La Neptune, barque du Léman, un voilier suisse centenaire à la restauration exemplaire

Des voiles latines sur le lac © O. Chauvin

Lorsque les bateaux de transport sont en bois et à voile, cela leur confère une élégance rare ! C'est le cas de la Neptune, une barque du Léman plus que centenaire, qui a chargé des tonnes de pierre et qu'une équipe de passionnés fait naviguer tout en gardant vivant le patrimoine des bateliers du lac.

Écoutez cet article

La Neptune est une barque du Léman à voiles latines. Elle a été patiemment restaurée et fait la fierté des genevois. Il ne s'agit pas seulement d'un joli bateau amarré à "3 jets de pierre" du fameux jet d'eau. C'est surtout un patrimoine vivant. Les membres de la fondation chargée de sa préservation ont à coeur de le remettre en état à chaque fois que c'est nécessaire, de naviguer à bord et surtout de former des équipages aux techniques de la navigation d'époque.

Une belle finesse de formes

Avec ses antennes qui culminent à 27 mètres, la Neptune se repère de loin. Elle est amarrée arrière à quai, une posture qui souligne ses formes étonnantes. Elle est étroite à la flottaison, tandis que ses bordés très inclinés lui assurent à la fois une belle assise sur l'eau et une grande capacité de charge. Le plus étonnant est le marchepied, nommé apousti, qui déborde de part et d'autre de la coque. Il forme une sorte de galerie qui élance encore la silhouette du bateau.

Des formes étonnantes
Des formes étonnantes

Des sorties d'équipage

Durant la belle saison, la Neptune assure des sorties à la voile ou au moteur. En complément, les membres bénévoles de l'équipage, les bacounis se retrouvent chaque semaine pour une navigation d'entrainement, suivie d'un pique-nique sur le lac. C'est l'une de ces sorties qu'il nous a été donné de partager.

Une sortie d'équipage par semaine
Une sortie d'équipage par semaine

Un poste pour les bacounis

Dans le poste d'équipage, une grande table occupe toute la partie centrale. Elle est adossée aux épontilles qui soutiennent les barrots de pont. Un poêle à bois voisine avec la pompe de cale monumentale. La hauteur est mesurée, mais l'espace est bien dégagé et une grande affiche reprend les plans du bateau avec la terminologie suisse des pièces qui le constituent.

Le poste est chaleureux
Le poste est chaleureux

Passeurs de savoir !

Un à un, les bacounis, arrivent à bord. Ils viennent se former pour renforcer l'équipage qui compte en moyenne une cinquantaine de membres, dont un tiers de femmes. Après un rapide briefing, chacun vaque à gréer les voiles et à passer les écoutes. C'est à peine si l'on entend les moteurs et déjà le bateau passe au pied du jet d'eau pour gagner le lac. Le temps est superbe et il y a du monde sur l'eau !

Un briefing précède la sortie
Un briefing précède la sortie

Sous voiles cap sur le Mont Blanc

En équilibre sur le beaupré, un équipier endraille le foc. Le Grand Voilier et le Trinquet, noms suisses qui correspondraient à la grand-voile et à la misaine, montent aux mâts et les quelques 300 m² de toile se gonflent au vent léger de cette fin de journée. Tout est efficace, à sa place et la Neptune trace sa route sur les eaux du lac, comme elle le fait depuis 117 ans ! Les verres sortent, les victuailles aussi et c'est à la nuit tombée que nous passons à nouveau entre les digues du port, cap sur les lumières de la ville.

Quel environnement !
Quel environnement !

Une histoire gravée dans la pierre !

Le bateau a été construit en 1904 au chantier naval de Locum, à une époque où l'on comptait une bonne centaine de barques sur le lac… La Neptune transportait 120 tonnes de pierres en pontée jusqu'à son désarmement en 1968. Délaissée, la Neptune se dégrade et finit par couler dans le port. Elle est remise à flot et rachetée par l'État de Genève en 1971. Rénovée une première fois, sa gestion est confiée à la Fondation Neptune.

Une barque chargée en pontée
Une barque chargée en pontée

Reconstruite plusieurs fois

Le but premier était de permettre au bateau de re-naviguer et quelques entorses aux règles de l'art ont été commises lors de sa remise en état. Elle a néanmoins permis de maintenir le bateau à flot et d'assurer des sorties de groupes. Pourtant en 2005, la Neptune n'en peut plus et pour son centenaire, c'est une véritable reconstruction qu'il faut envisager. La quille est remplacée ainsi que 90 % des membrures.

Parfois, il faut cesser de naviguer pour entretenir
Parfois, il faut cesser de naviguer pour entretenir

Des solutions pour un patrimoine durable

Les charpentiers bretons appelés en renfort pensaient initialement reconstruire selon les méthodes traditionnelles, en assemblant les bois à l'aide de carvelles, des pointes forgées et galvanisées de section carrée. Or, ces clous géants sont pratiquement impossibles à démonter. Pour permettre les inévitables réparations à venir, la fondation a insisté pour que les assemblages soient réalisés à l'aide de tire-fonds en acier inoxydable, afin de permettre un démontage sans casse des pièces qui seraient à remplacer.

Une reconstruction attentive
Une reconstruction attentive

Une attention aux générations à venir

Cette précaution est à l'image de la vision d'avenir que la Fondation Neptune défend. Consciente qu'un bateau en bois a une durée de vie limitée et que les générations à venir auront encore à intervenir, elle a choisi de faire en sorte que cela puisse se faire dans les meilleurs conditions. La qualité du travail est époustouflante ! En 2021, l'intégralité du pont a été remplacé. Pour un amateur de bateaux traditionnels et de travail du bois, le résultat est une pure merveille !

La qualité du travail est exceptionnelle
La qualité du travail est exceptionnelle

La qualité suisse

Les charpentiers ont déployé tout leur savoir-faire et réalisé des assemblages parfaits, en particulier en ce qui concerne les pièces encochées, ces bois qui relient les hiloires et les bancalards des apoustis. Autant de noms locaux qui désignent respectivement les supports et la galerie extérieur du bateau. Ainsi remise à neuf, la Neptune a pu reprendre du service en juin 2021.

La Neptune et le jet d'eau contribuent au patrimoine genevois
La Neptune et le jet d'eau contribuent au patrimoine genevois

Les efforts constants des membres de la fondation font de la Neptune un exemple de ce que l'on peut réaliser pour conserver et faire vivre un bateau d'intérêt patrimonial.

Caractéristiques :

  • Longueur : 27,30 m
  • Largeur : coque : 7,46 m - hors-tout : 8,62 m
  • Tirant d'eau : 1,60 m
  • Déplacement : 70 tonnes
  • Voilure : 288 m² (Grand voilier : 125 m² ; Trinquet : 125 m² ; Foc : 38 m2)
Plus d'articles sur le thème
Réagir à cet article
Christophe Grandjean
Christophe Grandjean
Découvrant tardivement cet article, je voulais signaler d'autres barques du Léman, ces voiliers de charge qui portent le nom de brick. La Neptune est la plus ancienne sans doute, les suivantes étant des reconstructions: La Demoiselle, la Savoie, la Vaudoise (qui est venue en 2004 aux Vieux Gréements de Brest). Les originaux de ces voiliers ont beaucoup servi au transport des pierres de MeiIlerie pour les bâtiments des cités du bord du lac. Il y a encore, plus petite, une cochère, L'Aurore. Enfin, avec la même voilure latine à 2 mâts, L'Espérance III sur le Lac d'Annecy, dont l'original a aussi été construit par des charpentiers itinérants du Léman. Autant de témoignages à valeur patrimoniale de cette ancienne batellerie lacustre. Plus de renseignements sur les sites de chacune de ces embarcations, sur Wikipedia et Chasse-Marée.
Ajouter un commentaire...