MOTHY, un modèle mathématique de prévision de la dérive pour sauver des vies en mer

Pollutions maritimes, chute à la mer, perte de chargement. La mer est peuplée de courants qui rendent hasardeuse la récupération de tout ce qui tombe à l'eau. Le modèle MOTHY propose une méthode de calcul mathématique de la dérive des objets dans l'eau.

MOTHY (Modèle Océanique de Transport d'HYdrocarbures), la méthode de prévision des dérives en place chez Météo France, a d'abord été pensé pour prévoir la dérive des nappes de carburant en cas de marée noire. C'est après les catastrophes majeures telles qu'Exxon Valdez ou encore Amoco Cadiz que la disposition d'un modèle fiable de suivi des pollutions a été créé. Aujourd'hui ce modèle est utilisé partout dans le monde pour la récupération des naufragers. C'est notmanet lui qui a été suivi pour la récupération de Kevin Escoffier dans le Vendée globe 2020-21.

Un double modèle de calcul

Simulation de la dérive d'un conteneur avec calcul de son taux d'immersion
Simulation de la dérive d'un conteneur avec calcul de son taux d'immersion

Il s'agit d'un modèle qui se base sur 2 couches :

  • La couche "média", ou modèle d'océan, développée pour représenter le mieux possible le courant de surface. En tous points du globe, les courants présents sur différentes couches au sein desquelles les polluants pouvaient se trouver sont modélisés. Ces fichiers sont créés en exploitant de l'imagerie satellite, des bouées in-situ et un important historique de relevés de profondeur de l'eau, mai saussi de hauteur des vagues et des ondes de houle.
  • La couche du MOTHY concerne les nappes ou objets flottants. Elle prend pour postulat qu'un objet identifié (nappe de pétrole, conteneur, avion, humain…) offre un profil de dérive type, qui ne variera quasiment pas. Il subira vents et courants, flottera plus ou moins et sera plus ou moins dégradé, mais le déplacement demeurera linéaire dans tous les cas.

Panel de 72 cibles distinctes

Les cibles SAR supportées par MOTHY
Les cibles SAR supportées par MOTHY

Ce sont ainsi, 72 cibles qui ont été créées pour l'exploitation efficace du modèle. Elles sont extrêmement détaillées, ne se limitant pas, par exemple, à une personne, mais différenciant une personne habillée d'une personne décédée ou encore, faisant la différence entre une chaîne de survie USCG et un canot de survie lesté.

Ces cibles, appelées "SAR Target" sont standardisées partout dans le monde, permettant aux opérateurs de Météo France de répondre avec précision à toute demande de calcul.

Ainsi, par exemple, comme nous l'explique le Directeur de Course Jacques Caraës : "Météo France a mis à notre disposition le modèle MOTHY pour prévoir l'endroit où se trouverait le canot de Kevin [Escoffier NDLR.] 2, 6, 9 et 12 heures après le déclenchement de sa balise de détresse. C'est ce qui nous a permis d'optimiser l'envoi de bateaux sur zone et ainsi, de gagner un temps précieux dans la recherche."

Vous l'aurez compris, en effet, Mothy est largement utilisé aujourd'hui, dans le cadre des opérations SAR (Search And Rescue) de sauvetage en mer.

Cette base de données comporte aujourd'hui 72 cibles, mais reste en perpétuelle évolution avec l'ajoue annuel de plusisuers nouvelles cibles (environ 5 nouvelles cibles par an).

Une méthode de calcul rapide

La puissance des ordinateurs de Météo France permet d'apporter une réponse rapidement aux demandes. Ainsi, 72 % des demandes de calcul sont servies dans l'heure (délai entre la demande de calcul et la livraison des résultats). 20 % des demandes concernent la localisation inhérentes à des personnes tombées à la mer.

Delais de réponse du service MOTHY en 2006
Delais de réponse du service MOTHY en 2006

Depuis 1994, année de création du service de prévision des dérives au sein de Météo France, ce sont, hors grands accidents (vol Air-France MH370, Erika …), près de 1000 activations qui ont lieu chaque année et auxquelles les opérateurs du Service Public Français répondent 24 heures sur 24.

Un modèle basé sur du réel

La qualité de la prévision de dérive dépend directement de la qualité des prévisions de vent utilisées. De ce point de vue, Météo-France exploite un grand nombre de sources de données météorologiques, notamment :

  • AROME couvre toutes les côtes de France, avec une maille de 1,3 km autour des côtes métropolitaines et de 2,5 km sur les zones de responsabilité des DOM/TOM.
  • ARPEGE, modèle global à maille variable, centré sur la France, pour les prévisions sur les mers européennes et le proche atlantique
  • Le modèle IFS du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT) pour les prévisions outre-mer ou pour les prévisions à moyenne échéance.

Le modèle MOTHY intègre les courants analysés et prévus par les systèmes d'océanographie opérationnelle tels que MERCATOR et MFS. Ces systèmes calculent les principales variables océaniques (température, salinité et vitesse du courant). Ils exploitent les données en provenance des satellites altimétriques (mesures de la hauteur de mer), et des données in-situ comme la température de surface de la mer et les profils verticaux de température et de salinité mesurées en mer. Ils intègrent enfin les données recueillies par chaque navigateur, plaisancier comme skipper de course, qui accepte de remonter les informations qu'il recueille au cours de sa navigation.

Ajustement permanent des modèles de calcul

L'assimilation des données mesurées dans les modèles d'océan est une composante incontournable des systèmes opérationnels de prévision océanique. Elle seule permet d'ajuster de façon régulière les résultats du modèle. En effet, par définition stable, un modèle mathématique tendra toujours à s'éloigner de la réalité. Les données fraîches fournies par les balises et satellites rendent ainsi plus réaliste dans le temps l'état simulé de l'océan. Des analyses et des prévisions à 2 semaines sont disponibles chaque semaine.

Des containers et des hommes

Une version du modèle permet de prévoir la dérive des objets flottants de type conteneur. Réels dangers pour la navigation, les conteneurs tombés à la mer doivent en permanence être signalés aux navigateurs ou mieux, récupérés pour ne plus constituer de dangers. C'est le moment d'alerte (au plus proche de la chute à l'eau) qui accordera la précision du calcul. Plus une alerte est précise, meilleures seront les chances de récupération de l'objet perdu.

MOTHY-leeway, s'applique aujourd'hui à 72 cibles dérivantes telles que personnes dans l'eau, engins de plage, radeaux de survie ou encore navires (du voilier au cargo). La base de connaissances initiale de cet algorithme a été constituée par le service des gardes-côtes américains sur la base d'expérimentations en mer. Elle est naturellement enrichie par des résultats d'expérimentation ou des retours d'expérience en provenance d'organismes spécialisés dans la simulation dans le premier cas, d'équipes d'organisation des secours (CROSS ou MRCC) dans le dernier cas.

Répartition des zones METAREA
Répartition des zones METAREA

Dates clés 

  • janvier 1994: le S.I.U.P.M. est mis en place: Météo-France est responsable des zones II et III et est service d'appui sur les zones I, III, VII et VIII.
  • février 1994: MOTHY peut être activé par un prévisionniste marine 24h/24 (pour des hydrocarbures uniquement).
  • juin 1996 : signature de la convention avec le Cedre.
  • mars 1998 : version conteneurs.
  • décembre 1999 : accident de l'Erika.
  • novembre 2000 : accident du Ievoli Sun.
  • avril 2002 : l'instruction du 4 mars 2002 relative à la lutte contre la pollution du milieu marin (documentation nationale POLMAR), précisant le rôle de Météo-France, est publiée au journal officiel.
  • novembre 2002 : accident du Prestige.
  • juillet 2007 : MOTHY version 2.0 intègre les courants des systèmes d'océanographie opérationnelle.
  • février 2008 : MOTHY version 2.1.
  • octobre 2008 : MOTHY version 2.2.
  • septembre 2009 : MOTHY version 3.0 intègre 63 cibles SAR.
  • Mars 2010 : MOTHY version 3.1
  • octobre 2010 : MOTHY version 3.2 intègre AROME.
  • avril 2011 : MOTHY version 3.3 intègre les ALADIN outre-mer.
  • septembre 2013 : MOTHY version 4.0 intègre les prévisions probabilistes et le multi-forçage océanique.
  • juillet 2015 : MOTHY version 4.1 intègre 13 nouvelles cibles.
  • octobre 2015 : MOTHY version 4.2 intègre une nouvelle cible (poti marara).
  • avril 2016 : MOTHY version 4.3 intègre les AROME outre-mer, MERCATOR global au 1/12° et MERCATOR IBI au 1/36°.
  • juin 2016 : MOTHY version 4.4 intègre le changement d'amure.
  • octobre 2017 : MOTHY version 4.4.1
  • juillet 2018 : MOTHY version 4.5 intègre MFS au 1/24°.
  • mars 2019 : MOTHY version 4.6 intègre des nappes de sargasses teledétectées.
  • avril 2019 : MOTHY version 4.7 intègre des nappes (pétrole, sargasses) de grande étendue géographique.
  • juin 2019 : MOTHY version 4.8: amélioration en Méditerranée (courant MFS) et en Polynésie Française (Archipel des Tuamotu, Fakarava).
  • janvier 2021: MOTHY version 4.9: amélioration autour de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon et en Polynésie Française (Archipel des Tuamotu, Rangiroa). Intégration du format ShapeFile. Optimisation des formats KMZ et GPX. Mise à jour de la liste des polluants.
  • février 2021 : MOTHY version 4.9.1: ajout de 6 nouvelles cibles.
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Gilles Brechbull
Gilles Brechbull
Article très intéressant, merci. Si demain je rencontre un conteneur au plein milieu de l'océan, puis-je contacter ce service pour le signaler ou ce système est-il réservé aux professionnels ?
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