négative. Pourtant, selon le musée de Greenwich, il y avait en réalité plus de 5 000 pirates actifs à cette époque.

 Ching Shih, femme pirate chinoise du 19e siècle
Ching Shih, femme pirate chinoise du 19e siècle

Je viens d'enregistrer un podcast filmé avec Dare Pictures of London et son PDG, Derren Lawford (en boucle), où je parle en détail de ce point que vous soulevez. Je les appelle "Pirates invisibles", car ils étaient tout simplement invisibles. Moi aussi j'étais invisible, nous le sommes tous, mais nous sommes pourtant tous bien présents autour. Malheureusement, les pirates ont été décrits comme ayant une jambe en bois, un cache-œil, un perroquet et parlant avec un drôle d'accent ; je n'ai aucun de ces attributs.

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En tant qu'expert de la mer, vous avez vécu des situations dangereuses, mais vous êtes également aujourd'hui un défenseur de la conservation marine. Comment ces deux aspects se combinent-ils dans votre vie ?

Si vous creusez au plus profond du cœur de tout pirate, qu'il soit ancien ou moderne, la mer est Mère. Tous les murmureurs de la mer du monde entier lui parlent. Comme eux, la mer me parle. Est-elle heureuse, triste, en colère ? Voilà les premières questions de toute conversation. La mer du Nord est triste. Elle souffre d'une attaque toxique cachée qui, si elle n'est pas corrigée, pourrait être fatale. J'en parlerai d'ailleurs dans le prochain podcast dont je vous ai parlé. J'attire l'attention du gouvernement britannique sur ce problème depuis plus de 7 ans. Je n'ai jamais reçu une seule réponse ; je l'attribue au fait d'être un pirate.

Pourriez-vous nous en dire plus sur votre projet visant à nettoyer les océans des microplastiques ?

Il s'agit simplement d'un projet destiné à sensibiliser toute personne, dans n'importe quel pays ayant une côte sur la mer du Nord, au problème des microplastique, jusqu'à ce que quelqu'un prête enfin attention au sujet, et de proposer une solution simple (repeupler temporairement les rivières et les océans du monde entier avec des moules qui sont des nettoyeuses naturelles capables de filtrer jusqu'à 30 litres d'eau par jour).

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Dans vos écrits, vous mentionnez que tous les pirates ne sont pas mauvais. Qu'est-ce qui, selon vous, distingue un "bon" d'un "mauvais" pirate ?

Il y a de bons journalistes et de mauvais, de bons et de mauvais policiers, de bons et de mauvais médecins, de bons et de mauvais en tout. Heureusement, les mauvais sont très peu nombreux. La même loi sociale s'applique aux pirates mais pour une raison très étrange, les mauvais pirates sont devenus représentatifs de toute la catégorie. Alors, à quoi servent les pirates ? Chen Shih a mis fin au commerce de l'opium. L'actualité d'aujourd'hui se concentre sur Kiev, fondée par un pirate viking, Rurik. Drake et l'Armada espagnole… La liste est longue, et je me permets de citer un célèbre amiral britannique qui a un jour affirmé que l'histoire du monde a été écrite par des pirates. Et croiriez-vous que lors de la célèbre bataille de Trafalgar, un tiers des navires de Nelson étaient des pirates, dont beaucoup étaient français ? Telles sont les complexités qui ont changé le monde, impliquant des pirates. Peut-être que Napoléon aurait dû s'entourer de plus de pirates !

Votre parcours, bien que marqué par la piraterie, est également lié à un profond amour de la mer. Comment l'océan a-t-il façonné votre vision du monde et votre sens de la moralité ?

L'amour de la mer est avant tout ce qui me motive, c'est le moteur de tout. Elle est la voix de la planète elle-même. Lorsque la planète parle, nous ne pouvons pas toujours l'entendre car nous sommes connectés à elle, nés dans la vibration de la Terre. La mer prend cette vibration et devient un amplificateur en modifiant la fréquence des vibrations de la planète. Ainsi, elle nous permet d'écouter la mer et d'entendre ce que la planète a à nous dire.

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La morale change et a toujours changé. Cependant, si l'on revient à l'événement de La Rochelle en 1307, lorsque notre drapeau a été hissé pour la première fois en défi au roi et au pape, cet événement prend une signification particulière si l'on considère la véritable portée du drapeau : la LIBERTÉ. Peu importe l'interprétation qu'en donnent Hollywood ou les historiens, il s'agit là du premier drapeau de la liberté.

La liberté et la moralité vont de pair. Plus tard, avec l'émergence du Code Pirate commun, ce mariage de liberté et de moralité a entraîné des changements spectaculaires dans tous les aspects de la vie. Parmi les nombreuses règles qui y figuraient, on trouvait des dispositions sur le mariage homosexuel et les pensions d'invalidité : un pirate perdant un membre recevait une compensation, et si un pirate mourait, sa veuve était prise en charge. Ces pratiques doivent être vues comme l'expression d'une moralité avancée, bien avant que ces valeurs n'aient été appliquées à la population générale que des centaines d'années plus tard.

La liberté, en fin de compte, c'est être libre de vivre selon des principes moraux.

Aujourd'hui, vous êtes retraité de la piraterie. Quel regard portez-vous sur votre vie ? Quels moments ont été les plus marquants pour vous ?

Les moments drôles. Être pirate peut sembler romantique ou excitant pour certains, mais en réalité, c'est avant tout un travail. Je me souviens de certains moments surtout parce qu'ils étaient soit drôles, soit étranges d'une manière ou d'une autre. Je n'ai pas de véritable taux d'échec, mais il y a des missions où je n'ai jamais fait de profit, et celles-là, bien sûr, restent dans ma mémoire.

Pensez-vous que le monde maritime a changé au fil des années ? Comment les pirates modernes, comme vous, s'intègrent-ils dans cet environnement ?

Bien sûr que oui, et le changement n'est pas toujours positif. Avec l'avènement de la technologie et de l'IA, "l'art" de la navigation est en train de mourir. Aujourd'hui, certains bateaux longent les côtes françaises sans que leurs équipages ne portent vraiment attention à la mer. Les yeux qui devraient scruter l'horizon sont désormais rivés sur un match de football à la télévision, et ce n'est même pas une exagération.

Les plaisanciers s'éloignent peu à peu de la mer et deviennent de plus en plus dépendants de la technologie. Un jour, si les systèmes GPS et de navigation venaient à tomber en panne, une grande partie des bateaux en mer serait perdue. Personne ne saurait quoi faire. Les gens regarderaient la mer et le ciel, sans comprendre. Quant à l'intégration des pirates modernes, certains métiers sont devenus plus difficiles, voire impossibles, tandis que d'autres sont devenus plus accessibles. C'est une question de hauts et de bas.

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Alors que la piraterie est toujours présente dans certaines parties du monde, comment les plaisanciers doivent-ils se préparer à la navigation ?

Le terme "plaisanciers" est large. Il peut désigner aussi bien une famille naviguant avec un chien qu'un yacht de millionnaire. Pour une famille à bord d'un bateau, je recommanderais d'avoir un drapeau pirate. Cela pourrait même dissuader des pirates potentiels qui pourraient voir cela comme une tentative de les tromper. En revanche, pour le scénario du yacht de millionnaire, ma recommandation serait de se rendre rapidement et de payer la rançon sans attendre. Le temps perdu serait bien plus coûteux.

Le respect, dans ce cas, aide à désamorcer une situation potentiellement violente. Dans tous les cas, il est crucial de bien s'informer des risques avant de naviguer dans une zone particulière, surtout lors d'une traversée de jour ou de nuit. Les raisons des attaques modernes sont multiples : la plupart des pirates cherchent à récupérer des cargaisons et ne s'intéressent pas aux bateaux de passage. Toutefois, les pirates somaliens n'ont pas les mêmes motivations que ceux des régions de Sulu ou Malacca.

Il convient également de distinguer les vrais pirates des gangs criminels. Par exemple, dans le golfe du Nigéria, bon nombre des soi-disant pirates ne sont en réalité que des gangs organisés. De plus, les "anomalies" existent aussi, comme en Somalie où seulement un pirate sur 27 était véritablement pirate ; les autres étaient des seigneurs de guerre qui retenaient les familles des pirates en rançon pour les forcer à faire le travail à leur place. En résumé, quiconque traverse la mer de Somalie ne devrait pas se soucier des pirates, mais plutôt des seigneurs de guerre. Quant aux vrais pirates somaliens, j'ai travaillé avec eux ; ce sont des gars vraiment sympas.

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Le parcours du Capitaine Tonz nous montre qu'au-delà de l'image du pirate impitoyable, il existe une quête de liberté derrière laquelle se cache une vision plus complexe de la navigation et du respect de l'océan. Alors, si un jour vous croisez un bateau arborant un drapeau pirate, il se pourrait que ce ne soit pas une menace mais simplement un appel à la réflexion ; une manière originale de rappeler que la mer, elle seule, reste le véritable territoire de la liberté.

Sur les photos publiées dans cet article, le capitaine Tonz a choisi de dissimuler ses yeux avec une bande noire afin de préserver son anonymat.

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