Le véritable secret du premier tour du monde à la voile

Magellan a réalisé la première circumnavigation et découvert le détroit qui porte son nom. Et c'est à une erreur de cartographie et à un témoignage faussé qu'il doit cette incroyable découverte.

" Il existe un passage conduisant de l'océan Atlantique à l'océan Indien. Je le connais, je sais l'endroit exact où il se trouve. Donnez-moi une flotte et je vous le nommerai et je ferai le tour de la terre en allant de l'est à l'ouest."

Voilà l'affirmation à laquelle s'était livré Magellan. Contrairement aux autres, il n'émet pas une supposition, mais bien une déclaration. Mais comment connaissait-il l'emplacement de ce passage alors que personne ne l'avait encore trouvé ? Et ni lui ni Faleiro n'avait jamais approché les côtes américaines. Alors s'il est si sûr de l'existence de ce bras de mer, c'est qu'il l'a appris de quelqu'un. Il n'aurait donc finalement aucun mérite à avoir "découvert" le détroit qui porte désormais son nom.

D'après les écrits de Pigafetta — qui prit part à l'expédition de Magellan et relata le tour du monde — le navigateur aurait appris l'existence de ce passage sur une carte du fameux cosmographe Martin Benhaim, cartographe à la cour du roi du Portugal jusqu'à sa mort en 1507. Magellan ayant eu accès aux archives secrètes avait donc pu découvrir cette carte.

Mais Benhaim, le cartographe, n'avait lui non plus, pris part à aucune expédition. Alors comment était-il au courant ? Des archives relatent qu'au début du siècle, des expéditions portugaises ont exploré les côtes du Brésil et peuvent être même de l'Argentine. Eux seuls pourraient donc avoir vu ce passage.

Un autre élément vint renforcer l'existence du détroit. Le globe de Johann Schoener — qui existe encore aujourd'hui — fait état —, et ce dès 1515, soit bien longtemps avant le voyage de Magellan — d'un passage vers le Sud. Même si ce passage est situé à un mauvais endroit, un deuxième scientifique fait donc référence à un accès dans la terre. Mais on ne sait toujours pas comment Benhaim puis Schoener ont découvert son existence.

Il faut dire qu'à cette époque, chaque nation veille jalousement sur les résultats des expéditions organisées et les tient en secret.

Mais finalement une découverte inattendue montra d'où les deux cartographes et Magellan tenaient leur découverte. Il faut se référer à un tract allemand rédigé par un commissionnaire installé au Portugal à une maison de commerce d'Augsbourg pour comprendre cette découverte.

Il y explique qu'un navire portugais à découvert au niveau du quarantième degré de latitude un passage qui s'ouvrait de l'est à l'ouest, aussi grand que le détroit de Gibraltar, et qui conduisaient à d'autres mers. On attendrait ainsi facilement par ce passage les Moluques, île des épices qui fait tant rêver. Un avis qui affirmait donc qu'un passage reliait les océans atlantiques et indiens.

Ainsi, était expliquée la manière dont Magellan avait mis à jour un secret bien gardé. Mais aujourd'hui, on sait — contrairement à Magellan qui n'en a jamais eu l'idée — que ces marins s'étaient trompés. En continuant le rapport, on apprit que les marins étaient entrés dans le golfe, mais qu'après deux jours, une violente tempête les avait repoussés. Ils ont donc juste supposé que c'était le fameux passage recherché.

Sauf qu'au quarantième degré ce n'est pas le détroit de Magellan qui s'ouvre, mais bien l'embouchure du Rio de la Plata. Ce fleuve immense qui s'ouvrait devant eux et dont il n'avait jamais vu de similaires en Europe pouvait aisément passer pour une mer. Ils avaient donc confondu le détroit et le fleuve, ce que confirmeraient plus tard les cartes dessinées d'après leurs indications.

Car le détroit se situait bien en dessous du Rio de la Plata, au niveau du cinquante-deuxième degré de latitude. Magellan élaborait donc sa circumnavigation sur une erreur.

Voilà le grand secret de Magellan. Mais après tout, jamais l'explorateur n'aurait pu se voi confier une flotte d'une telle importance et convaincre un royaume de le suivre s'il n'avait pas cru ces cartes et rapports faussés.

Source : Magellan, Stefan Zweig

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